Dammartin-Marpain (Jura)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Le territoire de Dammartin présente une occupation importante attribuée à l’époque romaine : un site d’agglomération et des habitats ruraux périphériques y ont été mis en évidence. Connu depuis le XVIe siècle, le site antique situé entre les villages de Dammartin et de Marpain, sur la rive gauche de l’Ognon, n’a été clairement identifié que depuis la fin des années 1970. Si dès les premières investigations archéologiques, l’idée d’une agglomération a vite pris corps, en raison de l’étendue des vestiges au sol, elle ne se verra confirmée que par les prospections aériennes et la photo-interprétation de G. Chouquer, en donnant une idée plus précise, bien que toujours partielle, de l’organisation de site.

L’agglomération se développe ainsi de part et d’autre du tronçon de la voie d’Agrippa reliant Langres à Besançon, via Mirebeau-sur-Bèze et Pontailler-sur-Saône. Les vestiges s’étendent ainsi sur une superficie d’environ 30 hectares, essentiellement repérés par de multiples opérations de prospection aérienne et pédestre réalisées depuis les années 1970. Aujourd’hui traversé par la RD 459, le site se trouve à l’écart du village de Dammartin, aux lieux-dits La Mouillasse, les Fourches, dans des champs ouverts cultivés. L’agglomération antique de Dammartin est la seule connue de la vallée de l’Ognon. Des vestiges ont été observés sur une longueur d’environ 1500 m de part et d’autre de la voie, entre les deux carrefours routiers actuels (RD 459 et RD 475 ; RD 459 et 12. Les limites nord et sud de l’agglomération sont moins bien connues, avec une largeur maximale de 300 à 400 m au cœur du site. Ce dernier semble se situer à l’intersection du chemin des Longues Rayes, orienté nord-sud, et de la voie romaine de Besançon à Pontailler.

 

2. Cadre naturel

 

2.1. Topographie, Géologie, hydrographie

La commune de Dammartin-Marpain est située à l’extrémité septentrionale du Pays dolois, au nord du massif de la Serre ; elle est implantée dans la vallée de l’Ognon, à quelques kilomètres en amont du confluent de la Saône et de l’Ognon. Géologiquement, le territoire de Dammartin appartient en très grande partie au Pliocène. Il se caractérise par une succession de couches de sables et d’argiles au niveau desquelles se rencontre du minerai de fer pisolithique. Ce dernier est d’ailleurs abondant dans la région de Dammartin. C’est sur un bas plateau légèrement vallonné, à une altitude moyenne de 225 m, à 2 km de l’Ognon, qu’a été mise en évidence l’agglomération antique de Dammartin-Marpain. Deux sources se trouvent aux abords du site.

 

 

3. Etat des connaissances

 

3.1. Sources

 

L’agglomération antique de Dammartin est connue d’après des découvertes fortuites, des fouilles anciennes, des prospections aériennes ou encore des prospections pédestres. L’ampleur des découvertes a vite poussé les auteurs à identifier l’agglomération de Dammartin avec celle de Dittatium citée dans la Géographie de Ptolémée, hypothèse réfutée par J. Feuvrier (Chifflet 1618, p. 140 ; Mallard 1838-1839, p. 96-103 ; Feuvrier 1925…).

 

3.2. Historique des recherches

 

Dès le XVIe siècle, la bibliographie fait état de la découverte dans la commune de Dammartin de vestiges antiques relativement riches : rues, bâtiments, habitations, mosaïques, puits, statuette, etc… ; néanmoins les descriptions restent sommaires et la localisation est souvent imprécise. En 1925, J. Feuvrier réalise la première synthèse sur Dammartin permettant de resituer l’ensemble de ces découvertes (Feuvrier 1925). La monographie reprend les données issues de la bibliographie ancienne à laquelle Feuvrier ajoute des enquêtes orales, des résultats de prospections et un plan détaillé, même si il reste approximatif, de l’extension des vestiges antiques. Il souhaite ainsi démontrer que les découvertes situées entre les deux carrefours routiers actuels correspondent à un important « vicus » dans lequel pouvait se trouver une mansio (ou une mutatio). Plusieurs découvertes fortuites et quelques interventions archéologiques limitées, suite à des travaux agricoles, viendront préciser cet ensemble de données.

