Vesoul (Haute-Saône)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Vesoul est situé dans le quart nord-ouest du territoire séquane, à une distance d’environ 50 km de la capitale de cité, Besançon-Vesontio. Ce secteur bénéficie d’un maillage de voies secondaires qui s’intercale entre deux branches de la voie du Rhin, passant respectivement au nord par Langres et au sud par Besançon. À l’échelle du département, on constate que la zone comprise entre les vallées de l’Ognon et de la Saône est relativement pauvre d’un point de vue archéologique. Dans ce contexte, Vesoul apparait comme un espace de transition vers cette seconde vallée alluviale. Une situation qui coïncide avec la fonction de carrefour routier du site, où se croisent notamment les voies de Mandeure à Langres par Port-sur-Saône et de Besançon à Luxeuil-les-Bains.

La fréquentation de ce territoire est attestée dès le Paléolithique moyen au niveau de la grotte de la Baume à Echenoz-la-Méline. La présence préhistorique paraît s’intensifier au Mésolithique et surtout au Néolithique (éperons barrés de la Cita et Charriez, grotte de Champdamoy, etc.). Sur le territoire communal à proprement parler, il s’agit plus d’un bruit de fond perceptible en particulier sur la Motte (Peter et al. 2016)  et au niveau de la rue des Tanneurs (Gauchet et Jeannin 1994). Les indices de l’occupation protohistorique, qui se concentrent dans le quart nord-ouest, sont plus convaincants (espace funéraire de l’âge du Bronze et des enclos quadrangulaires de l’âge du Fer) (Card et Merle 2000, Piningre 1996 : 148, Chopelain et Quanton 2004) et viennent compléter les informations sur les occupations de hauteur reconnues sur le territoire des communes voisines. À la période gallo-romaine, dès le début du Haut-Empire, les témoins de l’occupation se multiplient au sud-est, principalement entre la Motte et le cours du Durgeon. Outre ce noyau de peuplement, qui fonctionne en relation étroite avec le réseau viaire, on constate la présence de vestiges au sommet de la Motte et sur la rive sud du Durgeon. La trajectoire du site à la charnière avec le haut Moyen Âge est plus difficile à évaluer car elle ne transparait, comme à l’accoutumée, qu’au travers du monde funéraire. Une nécropole mérovingienne a été « étudiée » au début du XXe siècle sur le versant nord-est de la Motte (Roussel 1911) et précède l’installation du prieuré de Marteroy. Enfin, une seconde nécropole a été repérée en diagnostic (Billoin 2005) dans la plaine alluviale en contrebas et succède à une occupation antique.

 

2. Cadre naturel

 

2.1. Topographie, Géologie

 

Le paysage est tout d’abord marqué par la présence de la colline de la Motte, véritable géosymbole local, qui culmine à 378 m. Le sommet est caractérisé par une terrasse naturelle de bonnes dimensions qui supporte au sud une surélévation exiguë où est installé l’édifice religieux moderne. Ce relief aux coteaux pentus, plus marqués au sud au niveau du bourg actuel, est implanté au centre d’une dépression formant la plaine de Vesoul. Cette dépression est limitée au sud et à l’est par le front du plateau calcaire, dont l’érosion a formé plusieurs buttes élevées, et est ponctuée au nord par une succession de collines. Enfin, la vallée de la Durgeon et de la Colombine prolonge cette dépression vers l’ouest, en direction de la Saône qui déroule ses méandres à dizaine de kilomètres de là.

 

Le terrain en fond de vallée repose sur les alluvions récentes du Durgeon. Dans le détail, le sous-sol local est composé de marnes imperméables du Lias supérieur et d’un complexe de roches calcaires qui forment un relief karstique. La nature du sous-sol explique donc des débordements récurrents, en particulier lorsque des pluies abondantes réactivent le système de résurgences (Frais Puits, Fond du Champdamoy, etc.).

 

2.2. Hydrographie

 

Ces évènements hydrogéologiques sont perceptibles sur certains sites de la plaine, notamment au travers de la présence de paléochenaux à remplissage de petits cailloutis à tendance sableuse et argileuse (ruissellement ou morte) intercalés avec des limons de débordement (Durgeon, Colombine, Frais Puits) (Gauchet et Jeannin 1994 : 8).

