Larret (Haute-Saône)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Située à la sortie est du bourg actuel de Larret, l’agglomération antique n’est attestée que très récemment grâce à une campagne de photographie aérienne en juin 2014. Larret est alors situé sur l’axe antique reliant Besançon à Langres, et plus précisément à 13 km d’une autre agglomération antique, celle de Seveux, sur la Saône. Aujourd’hui située dans le département de Haute-Saône, Larret est, durant l’antiquité, sur le territoire Séquane. Les vestiges de l’agglomération seulement repérés par photographie aérienne se développent de part et d’autre de la voie romaine sur une longueur d’environ 500 m selon les prospections au sol. Larret est également maintenant assimilée à la station de Varcia présente sur la Table de Peutinger.

 

 

2. Cadre naturel

 

2.1. Topographie, Géologie, Hydrographie

L’agglomération est implantée sur des plateaux calcaires à une altitude moyenne de 250 m. Elle se situe dans le Val de Saône, au pied du plateau de Langres. Aucun cours d’eau ne prend naissance sur le territoire communal de Larret.

 

 

3. Etat des connaissances

 

3.1. Sources

Selon certains auteurs, tels que J.-B. d’Anville, le Baron Walckenaer ou Matty de Latour, Larret correspondrait au site de Varcia de la Table de Peutinger et de l’Itinéraire d’Antonin, sur la voie romaine de Langres à Besançon, par Seveux (Matty de Latour 1865, vol. 5, p. 51-53). S. Leroy, en 1899, a étudié cette question : d’après la Table, la station de Varcia doit se trouver à 6 lieues gauloises de Seveux (Segobodium), doit un peu plus de 13 km. Cette distance correspond effectivement à celle de Larret à Seveux, « en suivant le chemin de grande communication n° 5 qui n’est autre qu’une voie romaine, comme l’indiquent la carte de Cassini et celle de l’État-major. La question nous paraît donc résolue ». Il explique le changement de nom entre la station antique et le village actuel, supposant simplement que « Varcia a disparu, peut-être à l’époque des invasions, et que sur son emplacement s’est élevé le village de Larret » (Leroy 1899, p. 263-269). Une enquête a été effectuée par C. Morin en 1994 pour déterminer à quelle commune il fallait attribuer cette station antique (Larret, Vars ou Pierrecourt) mais les résultats n’ont pas permis de trancher. Toutefois, « l’enquête atteste la vocation d’étape de Larret, implanté de part et d’autre de la voie romaine allant de Besançon à Langres où l’organisation spatiale bipartite est vraisemblable : au nord, sont concentrées les activités artisanales et/ou commerçantes, alors qu’au sud se distingue une zone d’habitat » (Morin 1994, p. 51).

Aujourd’hui nos seules sources de travail proviennent de la photographie aérienne et des campagnes de prospection au sol qui ont permis de circonscrire l’extension du site.

 

3.2. Historique des recherches

Des ruines antiques étaient signalées depuis longtemps sur le finage de cette commune, notamment dans une contrée dénommée La Chargennerie, le long de la voie antique, à la sortie est du village, où l’on a découvert, en 1815, « des tuileaux et des pièces de monnaies romaines » (Info SRA ; UI n° 5). Des prospections pédestres réalisées en 1987 par S. Labre (UI n° 1) et en 1993 par C. Morin (UI n° 2) mettent en évidence un site antique assez étendu avec au sol la présence de céramiques, de tuiles, de tubuli et de nombreuses scories ferreuses (Bonvalot et alii 1987 ; Morin 1994, p. 51).

Les prospections aériennes de l’équipe Izri/Nouvel ont permis, en juin 2014 de produire le premier plan partiel du site situé de part et d’autre de la voie antique à l’est du village. Ces clichés (une trentaine) ont révélé un certain nombre de bâtiments orientés de façon orthogonale et contre la voie, au nord (UI n° 4). Déjà en 2010, les orthophotographies de l’IGN avaient révélé pour la première fois des traces de bâtiments au sud de la route (UI n° 6). Ces nouvelles données permettent de proposer un premier plan partiel de cet indiscutable site d’agglomération (Izri, Nouvel 2014).

 

 

4. Organisation spatiale

 

Du fait du manque de données, l’organisation spatiale de l’agglomération de Larret n’est que partiellement connue.

 

            4.1. Voirie

L’agglomération est traversée par un axe structurant correspondant à la voie romaine reliant Besançon à Langres. Cet axe est aujourd’hui repris par le tracé de l’actuelle RD 5. Elle est désignée sur la carte d’Etat-major sous le nom de « voie romaine ». Entre Larret et Aumonières (un hameau situé près de Pierrecourt), cette voie présente « huit alignements successifs dessinant trois angles obtus sur un kilomètre » ; en fait il apparaît que la voie est assise sur une pente douce légèrement ondulée et ses nombreux changements de direction paraissent lui faire suivre une même courbe de niveau ; il s’agit dans ce cas « d’une adaptation inhabituelle et assez gratuite de la topographie ». Cet axe a été parfaitement décrit et reconnu par l’ingénieur Matty de Latour au XIXe siècle (Matty de Latour 1865, vol. 5).

 

            4.2. Le bâti

Les traces de bâti repérées s’étendent sur environ 250 m, pour une largeur moyenne de 50 m. L’agglomération antique paraît toutefois plus vaste puisque l’épandage de mobilier au sol permet de restituer un habitat se développant sur une longueur d’environ 500 m. Le bâti observé par photographie aérienne en 2014 n’est que partiel et aucun bâtiment n’apparaît dans sa totalité, à l’exception d’un temple carré à plan centré qui a été mis en évidence sans ambiguïté au centre de l’agglomération, au nord de la voie (UD n° 3). Le reste de bâtiments sont de plan orthogonal, orientés contre la voie.