Dès 1976, les prospections aériennes menées par Gérard Chouquer viennent apporter des éléments décisifs en révélant plusieurs sites ruraux périphériques et en confirmant, grâce à la découverte d’un quartier complet de l’agglomération, le caractère urbain du site. G. Chouquer réalise des prospections aériennes jusque dans les années 1990 permettant peu à peu de compléter le plan de l’agglomération. En parallèle des recherches au sol sont effectuées par le biais de prospections pédestres permettant de circonscrire l’extension du site. Des sondages ou des surveillances de travaux sont également organisés sous la direction de N. Bonvalot dès 1979 suite à la mise en place de systèmes de drainage dans les parcelles cultivées (UI n° 7). Ainsi, quelques lots de mobiliers ont pu être collectés et la nature de l’occupation précisée avec notamment une activité artisanale métallurgique assez importante. En 1983, des structures sont également mises au jour : puits et murs, suite à des labours profonds aux Chapettes (UI n° 17).

Au milieu des années 1980, Nathalie Bonvalot rédige une nouvelle synthèse sur l’agglomération antique en présentant un schéma d’organisation et d’extension du site (Bonvalot 1986, fig. 32). Ce schéma va être peu à peu complété par de nouvelles prospections aériennes (Chouquer 1986 ; 1992). En 1995, dans le cadre d’une recherche sur les sites de la rive gauche de la vallée de l’Ognon, L. Jaccottey et F. Jeudy réalisent des prospections pédestres sur l’ensemble de la commune. Bien qu’ils ne s’intéressent pas directement à l’agglomération antique, ils permettent une nouvelle fois d’en préciser l’extension et de repérer des sites inédits (Daval, Jaccottey, Jeudy 1995).

Au cours des années 2000, le plan de l’agglomération est complété par de nouvelles prospections aériennes réalisées en 2011 par J. Aubert (UI n° 27). À cette occasion un nouveau quartier est apparu à l’est du site, en bordure du cœur supposé de l’agglomération. Les campagnes de prospection aérienne de P. Nouvel et S. Izri permettent également la découverte de nouvelles structures en 2010 et 2014 (UI n° 28 et 29), et notamment au nord, avec une nouvelle fois l’apparition d’un quartier, proche des temples repérés par G. Chouquer. Dernièrement, en septembre 2014, une prospection géophysique (UI n° 30) a permis de circonscrire davantage l’agglomération dans sa partie est, dans une zone où le plan de G. Chouquer (1986) laissait entrevoir des structures. Finalement, les vestiges ne sont pas aussi étendus dans cette zone, malgré la présence de mobilier au sol. Ces résultats, ainsi que les nouvelles photo-interprétations permettent de revoir en partie de plan de l’agglomération (Gaëtan, Laplaige 2014).

 

 

4. Organisation spatiale

 

L’organisation spatiale de l’agglomération antique de Dammartin-Marpain nous est exclusivement connue grâce aux diverses campagnes de prospections aériennes menées par G. Chouquer depuis les années 1970 (Chouquer 2007). Le recoupement des données n’a pu se faire qu’à l’est de l’agglomération, montrant une structure isolée dans cette zone. Avec la reprise de l’ensemble des données du dossier de Dammartin, le plan de l’agglomération a fortement évolué. Afin de simplifier les explications, nous avons choisi de renuméroter l’ensemble des quartiers et des rues étant donné que bon nombre d’entre eux avaient été infirmés ou confirmés selon les secteurs.