 

Le Durgeon, affluant de la Saône, est une rivière abondante qui présente des fluctuations saisonnières de débit très marquées et dont les crues peuvent être assez importantes. La Colombine présente les mêmes caractéristiques mais accentuées, notamment en termes d’abondance avec une lame d’eau qui excède largement la moyenne du bassin de la Saône.

 

3. Etat de connaissances

 

3.1. Sources

 

Les documents les plus précoces remontent au XVIIIe siècle et signalent des collections d’antiquités bien pourvues possédées par les savants locaux (Vauchot 1838 : 136). Elles sont souvent mobilisées comme argument afin de prouver l’ancienneté et la renommée de Vesoul pour l’Antiquité (Dumontet-la-Terrade 1809, Miroudot de Saint-Ferjeux 1779, Marc 1808). Les découvertes les plus notables apparaissent aussi dans la publication de référence d’E. Clerc au milieu du XIXe (Clerc 1847). Il faut attendre 1856 pour que soit publiée une première compilation des vestiges retrouvés à Vesoul (Longchamp 1856), complétée quelques années plus tard par un second inventaire à l’échelle du département (Longchamp 1860). Le récit minutieux des nombreuses trouvailles qui se succèdent en quelques années donne une première idée de l’occupation antique au cœur du bourg moderne. Toutefois, l’ébullition intellectuelle de la seconde moitié du XIXe siècle retombe assez rapidement et les mentions de découvertes se font plus rares. Au début du XXe siècle, R. Roux propose une synthèse actualisée, qu’il introduit par des extraits inédits des travaux de dom Couderet rédigés au XVIIIe siècle (Roux 1911). En 1907, des « fouilles » sont également menées au prieuré de Marteroy par l’abbé Roussel (Roussel in S.A.L.S.A. 1910) qui met au jour des vestiges du haut Moyen Âge.

 

3.2. Historique des recherches

 

La première vague d’informations issues des travaux de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle reste très vague sur la localisation et la nature des vestiges découverts (la Motte, la Cita, etc.). Ce n’est véritablement qu’à partir des travaux de C. Longchamp qu’on dispose d’un compte-rendu extrêmement détaillé, année par année, des résultats des travaux opérés au centre-ville et des découvertes effectuées en dehors du bourg et dans les localités voisines. À l’intensité des trouvailles du milieu du XIXe siècle succède une période de calme relatif, où les mentions de nouvelles découvertes se font plus rares. La fouille de 1907 passe d’ailleurs presque inaperçue dans la documentation. Exception faite des campagnes de prospections du milieu des années 80 (Labre et Piningre 1986, Piningre in Jacob 1986), la première opération d’archéologie préventive n’intervient au final qu’au début des années 90 avec un diagnostic, aux résultats encourageants, réalisé au cœur de la ville et à proximité immédiate de l’enceinte médiévale (Gauchet et Jeannin 1994). Les diagnostics vont ensuite se succéder à partir des années 2000 : dans le secteur nord-ouest de la commune dans le cadre de travaux d’aménagement (Rocade Ouest, Centre Hospitalier, etc.) (Card et Merle 2000, Chopelain et Quanton 2004, Munier et Haut 2009) ; au centre-ville (Munier et Billoin 2008, Brunet-Gaston 2012, Gaston 2014, Viscusi Simonin 2014, Œil de Saleys 2017) et sur la rive sud du Durgeon (Billoin 2005, Simonin 2013a, Simonin 2014b) ; et à la Motte (Simonin 2013b, Simonin 2014a). Nombreuses sont les opérations qui se révèlent négatives pour l’identification de vestiges antérieurs à l’époque moderne, que ce soit du fait d’une absence avérée ou parce qu’ils ont été oblitérés par les activités postérieures. Enfin, peu de fouilles ont été prescrites : au 4 rue Serpente (Munier 2009), récemment sur la Motte (Peter et al. 2016) et une opération en cours au niveau du Palais de Justice dont nous ne pourrons pas intégrer les résultats.

