1. Localisation et emprise connue de l’occupation
Située à 40 km de la capitale de cité des séquanes et une trentaine de kilomètres du chef-lieu de pagus, Portus Abuccinus/Port-sur-Saône, l’agglomération de Vallerois-le-Bois/Esprels se développe le long d’un axe secondaire liant Esprels à Vesoul, matérialisé aujourd’hui par la RD 9. Les vestiges au sol se développent sur le territoire des deux communes. Ils se répartissent sur environ 700 m dans le sens est-ouest et près de 450 m dans l’axe nord-sud, délimitant ainsi une occupation qui couvre près de 45 ares. Le site semble se développer de part et d’autre de la voie avec une présence plus marquée au sud de l’axe. Le site est actuellement implanté dans un contexte de champs cultivés qui ont fait l’objet depuis les années 1990 de plusieurs opérations de prospections pédestres.
2. Cadre naturel
2.1. Topographie, Géologie
La topographie calme, dont l’altitude varie entre 319 et 333 m, favorise les activités agricoles.
Le substrat local se compose de calcaires et de marnes de l’Oxfordien dans les zones forestières situées au sud-ouest, sud et sud-est. Le reste du territoire est constitué de calcaire du Callovien, du Bathonien et du Bajocien. Plusieurs failles subméridiennes ont été observées.
2.2. Hydrographie
Le finage est traversé au sud par un petit ruisseau dit de « la Grange-Lambert » se jette ensuite dans la rivière de la Linotte. Ce ruisseau parcoure actuellement le secteur des ateliers et aurait pu conditionner leur implantation.
3. Etat de connaissances
3.1. Sources
L’agglomération n’apparait dans aucune source ancienne et ce malgré le développement d’un hameau dit « Les Pateys » en limite est des vestiges. Les premières sources mentionnant la seigneurie de Vallerois-le-Bois apparaissent en 1379 dans le testament de Perrin de Munans (DCHS 1970 : 345).
3.2. Historique des recherches
La découverte la plus ancienne faite sur le site remonte au XIXe siècle. Il s’agit d’une stèle funéraire antique dont la localisation reste délicate et conservée actuellement au Musée Garret de Vesoul.
Les premiers vestiges tangibles d’une agglomération dans le secteur ont été aperçus par A. Thévenin en 1960 lors de travaux d’aménagement d’un fossé au lieu-dit « Les grandes parties ». Il a pu observer à 1 m de profondeur et sur une dizaine de mètres un mur en moellons de petit appareil en relation avec une quantité importante de céramiques communes (Gallia 1962 : 545). Les prospections pédestres menées sur place par la suite par F. Charlier (Charlier 1990) et S. Corsini-Laurent (Corsini-Laurent 1991 t.1 et t.2 : 102-104) confirment l’hypothèse d’un secteur artisanal où se mêlent production céramique et activités métallurgiques. Ces prospections ont également mis en évidence une occupation plus succincte au nord de la voie, au lieu-dit « Champs des Planches ».
En l’état actuel des recherches, il semblerait que les opérations de prospection pédestre aient couvert la totalité de la surface de l’agglomération.
4. Organisation spatiale
4.1. Voirie
L’agglomération se développe le long de l’axe antique [UD 1] partant d’Esprels en direction de Vesoul et matérialisé actuellement par la RD 9. Cet axe semble conditionner l’occupation sur ses abords, avec au nord un secteur résidentiel et au sud une zone artisanale.
4.2. Le bâti
Les vestiges les mieux documentés correspondent au secteur artisanal présent dans la partie méridionale de l’agglomération, au lieu-dit les grandes parties. Un mur d’une dizaine de mètres en petits moellons a pu y être suivi en 1960 par A. Thévenin. Les prospections au sol permettent encore aujourd’hui de localiser des zones de dépotoirs aisément identifiables par la très forte concentration de fragments de céramiques et la quantité de déchets métallurgiques.
Les volumes considérables de tegulae et de moellons calcaires extraient dans la partie nord du site [UD 3 à 6] ne permettent en revanche pas de présumer de la fonction de cette occupation.
D’autres secteurs sont tout aussi difficiles à interpréter [UD 7 et 8] car très peu de mobilier a pu être recueilli. Il pourrait s’agir de bâtiments en matériaux périssables dont la fonction rester indéterminée.
Enfin le dernier site n’est proposé qu’à titre hypothétique [UD 9] car la documentation se révèle trop lacunaire pour situer précisément les vestiges d’un « habitat gallo-romain ayant livré de nombreux tessons de poterie » découvert au hameau des Pateys. La seule indication qui permettrait de localiser le site fait référence à des travaux d’aménagement hydraulique. De fait, nous proposons donc de localiser les vestiges au niveau de la citerne du hameau. Il n’est pas impossible que le texte fasse aussi référence au site des grandes parties, découvert dans des conditions analogues.
4.3. Nécropole
Une découverte de stèle funéraire (Walter 1974 : pl. LVI, n°174) est signalée sur la commune de Vallerois-le-Bois au XIXe siècle sans que sa provenance exacte ne soit mentionnée. Elle est aujourd’hui conservée au Musée Garret de Vesoul (n° d’inv. D.V.I. 7).
4.4. Etendue supposée et remarques
Les prospections pédestres récentes semblent avoir délimité l’assiette du site. Longiligne, il s’étend le long de l’actuelle RD 9 du lieu-dit « les grandes parties » au hameau des « Patheys ». Des prospections complémentaires seraient nécessaires afin de pouvoir l’affirmer pour la partie nord de l’agglomération.