 

4.1. Voirie

L’habitat se développe essentiellement de part et d’autre d’une voie principale considérée comme un des tronçons du réseau d’Agrippa, reliant Besançon à Langres, via Pontailler et Mirebeau, établissant une communication du centre du territoire séquane avec la cité des Lingons (Rue 1, UD n° 1). Cette voie constitue un axe majeur dans l’organisation de l’agglomération. Selon N. Bonvalot, elle suit approximativement l’actuel tracé de la RD 459. Toutefois, le plan d’interprétation de G. Chouquer (2007) réalisé à partir de la confrontation de l’analyse des clichés aériens de 1976, des clichés de l’IGN 1940 et des prospections au sol, montre que cette voie est décalée vers le nord par rapport à l’actuelle route départementale. Cette position ne nous paraît plus évidente actuellement puisque la prospection géophysique réalisée en 2014 ne montre aucune trace de voie à cet endroit de l’agglomération. Un carrefour central semble également exister, formé par un axe nord-sud repris au XIXe siècle par la voie ferrée établie entre Dole et Gray par Pesmes. Ce chemin, dit des Longues Rayes, pourrait déterminer l’axe théorique nord-sud de l’agglomération (Bonvalot 1986, p. 111).

Cet axe structurant est complété par un réseau viaire plus complexe d’après le plan d’interprétation de G. Chouquer et notamment par un certain nombre de voies perpendiculaires à l’axe principal est-ouest. Ces voies ont pu être repérées grâce à l’interprétation du cadastre napoléonien et les clichés IGN des années 1940. D’autres voies ont toutefois pu être localisées avec certitude grâce à la photographie aérienne. Ainsi, sur le côté sud de la voie principale se détache un quartier organisé sur une voirie en forme de fer à cheval. D’autres petites voies viennent ensuite se greffer à ce réseau.

 

4.2. Le bâti

Plusieurs quartiers d’habitats se dessinent au sein de l’agglomération d’après les photo-interprétations. Contrairement aux premiers plans publiés (Bonvalot 1986, fig. 32), l’agglomération antique ne possède pas un plan orthogonal quadrillé. Le plan réactualisé montre finalement une agglomération possédant un tissu urbain plus lâche. Ainsi, un certain nombre de zones restent vides de structures, et notamment pour la partie nord, qui est beaucoup moins complète que la zone sud de l’agglomération. Nous avons donc à faire à un biais évident de la recherche dû au terrain et aux méthodes d’investigation. Le cœur de l’agglomération apparaît être le quartier le plus dense avec un autre secteur juste à l’est, fourni par de nouvelles données aériennes (Aubert 2011).

 

                        4.2.1. Le centre de l’agglomération : Quartier A (UD n° 5, 6 et 28)

Le centre de l’agglomération antique de Dammartin apparaît comme étant le quartier le mieux connu du tissu urbain. Il pose toutefois encore quelques difficultés dans son interprétation du fait de sa forme atypique.

La lecture du plan cadastral de 1824 attire l’attention sur une forme arrondie avec quelques lignes rayonnantes en discordance avec les autres dispositions et orientations du parcellaire. Ce secteur correspond au centre de l’agglomération antique et il est tentant d’y voir un héritage du parcellaire antique. Le secteur a toutefois été perturbé une première fois par la construction de la Route Départementale actuelle, et une seconde fois par la voie ferrée au début du XXe siècle et dont la gare, aujourd’hui désaffectée, se trouve en plein milieu du site. Les photographies aériennes anciennes de l’IGN, ainsi que les clichés aériens de G. Chouquer en 1976, suggèrent des indices allant dans le sens de l’information du plan cadastral de 1824 : leur lecture confirme l’existence de la forme arrondie et des lignes rayonnantes. Cet ensemble d’indices a poussé G. Chouquer a identifier cette forme comme étant les vestiges d’un théâtre, ou d’un monument à très grande abside comme un nymphée. Nous préférons aujourd’hui avancer l’hypothèse de la présence d’une place publique à cet endroit même, d’environ 8 000 m². Celle-ci située au centre de l’agglomération, serait bordée au nord par la voie d’Agrippa. En forme de demi-cercle, un ensemble de constructions vient la ceinturer sur tout son côté sud. Ces quartiers, observés de manière remarquable lors de la sécheresse de l’été 1976 par G. Chouquer, sont également délimités par des rues perpendiculaires et rayonnantes à la place publique.