 

4. Organisation spatiale

 

4.1. Voirie

 

L’étude du système de voies bénéficie des travaux de C. Longchamp. Si on se positionne au sud, une voie arriverait à Vesoul en longeant la pente ouest de la Cita avant de traverser le Durgeon et d’atteindre l’ancienne Grande-Rue Basse (Poly 1897 : 32-35). Une seconde voie, dont un tronçon a été exhumé à Noidans-lès-Vesoul au XVIIIe siècle (Miroudot de Saint-Ferjeux 1779), pourrait se poursuivre au niveau du Moulin de Saint-Martin avant de rejoindre « en ligne droite » (Longchamp 1856 : 10) la ville actuelle. Dans ce contexte, le dallage exhumé en 1994 [UD 17] (Gauchet et Jeannin 1994) pourrait être rattaché à ce tronçon, qui viendrait alors se greffer à la voie précédente lorsqu’on atteint les limites de l’ancienne enceinte et la Porte Basse. Si on se reporte au nord-est, on retrouve la trace d’une voie entre Lure et Vesoul par Calmoutier, qui passerait au pied du Camp de Frotey avant d’obliquer vers l’est pour traverser le Durgeon (Longchamp 1856 : 7-8). Elle se scinderait ensuite en deux pour contourner la Motte, vers le sud en direction de Vesoul et vers le nord-ouest avant de remonter en direction de Pusy et d’Auxon (Longchamp 1856 : 10).

La situation au centre-ville est plus difficile appréhender même si la chaussée antique a été sondée à plusieurs reprises. Elle recoupe une partie de la rue d’Alsace-Lorraine, jusqu’au niveau de la Place de l’Eglise [UD 1 et 4], puis on retrouve sa trace à l’intersection de la rue du Palais et de la rue Saint-Georges [UD 2 et 5]. Sa composition semble alors relativement homogène. Il s’agit d’un « pavé, un peu bombé […] Etabli sans sable ni ciment sur un sol marneux » (Longchamp 1856 : 9) puis, rue Saint-Georges, d’un pavé « construit de pierres ébauchées au marteau et posées debout […] et présente des pierres de bordures (margines) dont la longueur est de 40 à 50 centimètres. La voie n’a pas plus de quatre mètres de large » (Longchamp 1860 : 4). Non loin de là, au 8 rue du Palais, sa largeur passe à 3 m et le pavé est établi sur une couche de mortier (Longchamp 1860 : 6-7). Enfin, un tronçon fut dégagé en 1853 « dans la Grande-Rue Haute, devant le bâtiment de la Manutention » (sans doute vers la rue de Mailly) [UD 7]. À cet endroit, C. Longchamp a pu observer deux niveaux de pavés successifs entre lesquels était piégé un peu de matériel (Longchamp 1856 : 9). Ce faisceau limité d’indices suggère la présence d’un axe structurant sud-ouest – nord-est, situé en contrebas de la Motte et à distance respectable du cours du Durgeon.

 

4.2. Le bâti

 