Les observations réalisées au cours des prospections pédestres et le mobilier récolté indiquent une bipartition fonctionnelle de l’agglomération. Le secteur sud est voué à des activités artisanales, notamment potière et métallurgique. En ce qui concerne le secteur nord, les découvertes sont plus diffuses et complexes à interpréter. La densité de vestiges y est plus lâche et ne permet pas une identification claire de l’occupation. On notera également l’absence de mobilier caractéristique de productions artisanales. Il s’agit vraisemblablement d’un secteur à vocation d’habitat dont certains bâtiments auraient pu être construits en matériaux périssables. Il serait donc envisageable d’interpréter ce site comme une petite agglomération artisanale de bord de voie.
5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation
En grande partie des données collectées pour le secteur proviennent de prospections pédestres. Si l’interprétation du mobilier ne pose pas de soucis au sud de la RD 9, les découvertes effectuées au nord sont moins limpides.
5.1. Artisanat
La production de vaisselle culinaire est attestée au lieu-dit « les grandes planches » par la très grande quantité de mobilier céramique et de ratés de cuisson découverts en surface. Des fragments de parois de four viennent confirmer cette hypothèse. La production correspond uniquement à des jattes à pâtes calcaires et à pâtes sableuses. Aux deux types proposés en 1962 (Lerat 1962 : 543) viennent s’ajouter quatre nouvelles formes ouvertes (Fig. 1).
Plusieurs fragments de coulées de réduction du minerai de fer ont été retrouvés dans le même secteur que les découvertes céramiques. Il semblerait donc qu’on puisse associer des activités métallurgiques aux activités de production céramique déjà évoquées.
5.2. Habitat domestique
Les vestiges d’habitat sont complexes à interpréter sur le site. Si les bâtiments identifiés dans la partie nord de l’agglomération ne présentent pas d’indices d’une activité de production et peuvent donc être interprétés comme de petites unités d’habitat, il n’est pas impossible que le secteur artisanal au sud ait pu également revêtir cette fonction.
5.3. Vie religieuse
Nous ne disposons d’aucune information relative à la présence d’activités religieuses.
5.4. Installations publiques
Nous ne disposons d’aucune information relative à la présence d’installations publiques.
6. Chronologie et critères de datation
6.1. La Tène
Il n’existe aucun marqueur chronologique qui laisserait supposer une occupation antérieure à l’époque gallo-romaine.
6.2. Haut-Empire et Bas-Empire
Le mobilier récolté dans le secteur nord ne permet pas d’offrir une datation précise des vestiges. Quelques tessons de céramique claire à pâte calcaire pulvérulente confirment une occupation de l’Antiquité. Le secteur sud des ateliers peut être daté du Haut-Empire par les rejets de cuisson des fours de potiers. Une forme repérée dans les années 1960 imite la coupe en sigillée Drag. 44 (Lerat 1962 : 543) qui apparaît dans le courant du IIe siècle. Les jattes Val-J.1a (Fig. 1.1) semblent quant à elles plus caractéristiques de la période flavienne et du IIe siècle. Il n’existe aucun indice d’une occupation de l’Antiquité tardive sur le site à travers le mobilier de prospection. Il n’est donc pas possible à l’heure actuelle de préciser si l’occupation du site perdure au-delà du IIIe siècle.
6.3. Haut Moyen Age
Nous ne disposons d’aucune information relative à une occupation du haut Moyen Âge.
7. Synthèse sur la dynamique d’occupation
L’agglomération de Vallerois-Esprels semble apparaître dans le courant du Ier siècle et s’organiser le long de l’axe antique Vesoul-Esprels, actuelle RD 9. La disposition des vestiges laisse envisager une organisation de type « village-rue » le long de cet axe. L’importance des découvertes artisanales du secteur sud de l’agglomération permet d’appréhender l’activité du site, largement dédiée à l’artisanat potier et à la métallurgie. L’absence de vases en provenance des ateliers de Vallerois-Esprels sur le site de la grande villa de Chassez-les-Montbozon (70) située pourtant à environ 7 km à vol d’oiseau (Barbet, Gandel 1997 : 207-232) laisse entrevoir une diffusion très localisée, probablement pour de petites unités domaniales à proximité. L’occupation du site ne semble pas dépasser le IIIe siècle mais en l’absence de fouilles, cette hypothèse reste basée sur l’appréciation du mobilier de prospection.
8. Perspectives de recherche
Si l’assiette du site semble aujourd’hui assez bien délimitée, certains secteurs, notamment au sud, mériteraient que de nouvelles campagnes de prospections pédestres systématiques soient organisées afin de préciser l’ampleur de la production artisanale du site. Des ramassages carroyés sur les ateliers de potiers/métallurgistes offriraient une meilleure appréciation de l’organisation spatiale de la zone. Les observations faites au sol permettent déjà d’observer des zones de dépotoirs et peut-être l’emplacement des fours. Le secteur étant pour l’instant intégralement en culture, d’autres opérations de prospections seraient envisageables afin de récolter plus de mobilier à même de phaser plus rigoureusement l’occupation.
9. Bibliographie
– Barbet G., Gandel Ph. 1997, Chassey-lès-Montbozon, un établissement rural gallo-romain, Paris, Les Belles-Lettres, (A.L.U.B., 627), 303 p.
– Charlier F. 1990, « Inventaire des ateliers céramiques en Franche-Comté », in : Rivet L. (Dir.), Actes de la Sfecag de Mandeure-Mathay, p. 15-29
– Faure-Brac O. 2002, La Haute-Saône, in : Provost M. (Dir.), Carte Archéologique de la Gaule, Paris, Les Belles-Lettres, 485 p.
– Lerat L. 1962, Circonscription de Besançon, in : Gallia, fascicule 2, p. 517-545
– Walter H. 1974, La sculpture funéraire gallo-romaine en Franche-Comté, Paris, Les Belles-Lettres, (A.L.U.B., 176), 184 p.
Adrien Saggese