Dans ce bâti continu, formé d’ensembles jointifs, on identifie un premier quartier (UD n° 5) prenant la forme d’une domus selon G. Chouquer (2007). Ce quartier est encadré de deux rues perpendiculaires à la place publique (Rues 4 et 5 ; UD n° 8 et 9). Le bâti s’adapte alors très bien au réseau viaire puisqu’à l’intérieur même de ce quartier on peut observer un changement d’orientation en plein centre, lié à l’irrégularité de la rue (Rue 2 ; UD n° 7). Le bâti se retrouve le long des rues, alors qu’en arrière, au centre de la parcelle se trouve un espace libre de construction, correspondant sans doute aux cours et jardins. Au sud de la place publique et en son centre, se développe un deuxième quartier relativement bien identifiable sur les clichés de 1976 (UD n° 6). Dans cet ensemble de constructions épousant là encore le réseau viaire irrégulier, quelques absides et grandes pièces sont visibles. Ces éléments tendent à faire penser que nous sommes ici en présence d’ensembles thermaux. En plus de ces quartiers, un dernier, similaire à l’UD n° 5, est visible en bordure de la place publique. Toutefois, seules quelques structures sont visibles (UD n° 28).

 

                        4.2.2. Quartier B (UD n° 4)

Face à la place publique, au nord de la voie d’Agrippa se retrouvent deux bâtiments se développant perpendiculairement à la route. De dimensions similaires (11 x 30 m), ces deux habitations doivent faire partie d’un ensemble plus vaste d’un bâti se développant en bordure de voie, à l’image des « villages rues ».

À ce même emplacement est signalée au XIXe siècle la découverte « […] d’une tour octogonale dont le plus grand axe mesurait environ 10 m et les murs 0,80 m d’épaisseur, et à quelques mètres au nord, les vestiges d’une construction comportant quatre chambres en enfilade, chacune d’elles d’une surface approximative de 9m² » (Feuvrier 1925, p. 59). Cette tour octogonale est interprétée par N. Bonvalot comme étant un fanum, un temple en bordure de voie (Bonvalot 1986, p. 111), de surcroît dans l’axe central de la place publique. Nous ne possédons toutefois aucun plan de cet édifice qui n’a jamais été revu, même par photo-interprétation, depuis le XIXe siècle. Sa localisation exacte reste également très incertaine.

 

                        4.2.3. Quartier C (UD n° 10 et 18)

Toujours au nord de la voie principale traversant l’agglomération de Dammartin se détache un dernier quartier d’habitations formant la limite est du bâti. Celui-ci est très peu connu si ce n’est quelques éléments vus par photographie aérienne en 2011 par J. Aubert ainsi que des sondages réalisés par N. Bonvalot en 1979 dans le cadre d’une surveillance de travaux (Bonvalot 1979). « Un dépotoir a été mis au jour parmi les décombres d’une construction (moellons, mortier, tegulae). Il contenait, hormis des fragments de céramique commune et des ossements d’animaux en abondance, des scories de fer. Ce sont les premiers indices concernant cette activité dans un secteur où le minerai de fer affleure partout ». Cette surveillance de travaux accompagnant des opérations de drainage des parcelles, a également permis la découverte de murs, de sols bétonnés et un puits. Ce dernier, de forme ovoïde, en pierres sèches (prof. 1,30 m) situé à la limite nord de la zone archéologique (UD n° 18), était entièrement ceint d’un anneau de marne bleue servant de joint d’étanchéité. L’ensemble de ces constructions se trouve en bordure de la voie et prend la forme d’îlots d’habitation « classique » visibles sur 60 m de longueur pour une profondeur maximale de 40 m.