Le bâti antique est connu, pour l’essentiel, au travers d’indices résiduels. Il s’agit de couches de démolition rue d’Alsace-Lorraine [UD 3] (Longchamp 1856 : 6), à l’angle nord-est de l’église [UD 6] (Longchamp 1856 : 5), vers la rue de Mailly [UD 7] (Longchamp 1856 : 6), 8 rue du Palais [UD 5] (Longchamp 1860 : 6) et rue des Tanneurs – rue des Ilottes [UD 16]  (Gauchet et Jeannin 1994). La concentration de matériel retrouvé au niveau du Moulin de Saint-Martin pourrait aussi indiquer la présence de constructions (Longchamp 1856 : 9). Toutefois, quelques structures en place ont pu être étudiées. En retrait de la rue du Palais [UD 5], C. Longchamp décrit des fondations de mur : « un blocage fait d’assez grosses pierres liées avec du ciment rouge » (Longchamp 1860 : 7), large de 50 cm et long de plus de 2 m selon un axe est – ouest. À Saint-Martin-du-Pont, D. Billoin a mis au jour deux fossés parallèles, dont un semble être une structure de drainage. Ils étaient en relation avec succession de trous de poteaux organisés auxquels succédaient une couche de démolition (moellons, terres cuites architecturales), qui permet d’envisager la présence d’une construction sur poteaux plantés [UD 21] (Billoin 2005). Le dernier témoin concerne le sommet de la Motte. Si le site a livré sans discontinuer des quantités importantes de mobilier depuis au moins le XVIIIe siècle, notamment des monnaies et de la céramique, l’occupation humaine au préalable de l’établissement du château restait une question en suspens. La fouille de 2016 a confirmé une fréquentation dès le Néolithique et la Protohistoire, avec une forte de représentation du Bronze final par rapport à des indices plus diffus pour les âges du Fer [UD 29] (Peter et al. 2016 : 236-237). Et elle a surtout révélé l’implantation précoce de structures antiques : une construction soignée (moellons, tuiles, enduits peints, trous de poteaux) associée à un potentiel espace de circulation et qui aurait subi plusieurs réaménagements, puis un second aménagement avec un sol de terrazzo et une zone de foyer qui serait peut-être en liaison avec le premier (Peter et al. 2016 : 89-124).

 

4.3. Nécropole

 

Un espace funéraire de l’âge du Bronze a été identifié en prospection à la Ferme de la Moutoillotte (Labre et Piningre 1986, Piningre in Jacob 1986). Il n’y a en revanche aucun indice de ce type d’activités pour la période gallo-romaine. En ce qui concerne le haut Moyen Âge, deux nécropoles sont connues. L’ancien site du prieuré de Marteroy fouillé vers 1907 par l’abbé Roussel et dont on a extrait plusieurs sarcophages en relation avec l’église alto-médiévale Saint-Georges [UD 11] (Roussel in S.A.L.S.A. 1910). Le site de Saint-Martin-du-Pont où D. Billoin dégagé une portion d’un espace funéraire qui apparait aux VIe – VIIe siècles et dont l’utilisation se poursuit jusqu’au XVIIIe siècle [UD 22] (Billoin 2005 : 46-47).

 

4.4. Etendue supposée et remarques

 

L’occupation protohistorique de la dépression paraît assez limitée et les principaux vestiges semblent s’implanter, comme nous l’avons précisé, sur les sites de hauteur environnants. Le Bronze final et le début du premier âge du Fer sont bien représentés et les structures vésuliennes se concentrent alors dans le quart nord-ouest de la commune. Les indices de l’occupation protohistorique pour les phases suivantes sont beaucoup plus discrets et témoignent d’une fréquentation diffuse (quart nord-ouest, bourg actuel, sommet de la Motte), avec au moins une fosse datée avec certitude de La Tène D au Grand Miselot [UD 19] (Chopelain et Quanton 2004 : 3).

L’occupation qui s’établie au Haut-Empire entre la pente sud-est de la Motte et le Durgeon ne semble donc pas capitaliser sur une implantation préexistante mais plutôt profiter de la mise en place et de la pérennisation du réseau routier. L’image livrée par les découvertes ponctuelles effectuées au centre-ville, complétée par les résultats des diagnostics archéologiques, permet de proposer à titre d’hypothèse la présence d’un petit habitat groupé organisé autour de l’axe structurant sud-ouest – nord-est présenté plus haut. La succession d’opérations archéologiques négatives qui ceinturent la trame des découvertes anciennes laisse présager d’un développement spatial très limité de part et d’autre de la voie. En effet, on constate quelques découvertes résiduelles en périphérie immédiate avant d’être confronté aux contraintes topographiques du versant sud de la Motte.  Par effet de miroir, la situation au nord est contrainte par le Durgeon et les risques hydrologiques. Le diagnostic de 1994 était par exemple sujet à des infiltrations d’eau permanentes (Gauchet et Jeannin 1994 : 23). Dans ce contexte, nous ne sommes pas en mesure d’appréhender les grandes lignes de l’évolution de l’occupation gallo-romaine. Même la fouille récente pratiquée au sommet de la Motte trahit une succession d’aménagements entre le Ier et le Ve siècle dont la lisibilité reste extrêmement confuse (Peter et al. 2016 : 236-237).