 

4.3. Nécropole

Aucune nécropole antique n’a été découverte en marge de l’habitat jusqu’alors.

 

4.4. Etendue supposée et remarques

Les limites de l’agglomération antique de Larret semblent aujourd’hui assez bien délimitées par prospection pédestre. Les restitutions nous permettent toutefois d’estimer la superficie du site entre 4 à 5 hectares.

 

 

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

 

Le plan de l’agglomération reste trop partiel pour pouvoir en tirer des conclusions quant à la caractérisation de l’occupation. Quelques éléments nous permettent cependant d’affirmer la présence d’un temple au sein de la station, ainsi que d’un habitat domestique associé à un artisanat du fer.

 

5.1. Artisanat

Les opérations de prospections au sol ont mis au jour à chaque fois (1986, 1993, 2014) d’importantes concentrations de scories de fer trahissant sans conteste la présence d’un artisanat du fer.

 

5.2. Habitat domestique

L’habitat domestique doit sans aucun doute cohabiter avec l’artisanat au sein d’une agglomération routière comme Larret. Le plan actuel ne nous permet pas de restituer la forme générale des îlots d’habitations de l’agglomération. Celles-ci doivent toutefois également posséder de petits ensembles thermaux d’après la découverte de bétons de tuileaux et de tubuli lors des différentes prospections.

 

            5.3. Vie religieuse

Nous savons très peu de choses sur la vie religieuse de ce petit relais routier. Nous pouvons seulement attester de la présence d’un lieu de culte au nord de la voie. Ce temple à plan centré, de type, mesure 10 m de côté. Il semble être également accompagné d’autres locaux que nous retrouvons juste au nord.

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de fouilles et de prospections d’envergure, la chronologie d’occupation du site reste mal connue.

 

6.1. Haut-Empire

            L’agglomération antique de Larret semble être une création romaine datée du Ier siècle de notre ère, accompagnant la mise en place de la voie Besançon-Langres. Aucun lot mobilier céramique ou monétaire n’a été mis au jour sur le site de l’agglomération. Les récentes prospections permettent cependant d’affirmer que l’agglomération voit le jour durant le Ier siècle pour certainement être peu à peu abandonnée dès le IIIe siècle.

 

6.3. Bas-Empire

Aucune trace d’occupation n’a été décelée lors des prospections au sol pour la période du Bas-Empire.

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

L’étroite relation entre l’agglomération de Larret et la voie Besançon-Langres est indéniable et transparaît clairement à travers l’alignement des bâtiments le long de la voie. Dampierre-Fontenelle est ainsi sans aucun doute un relais routier situé à 13 km à l’ouest de Seveux. L’agglomération se développe durant tout le Haut-Empire du début du Ier jusqu’au IIIe siècle. Aucune trace d’occupation antérieure n’a pu être mise au jour dans l’état actuel des recherches. Il s’agit alors là d’une petite station routière, certes bien organisée d’un point de vue spatial, même si le plan n’est que partiel pour le moment, d’une superficie d’environ 4 hectares. Bien sûr, ce site d’agglomération a une superficie très modeste, mais il faut souligner que la table de Peutinger, document administratif, n’avait pas pour objectif de souligner l’étendue d’un site, mais plutôt de souligner certains aspects de la nature fonctionnelle de celui-ci. D’ailleurs, certains sites mentionnés par cette table, et parfaitement identifiés, n’ont parfois révélé qu’une emprise extrêmement réduite. Nous proposons donc, en suivant les arguments de la distance à Seveux ou à Langres, en considérant le plan de cette indiscutable agglomération, de situer Varcia à Larret.

 

 

8. Perspectives de recherche

 

À l’avenir, compléter le plan serait utile, mais il faudrait bien davantage proposer des actions propres à préciser la chronologie de ce site, lié à cette voie dont nous n’avons aucun élément de datation précise. Ce site s’inscrit encore dans des problématiques actuelles concernant la question de l’évolution du réseau des agglomérations, et des mutations éventuelles intervenues lors de l’organisation des provinces conquises. L’avantage du site de Larret, pour des investigations futures, est qu’il se trouve libre de toute urbanisation (champs cultivés et verger).

 

 

9. Bibliographie

 

Bonvalot et alii 1987 : BONVALOT (N.), CUPILLARD (C.), LABRE (S.), PININGRE (J.-F.), CROIZAT (J.-M.) – Prospections Saône-Ognon 1987, SRA Franche-Comté, Besançon, 1987, n. p.

 

Faure-Brac 2002 : FAURE-BRAC (O.) – Larret, Carte Archéologique de la Gaule : Haute-Saône 70, Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, Paris, 2002, p. 257.

 

Izri, Nouvel 2014 : IZRI (S.), NOUVEL (P.) – Prospections aériennes en Champagne-Ardenne, rapport 2014, SRA Champagne-Ardenne, Châlons-en-Champagne, 2014, 2 Volumes.

 

Leroy 1899 : LEROY (S.) – Emplacement de la station de Varcia, Bulletin de la Société Grayloise d’Emulation, t. 2, 1899, p. 263-270.

 

Matty de Latour 1865 : MATTY DE LATOUR (N.-G.) – Voies romaines, Système de construction et d’entretien, Bibliothèque Institut de France, Paris, 1865, 254 p.

 

Morin 1994 : MORIN (C.) – Haute-Saône : Nord-Ouest. Prospections -H12-, Bilan Scientifique, 1994, p. 50-51.

Loïc Gaëtan

Illustrations Larret