 

                        4.2.4. Quartier D (UD n° 17)

Face au quartier C, au sud de la voie d’Agrippa, se retrouve un important quartier d’habitation (UD n° 17). Une longue façade d’une centaine de mètres est visible au nord, le long de la rue, à l’arrière de laquelle se développe un ensemble de pièces d’habitations sur une largeur d’environ 20 m. Au sud de cet ensemble, sans réellement savoir s’ils sont liés, se développe un autre ensemble d’habitations dont les locaux sont plus réguliers. Malgré son importance, le plan de ce quartier reste difficilement interprétable. D’ailleurs, à l’exception de la voie principale, aucune autre rue venant desservir ce quartier n’est visible sur les clichés aériens.

 

                        4.2.5. Quartier E (UD n° 13)

À l’extrême ouest de l’agglomération, un bâtiment est visible, marquant délimitant très certainement l’occupation dans ce secteur. Observées lors des survols aériens de 1992 par G. Chouquer, ces deux unités présentent des divergences d’orientation. Le plus éloigné (20 x 10 m) suit l’orientation générale du bâti de l’agglomération, s’alignant sur la voie d’Agrippa, tandis que celui situé au nord présente un décalage important qui reste inexpliqué à ce jour.

 

                        4.2.6. Quartier F (UD n° 22, 23)

Tout au nord de l’agglomération, à 300 m de la voie d’Agrippa se développe deux derniers quartiers, à l’écart de toutes les autres constructions de l’agglomération. Ces derniers sont desservis par une rue (Rue 6 ; UD n° 26) venant directement de la voie principale. Les structures du premier quartier, le plus au sud, ont été découvertes lors du survol aérien de S. Izri et P. Nouvel à l’été 2014. Cet ensemble prend la forme d’un quartier trapézoïdale de 65 m x 45 m en moyenne, fermé au sud par une galerie et au nord par un long mur. Au centre, les structures forment un plan difficilement interprétable. Ces deux quartiers sont-ils en lien ? Les vestiges situés au nord (UD n° 22) présentent des formes bâties qui évoquent un ou plusieurs bâtiments carrés situés dans un enclos fermé au nord par une galerie. C’est ce qui suggère l’hypothèse de temples selon G. Chouquer (2007). La galerie visible sur les deux ensembles peut peut-être être reliée au sud-est.

 

                        4.2.7. Quartier G (UD n° 11)

Le quartier G constitue à ce jour le dernier quartier oriental connu de l’agglomération. Il n’est pas très étendu et est composé de deux ensembles d’orientation différente. Malgré les nombreuses perturbations en surface, un édifice s’organisant le long de la voie principale a pu être étudié. Même si son plan n’apparaît que partiellement, celui-ci semble marquer de manière sûre la limite est de l’agglomération antique de Dammartin. Il possède le même type de plan que les bâtiments formant le quartier C, mais possède à l’intérieur d’une de ces pièces un ensemble d’anomalies certainement liées à une activité de cuisson ou de forge. La quantité de tuiles romaines (imbrices et tegulae) présente sur le secteur pourrait être un indice d’une activité de tuilerie (?). Il est également important de noter qu’un second bâtiment est présent au sein de ce petit quartier. Il possède une orientation est/ouest, ne correspondant en aucun cas avec une organisation en bordure de la voie d’Agrippa. Tout comme le premier bâtiment, celui-ci est très perturbé par un certain nombre de pollutions modernes en surface. Nous pouvons toutefois observer, de manière très malaisée, quelques recoupements de structures. S’agit-il alors d’un premier état de bâtiment ?

 

 

4.3. Nécropole

À l’ouest de l’agglomération, M. Demésy a signalé à N. Bonvalot (1986, p. 112) des traces d’incinération (verre fondu et ossements humains) pouvant être interprétées comme les indices d’une nécropole romaine (UD n° 14).