Nous sommes encore plus démunis lorsqu’il s’agit de l’occupation alto-médiévale qui n’est représentée que par les deux espaces funéraires évoqués précédemment. À la Motte, l’abandon du site antique interviendrait au plus tard au Ve siècle alors que le château ne serait édifié quant à lui qu’au Xe siècle.

 

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

 

5.1. Artisanat

 

L’identification d’activités artisanales repose sur un faisceau restreint d’indices. Lors du diagnostic de 1994, la densité de scories recueillies, compte tenu de la surface fouillée, pourrait indiquer une activité métallurgique [UD 16] (Gauchet et Jeannin 1994 : 23) dans une zone qui semble en situation périphérique, au sud de la voie et sur des terrains soumis à des risques hydrologiques. Les nombreux bois travaillés (coins, pièces de bois chevillées ensembles, pieux, planchettes et branches taillées) retrouvés incitent aussi les auteurs à envisager la présence d’artisanat du bois.

La mise en place du réseau routier, son entretien ainsi que les tâches courantes liées au passage des individus et au développement de l’habitat pourrait justifier cette double activité. Dans cette perspective, une découverte signalée par C. Longchamp n’est pas inintéressante : dans un secteur qui coïncide sans doute avec le Pré Bayard, les ouvriers du chemin de fer ont atteint, à une profondeur de 2,5 m à 3 m, un terrain peuplé de souches d’arbres coupées à la hache (zone d’abattage ?) et préservées grâce aux débordements du cours d’eau. Un squelette de bœuf et une monnaie de bronze de Tibère étaient mêlés à ces débris végétaux [UD 9] (Longchamp 1860 : 2-3).

 

5.2. Habitat domestique

 

L’identification d’un habitat groupé est proposée à titre d’hypothèse et repose sur le cumul de nombreux indices indirects. En l’état, aucune structure d’habitat en place et clairement caractérisée n’a été fouillée.

 

5.3. Vie religieuse

 

Nous devons également être prudents vis-à-vis de l’identification d’un lieu de culte au sommet de la Motte. Cette possibilité avait déjà été évoquée lors du diagnostic de 2014 [UD 23] (Simonin 2014a : 40) et semble renforcée par la fouille de 2016 [UD 24] (Peter et al. 2016 : 236-237). On constate en effet la présence de structures précoces, a priori de construction soignée, et qui subissent plusieurs réaménagements entre le Ier et le Ve siècle. Si leur fonction reste incertaine, le matériel plaide lui aussi en faveur d’un lieu de culte : de nombreuses monnaies antiques auraient été retrouvées sur place même si ce ne fut pas le cas pour les opérations récentes ; l’assemblage céramique est marqué par la prépondérance de vaisselle de présentation et de service, avec des exemples de matériel d’importation rare comme l’amphore carotte (Peter et al. 2016 : 124-125) ; enfin, la présence d’objets prestigieux, tel le médaillon à visage en pâte de verre ou la fibule zoomorphe (Simonin 2014a : 38), n’est pas anodine.

 

5.4. Installations publiques

 

Aucune installation publique n’a été identifiée.

 

6. Chronologie et critères de datation

 

6.1. La Tène

 

Si on se concentre sur la zone du bourg actuel et de la Motte, la fin de l’âge du Fer apparait comme un bruit de fond diffus au sein de couches archéologiques au mobilier abondant et hétérogène, qui brassent un intervalle chronologique s’étendant de la Préhistoire à la fin de la Protohistoire (Gauchet et Jeannin 1994 : 37, Peter et al. 2016 : 50).

On connait une structure qui peut être rattachée à une fréquentation de La Tène D. Il s’agit d’une fosse isolée et très arasée qui contenait un abondant matériel céramique au Grand Miselot : des fragments de poterie et d’argile cuite (Chopelain et Quanton 2004 : 3).

 

6.2. Haut-Empire

 

Le développement du site intervient dès le Ier siècle de notre ère comme en témoigne le matériel découvert rue des Tanneurs – rue des Ilottes (Gauchet et Jeannin 1994 : 24), à Saint-Martin-du-Pont (Billoin 2005 : 46) et à la Motte (Peter et al. 2016 : 105-109). Plus précisément, il faut envisager une accélération vers le milieu du siècle, ce qui coïncide avec la datation dendrochronologique des pieux extraits lors de l’opération de 1994 dont les dates d’abattage correspondent respectivement à 26 et à 23 ap. J.-C. Dans ce contexte, on peut déplorer que la zone d’abattage préservée par les limons de débordement et qui contenait une monnaie de Tibère ait été détruite. Quant aux petits bronzes italo-étrusques, de facture similaire à ceux retrouvés à Luxeuil-les-Bains, ils pourraient témoigner d’échanges commerciaux précoces. Malheureusement, leur lieu de provenance exact reste inconnu et on sait seulement qu’ils figuraient dans la collection privée de l’ecclésiastique de Neurey au XVIIIe siècle (Vauchot 1838 : 108).

À Saint-Martin-du-Pont comme à la Motte, l’occupation semble plus marquée aux IIe et au IIIe siècles sans qu’on puisse toutefois en tirer argument pour élaborer une hypothèse plus précise sur la dynamique du peuplement. Enfin, malgré la déconnexion spatiale de ces sites (sommet de la Motte, bourg actuel et rive sud du Durgeon), on perçoit une forme de synchronisme chronologique.

 

6.3. Bas-Empire

 

Au-delà du IIIe siècle, on constate un ralentissement de la fréquentation à la Motte, qui anticipe l’abandon des vestiges au plus tard au cours du Ve siècle (Peter et al. 2016 : 236-237). L’abandon de la construction à Saint-Martin-du-Pont interviendrait plutôt au IIIe siècle alors que du matériel résiduel signale une fréquentation qui se poursuit au-delà (coupe à marli en céramique luisante utilisée jusqu’au Ve siècle) (Billoin 2005 : 46).

 

6.4. Haut Moyen Age

 

Les quelques éléments tardifs que nous venons d’évoquer sont les témoins discrets de la transition entre l’occupation du Bas-Empire et du haut Moyen Âge. Les termes de cette transition nous restent malheureusement inconnus, faute de structure d’habitat clairement identifiée comme c’est souvent le cas. Dès lors, nous devons nous fier à l’apparition d’espaces funéraires alto-médiévaux à Saint-Martin-du-Pont et au prieuré de Marteroy. Pour ce dernier, la fouille est ancienne et on parle de tombes mérovingiennes (Roussel in S.A.L.S.A. 1910). Pour le premier, le diagnostic n’a fait qu’effleurer la nécropole qui contenait des inhumations en sarcophages et deux éléments d’accessoires vestimentaires datés des VIe – VIIe siècles et en position remaniée (Billoin 2005 : 24). D’après ces découvertes et la tradition littéraire, la présence d’une église contemporaine des premières inhumations est envisageable même si l’édifice n’a pas pu être formellement identifié lors du diagnostic.

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

Si on se fie aux informations disponibles pour la fin de l’âge du Fer, le territoire de Vesoul est certes fréquenté mais ne livre pas la trace d’une occupation bien établie pour cette période. Le quart nord-ouest de la commune est alors manifestement le plus attractif. Cette situation coïncide avec ce qu’on perçoit pour les périodes antérieures, où le peuplement semble globalement plus dynamique sur les sites de hauteur environnants.