Pour l’époque mérovingienne, une nécropole est signalée autour de l’actuelle église de Dammartin-Marpain. En 1848, en faisant des fouilles devant l’église, les ouvriers mirent au jour plusieurs squelettes humains, « d’une taille colossale ; leur crâne était d’une épaisseur extraordinaire » (Marquiset 1853-1858, 2, p. 367). Une tombe isolée de la même époque est également signalée dans les ruines de l’agglomération, au lieu-dit Les Plantes (UD n° 16). En 1845, a été découverte une sépulture probablement mérovingienne qui a livré un casque et une épée et, près de la tête, deux pièces de monnaie romaines (Feuvrier 1925, p. 56). La présence de cette sépulture démontrerait que cette partie de l’agglomération était abandonnée au haut Moyen-Age.

 

4.4. Etendue supposée et remarques

Les limites de l’agglomération antique de Dammartin semblent aujourd’hui assez bien appréhendées, et notamment pour les limites est et ouest, le long de la voie d’Agrippa. En revanche, l’organisation spatiale interne et l’interprétation de certains quartiers restent encore difficiles dans l’état actuel des recherches. Ainsi, l’agglomération s’étend sur une surface d’environ 30 hectares.

 

 

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

 

La caractérisation de l’occupation repose essentiellement sur des données lacunaires issues de quelques sondages ou surveillances de travaux effectués en 1979 et 1983 par N. Bonvalot. Le plan de l’agglomération reste également trop partiel pour pouvoir fournir des indices supplémentaires sur la caractérisation de l’occupation.

 

5.1. Artisanat

La métallurgie du fer est toutefois une des rares activités artisanales attestées sur le site de l’agglomération antique de Dammartin. Ainsi, les sondages effectués en 1979 par N. Bonvalot ont mis en évidence une activité métallurgique (présence de scories de fer en quantité) dans les vestiges d’un habitat du secteur 8 (UD n° 10).

 

5.2. Habitat domestique

L’habitat domestique se caractérise par la présence de quartiers d’habitations et de grands îlots répartis de part et d’autre de la voie principale traversant l’agglomération. Le plan de ces structures nous prouve que l’habitat est entièrement tourné vers la fonction routière. Le plan d’ensemble de l’agglomération proche du « village rue » des relais routiers antiques en est une preuve.

 

5.3. Vie religieuse

Comme évoqué précédemment, la présence d’un fanum est supposée au centre de l’agglomération, sur le côté nord de la voie d’Agrippa depuis le XIXe siècle (UD n° 4). Toutefois, sa présence n’a pas été confirmée par les multiples campagnes de photographies aériennes jusqu’à ce jour. Aucun plan des structures n’a également été fait lors de sa découverte. Cette hypothèse reste donc difficile à vérifier dans l’état actuel des recherches. Un autre secteur cultuel est supposé au nord de l’agglomération (UD n° 22). Même si le plan reste encore incertain, celui-ci a été interprété comme étant un sanctuaire avec au moins deux temples au sein d’un enclos ceint par une galerie. Le plan reste là aussi trop incertain pour pouvoir se prononcer davantage. L’interprétation pâtit également du manque de mobilier et de recherches sur ces deux ensembles.

 

5.4. Installations publiques

Les installations publiques échappent encore largement à notre vision de l’agglomération. L’espace vide au cœur de l’agglomération pourrait toutefois centraliser un certain nombre d’édifices publics. Parmi eux, au sud de cet espace a été observé un ensemble thermal dont il est difficile de dire s’il est public ou privé (UD n° 6). Au nord, nous pourrions également replacer un fanum de plan octogonal (UD n° 4).

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de fouilles récentes, seules les données issues des prospections pédestres et des sondages ou surveillances de travaux peuvent nous permettre d’avancer certains arguments quant à la chronologie d’occupation de l’agglomération de Dammartin. Les résultats sont alors assez succincts en ce qui concerne certaines périodes.