 

Les circonstances de l’occupation changent sensiblement au cours du Ier siècle de notre ère, sans doute en relation avec la mise en place du réseau viaire gallo-romain. On assiste alors à l’apparition de ce qu’on peut envisager, à titre d’hypothèse, comme un petit habitat groupé organisé autour d’un axe structurant sud-ouest – nord-est situé en contrebas de la Motte et à distance respectable du cours du Durgeon. Son identification repose principalement sur des indices indirects et le site ne répond en vérité qu’à une partie des critères que nous avons retenus : taille du site (peut-être 3 ou 4 hectares), fonction de carrefour et articulation avec le réseau routier, activités artisanales précoces et sans doute activités religieuses au sommet de la Motte. La succession de diagnostics négatifs au centre du bourg pourrait indiquer un développement assez réduit de part et d’autre de la voie, avec un lieu de culte installé en position dominante à près de 700 m de là. Les éléments chronologiques ponctuels relevés lors des différentes opérations donnent l’image d’une occupation dont le dynamisme s’essouffle rapidement au cours du IIIe siècle. Autant qu’on puisse en juger, à partir de cette période la fréquentation diminue et certains sites sont progressivement abandonnés. Toutefois, l’occupation semble persister au Bas-Empire même si nous avons peu d’éléments pour élucider précisément les modalités de cette présence. Le constat est similaire au haut Moyen Âge, période pour laquelle seuls deux espaces funéraires sont connus.

 

8. Perspectives de recherche

 

Il serait tentant de porter le regard vers le cœur de la ville, entre la Place de l’église et la rue Saint-Georges, en quête d’informations qui pourraient confirmer la présence de l’habitat groupé pressenti et nous fournir des éléments concrets afin d’évaluer plus finement la dynamique d’occupation. Toutefois, tant C. Gaston (Gaston 2014 : 31) que O. Simonin (Simonin 2014b : 24) soulignent l’impact des travaux d’aménagement postérieurs au XVIIIe siècle, qui ont localement oblitéré les vestiges plus anciens. Les couches archéologiques ont par exemple été décaissées jusqu’au terrain naturel au 21 place Renet. Dans ces conditions, les résultats des opérations d’archéologie préventive dans ce secteur sont incertains. L’incertitude pèse également sur la zone de la Motte pour laquelle il est peu probable qu’on obtienne de nouveaux indices décisifs quant à la caractérisation de l’occupation antique. En revanche, il pourrait être intéressant de préciser la localisation de la zone des travaux du chemin de fer décrite par C. Longchamp (Longchamp 1860 : 2-3) dans la perspective de procéder à des analyses des macro-restes végétaux dans des terrains qui sont a priori aujourd’hui en pâture.

 

9. Bibliographie

 

B.S.G.E.  = Bulletin de la Société Grayloise d’Emulation

M.C.Arch.H.-S. = Mémoires de la Commission Archéologique de la Haute-Saône

S.A.L.S.A. = Société d’Agriculture, Lettres, Sciences et Arts de la Haute-Saône

 

Billoin D., 2005 : Saint-Martin-du-Pont (PSA Citroen) : Rapport de diagnostic archéologique, Besançon, Inrap Grand Est sud, 50 p.

Brunet Gaston V., 2012 : rue Saint-Martin : Recherches archéologiques sur les parcelles BC16, 107, 109, 113, 141 et 164, Besançon, Inrap Grand Est sud, 29 p.

Card C. et Merle V., 2000 : Vesoul « R.D. 457 Rocade Ouest » : Rapport d’évaluation archéologique, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 14 p.

Chopelain P. et Quanton P., 2004 : Centre Hospitalier Intercommunal de Haute-Saône : Rapport de diagnostic archéologique, Besançon, Inrap Grand Est sud, 12 p.

Clerc E., 1847 : La Franche-Comté à l’époque romaine représentées par ses ruines, Besançon, Ed. Bintot, 167 p.

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Gaston C., 2014 : 21 Place Renet : Evaluation du potentiel archéologique des parcelles F147 et 736, Besançon, Inrap Grand Est sud, 35 p.

Gauchet F. et Jeannin L., 1994 : Vesoul « Cœur de Ville » : Rapport d’évaluation archéologique, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 25 p.

Haut P., 1997 : Place Ravatin : Surveillance de Travaux, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 7 p.

Koch J., 2006 : Saint-Martin-du-Pont (PSA Citroen) : Rapport d’étude archéologique du bâti, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 27 p.

Labre S. et Piningre J.-F., 1986 : Prospections aériennes dans la haute vallée de la Saône et la basse vallée de l’Ognon, Rapport, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, np.

Longchamp C., 1839 : « Recherches historiques sur la ville de Vesoul dans les temps anciens », M.C.Arch.H.-S., Vesoul, Impr. L. Suchaux, p. 1-63 (t. I, 1ere livraison).

Longchamp C., 1856 : « Recherches historiques sur la ville de Vesoul dans les temps anciens », M.C.Arch.H.-S., Vesoul, Impr. L. Suchaux, p. 1-63 (t. I, 3e livraison).

Longchamp C., 1860 : « Découvertes et observations archéologiques faites dans la Haute-Saône de 1842 à 1860 », M.C.Arch.H.-S., Vesoul, Impr. L. Suchaux, p. 1-54 (t. II, 1ère livraison).

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Munier C. et Haut P., 2009 : Le Grand Misselot : Rapport final de diagnostic archéologique, Besançon, Inrap Grand Est sud, 29 p.

Munier C. et Billoin D., 2008 : 4 rue Serpente : Rapport final de diagnostic archéologique, Besançon, Inrap Grand Est sud, 17 p.

Munier C., 2009 : 4 rue Serpente : Rapport final de fouille archéologique, Besançon, Inrap Grand Est sud, 29 p.

– Peter C. et al., 2016 : la Motte : Nouvelles données archéologiques sur l’occupation du site aux époques néolithiques, protohistoriques et antiques et sur les vestiges du château médiéval, Marsannay-la-Côte, Eveha, 300 p.

Piningre J.-F. in Jacob J.-P. (dir.), 1986 : Prospections Saône-Ognon, Rapport, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, np.

Poly F., 1897 : « La Haute-Saône sous la domination des Romains. 1ère partie: les voies romaines », Bull. S.A.L.S.A., Vesoul, A. Suchaux, p. 1-138. (3e série, numéro 28)

Œil de Saleys S., 2017 : 16 rue d’Alsace-Lorraine/La Ville : De l’ancienne Charité au Foyer Aubry, les vestiges autour de l’enceinte médiévale, Besançon, Inrap Grand Est sud, 88 p.

Roussel (abbé), 1911 : « Communications », Bull. S.A.L.S.A., Vesoul, A. Suchaux, p. XXIII

Roux R., 1911 : Notes historiques sur Vesoul, extraites de plusieurs manuscrits et notamment du mémoire présenté à l’académie de Besançon en 1768 et 1769 par dom Couderet, religieux, et recueillis par N.-D. Baulmont, contrôleur des Postes, an X, 1802; manuscrit inédit publié avec introduction et notes, Gray, G. Roux, 105 p. (extrait de B.S.G.E., 13, 1910).

Simonin O., 2013a : 9 rue Petit : Evaluation du potentiel archéologique du cadre d’inscription de deux immeubles projetés au n°9 de la rue Petit, Besançon, Inrap Grand Est sud, 31 p.

Simonin O., 2013b : la Motte : Evaluation du potentiel archéologique de la zone sommitale du relief de la Motte, Besançon, Inrap Grand Est sud, 42 p.

Simonin O., 2014a : la Motte : Evaluation du potentiel archéologique de la zone sommitale du relief de la Motte, parcelle OC 22, Besançon, Inrap Grand Est sud, 21 p.

Simonin O., 2014b : 29 rue de Noidans : Evaluation du potentiel archéologique des parcelles H499 et 505, Besançon, Inrap Grand Est sud, 27 p.

Vauchot J.H.A. (dit Père Prudent), 1838 : « Dissertation couronnée en 1773 par l’Académie de Besançon, sur les antiquités romaines trouvées en Franche-Comté », in Mémoires et documents inédits pour servir à l’histoire de la Franche- Comté publiés par l’Académie de Besançon, Besançon, Académie de Besançon, p. 29-183 (Tome I).

– Viscusi Simonin V., 2014 : 3 rue des Annonciades : Indices d’habitats des XIIIe-XIVe siècles sous le couvent des Annonciades, Besançon, Inrap Grand Est sud, 79 p.

Damien Vurpillot

Illustrations Vesoul