 

6.1. La Tène D

Aucune occupation protohistorique n’est pour l’instant ni attestée ni associée à l’agglomération antique de Dammartin-Marpain. Seulement une quinzaine de monnaies gauloises en argent et en bronze ont été découvertes en 1860 lors de fouilles réalisées au Murger par E. Jannot (Feuvrier, Brune 1920, p. 139-140). Mais la mention de monnaies gauloises n’est pas suffisante pour prouver l’existence d’une occupation laténienne à Dammartin.

 

6.2. Haut-Empire

                              6.2.1. Monnaies

Parmi les monnaies découvertes à Dammartin, quelques monnaies consulaires ainsi que des monnaies impériales ont pu être identifiées. Un trésor daté du IIIe siècle a également été mis au jour en 1770. Il était renfermé dans «  un grand vase d’airain qui contenait 4 000 médailles et monnaies romaines, la plupart du IIIe siècle ; les dernières étaient des deux Philippe, d’Hostilien, de Trajan Dèce, de Valérien, d’Emilien, de Salonin, de Salonine, de Postume » (Feuvrier 1925, p. 53). L’examen global des monnaies lorsque leur identification a été donnée paraît montrer une occupation permanente du site à l’époque romaine du début du Ier siècle à la deuxième moitié du IVe siècle, avec une période de trouble au IIIe siècle (Bonvalot 1986, p. 112).

 

                        6.2.2. Céramiques…

Parmi le mobilier céramique provenant des ramassages de surface ou des surveillances de travaux, seuls quelques tessons de céramiques sigillées identifiés et qui constituent la seule approche chronologique, en l’absence de fouilles, sont présentés dans les agglomérations secondaires en Franche-Comté romaine (1986, p. 112, fig. 34a, 34b). « Deux fragments d’un même vase type Drag 37 représentant Mercure debout (Osw 538) et Cupidon assis (Osw 444) ornés de motifs non figurés, terminal trifide (Rogers G. 56) et rosette (Rogers C. 241 ou 242) sont attribuables à PATERNUS de Lezoux (fin des Antonins – début du règne de Marc-Aurèle). Trois fragments ornant la partie supérieure d’un Drag 37 et représentant une frise d’animaux sauvages (Osw 1633) et un cavalier (Osw 249) proviennent de Lezoux (Hadrien). Le fragment n° 5 Apollon dans un médaillon est proche d’Osw 78 (Lezoux, Hadrien-Antonin). Il a été trouvé dans la fouille du dépotoir situé zone 3 [UD n° 10]. Deux autres fragments sont également attribuables à Lezoux le n° 7 Apollon debout (Osw 91b) (Hadrien) et le n° 9 Diane chasseresse (Osw 106) très proche du style de DIVIXTUX (160-195) ou de celui d’ADVOSISUS (160-180). La Graufesenque est présente avec un tesson, le n° 6, Cupidon (Osw 434) (Vespasien) ainsi que Luxeuil pour la première période avec le fragment n° 10 strigiles n° 172 et abeilles n° 190 du catalogue de L. Lerat et Y. Jeannin. Les fragments de sigillée non décorée sont nombreux et pas toujours identifiables. Deux formes assez complètes sont présentées ici, un mortier à pâte intérieure sablée de type Drag 45 (n° 11) et une tasse sigillée de forme peu courante de Drag 34 avec anse ondulée que l’on rencontre sur la forme 39. Les fragments n° 20 et 21 appartenant à des formes de type Drag 45 et 46 ont été recueillis aux abords du puits situé au lieu-dit « Derrière les Meix », dans la zone 2 [UD n° 17]. Les n° 13 à 19 et 22 illustrent quelques exemples de céramique commune fréquente sur le site, à pâte grise (n° 14, 16, 17, 19, 22), rose (n° 18) ou rouge (n° 15) enfin à pâte orange micacée (n° 13). Une brève étude  statistique sur l’ensemble des formes de céramique sigillée unie et décorée identifiées, provenant de prospections de surface démontre la prédominance des formes de la fin du Ier-IIe siècle et l’importance de l’officine de Lezoux particulièrement bien représentée à Dammartin ».

 

6.3. Bas-Empire

Le Bas-Empire est très peu représenté à travers les prospections et les sondages réalisés. Le site doit ainsi être peu à peu abandonné dès le IVe siècle de notre ère.

 

6.4. Haut Moyen Age

Le site n’a livré aucun artefact du haut Moyen Age, ce qui suppose qu’à cette époque l’occupation s’était déplacée sans doute plus au sud sous le bourg actuel. Cependant, en 1845, a été découverte une sépulture isolée du haut Moyen-Age installée dans les ruines de l’agglomération. Il s’agit là du seul indice d’occupation pour cette période.

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

Par conséquent, malgré le manque évident de recherches récentes sur le terrain de l’agglomération antique de Dammartin, on peut attester que le site est occupé du Ier au IVe siècle de notre ère. Il doit sans aucun doute se développer en lien direct avec la voie d’Agrippa reliant Besançon à Langres, via Mirebeau et Pontailler, qui le traverse d’est en ouest. Le plan général et son développement le long d’un axe routier semblent indiquer que l’agglomération puise ses racines dans un relais routier. Située à un carrefour de voies reliant Dammartin à l’Ognon au niveau de Pesmes, l’agglomération s’est également développée grâce à une activité métallurgique dont on a du mal à mesurer l’ampleur. À son plus fort développement l’agglomération s’étend sur une superficie d’environ 30 ha, en prenant en compte le secteur excentré des temples, au nord. Il est également important de noter que le plan urbanistique est tout à fait atypique puisqu’au centre de l’agglomération semble se trouver une importante place publique de 8 000 m² autour de laquelle se développent des quartiers d’habitations ainsi que des lieux publics comme des thermes ( ?) ou un temple ( ?). Ces hypothèses restent toutefois à vérifier à l’avenir. Après l’abandon du site à la seconde moitié du IVe siècle de notre ère, l’occupation semble se déplacer plus au sud, à l’emplacement du village actuel de Dammartin dès le haut Moyen-Age. L’église actuelle pourrait ainsi s’être implantée à l’emplacement du monastère Dornatiacum mentionné dans une copie du XIIe siècle d’un acte (un texte de donation) de 652. Ce monastère de femmes, dédié à Saint-Martin, aurait été fondé vers 630-650 par Almagaire, duc du pagus d’Attuyer et dirigé par Adalsinde, la fille du fondateur. En 652, suite à des destructions importantes, les moniales se réfugient dans l’abbaye de Bèze (située au nord de Mirebeau) dirigé par Wualdalène, frère d’Adalsinde. On ignore la suite de l’histoire : le site de Dornatiacum a-t-il été définitivement abandonné suite à ces destructions importantes ou bien a-t-il été reconstruit ? Dornaticium a longtemps été identifié à Saint-Martin de Bregille à Besançon alors que la plupart des possessions de ce domaine se trouvent dans la vallée de l’Ognon. Récemment Dammartin a été proposé par G. Chouquer, comme l’emplacement le plus plausible de ce monastère en raison de la présence de l’hagionyme « Saint-Martin » (le seul de la vallée de l’Ognon) et de l’existence d’une agglomération antique (Daval, Jaccottey, Jeudy 1995, p. 15).

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Documentation ancienne, recherches de terrain (prospections pédestres) et photographie aérienne, en l’absence de fouilles, sont nos seuls moyens d’investigation pour saisir, du moins partiellement, l’évolution du site. La mise en place d’une nouvelle prospection géophysique magnétique en 2014 a permis pour la première fois de recouper ces informations avec une autre source de données. Cette expérience devrait être renouvelée sur de nouvelles parcelles dans d’autres secteurs de l’agglomération afin de compléter le plan.

 

 

9. Bibliographie

 

 

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Loïc Gaëtan

Illustrations Dammartin Marpain