1. Localisation et emprise connue de l’occupation
Pontarlier se situe en bordure orientale du territoire séquane. Le site s’insère au niveau de la voie de l’Italie au Rhin par le Jura, dont le tracé, après avoir traversé le sommet du Jura, redescend par la Cluse de Joux avant d’atteindre Pontarlier pour franchir le Doubs. La voie se poursuit ensuite en direction de Nods, puis de Besançon selon un parcours relativement bien documenté (Guichard 1990). Les dénominations Ariarica / Ariolica / Abiolica, mentionnées dans l’Itinéraire d’Antonin et la Table de Peutinger, et attribuées de façon récurrente à Pontarlier ne sont que pure spéculation. Aucun indice archéologique ne vient étayer cette hypothèse.
Le territoire communal a livré peu d’informations relatives à l’occupation préhistorique et protohistorique. On peut envisager la présence d’un petit site de plein air mésolithique aux Gravilliers (Videau 2011 : 102-103). En ce qui concerne les âges des métaux, les données sont diffuses et témoignent de la fréquentation du secteur ainsi que de potentielles activités funéraires. L’archéologie révèle un site qui prend de l’ampleur au début de la période gallo-romaine avec l’émergence d’un habitat groupé en relation avec l’installation de la voie antique dont le tracé coïncide en partie avec la chaussée actuelle (D74, rue de Salins, D72). L’occupation semble alors se concentrer au niveau du franchissement du Doubs, de part et d’autre de la voie sur les deux rives. L’emprise paraît relativement limitée et ne doit pas dépasser les trois à quatre hectares, c’est tout du moins ce que nous pouvons proposer à partir d’indices aussi morcelés. Enfin, rares sont les marqueurs chronologiques alto-médiévaux qui proviennent de l’habitat groupé antique. En effet, l’occupation semble se déplacer au nord-ouest, dans le secteur des Gravilliers (Videau 2011 : 102-103), qui a livré les traces d’un important habitat groupé du haut Moyen Âge en relation avec un espace funéraire contemporain, dont l’activité va se poursuivre tout au long du Moyen Âge. Dans ce contexte, il est important de signaler que la nécropole mérovingienne de la Grande Oye a été fouillée à environ 3 km vers le nord, sur la commune de Doubs. Cet espace funéraire très important serait composé d’au moins 800 sépultures (Urlacher, Passard-Urlacher et Gizard 1998).
2. Cadre naturel
2.1. Topographie, Géologie
La ville de Pontarlier est établie sur un plateau dont l’altitude moyenne est d’environ 830 m et qui s’insère à l’extrémité orientale de la Chaux d’Arlier. Le plateau s’appuie à l’est sur l’anticlinal du Larmont dont le point culminant, sur le territoire communal, atteint 1323 m. Cette formation géologique contraignante est percée d’une cluse étroite creusée par le cours du Doubs et qui fait figure de passage obligé pour rejoindre la Suisse.
L’agglomération repose sur des formations fluvio-glaciaires qui prennent la forme d’un cône de déjection au débouché de la cluse. On retrouve ensuite des alluvions tourbeuses en périphérie de la zone fluvio-glaciaire. L’amorce du Larmont se déploie principalement sur les formations calcaires du Kimméridgien supérieur et inférieur. On note également la présence d’une formation de calcaires roux oolithiques du Valanginien au faubourg Saint-Claude et au niveau du petit ressaut de terre constitué par la côte Jeunet qui apparait à l’est de la ville.
2.2. Hydrographie
Le tissu urbain est traversé du nord au sud par le cours du Doubs, dans lequel afflue le ruisseau de Lavaux en provenance de l’est. Du point de vue de l’hydrologie souterraine, les calcaires jurassiques sont parcourus par un réseau karstique qui draine les eaux de surface et alimente des sources du type vauclusien au débit très variable.
3. Etat de connaissances
3.1. Sources
Le passé antique de Pontarlier apparaît dès le XVIIIe siècle dans les publications mais offre peu d’intérêt du point de vue de l’archéologie. Ces documents sont principalement animés par le débat infructueux à propos de la dénomination de l’agglomération antique. Le discours est ponctué par des mentions de découvertes monétaires contradictoires (Droz 1760 : 6-10 ; Dunod de Charnage 1735 Volume 1 : 33) et par quelques indications sur le système de voie. Au milieu du XIXe siècle, la situation n’a guère évolué (Bourgon 1841), comme l’indique E. Clerc en 1847 : « Mais, dit-on, on ne trouve que des médailles et nulles ruines romaines à Pontarlier » (Clerc 1847 : 114-116). Il faut attendre la seconde moitié du siècle pour voir apparaitre de nouveaux indices, tout d’abord sous la plume de E. Girod (Girod 1857), puis sous l’impulsion de G. Colin, très actif dans le secteur en 1863 et qui publie les résultats de ses investigations l’année suivante (Colin 1864). Il confirme d’ailleurs, à la suite de F. Droz, que les volumes importants de numéraire signalés par certains auteurs ne sont jamais accompagnés d’indications sur la quantité réelle, la nature des assemblages, ni même le lieu de provenance. Le document produit par J. Mathez à la fin du siècle apporte finalement peu d’informations nouvelles pour la période antique, si ce n’est quelques découvertes fortuites qui viennent s’ajouter à un état des lieux très rapide (Mathez 1890).
La situation n’évolue quasiment plus jusqu’au milieu des années 1950, date à partir de laquelle A. Marguet va surveiller de façon systématique les nombreux travaux de voirie menés dans l’agglomération et va même réaliser quelques sondages. Malheureusement, ces activités ne sont renseignées qu’au travers de quelques documents manuscrits très succincts (quelques schémas et des courriers) complétés par un article (Marguet 1965) et une publication (Marguet 1966) focalisée à l’excès sur le « problème des voies à ornières ». Les opérations archéologiques qui succèdent à cet effort individuel complètent ponctuellement notre perception de l’habitat antique sans jamais livrer de résultat décisif.
3.2. Historique des recherches
Les sources signalent une activité de recherche relativement passive jusqu’à l’intervention d’A. Marguet si l’on exclut l’enquête de terrain menée par G. Colin au milieu du XIXe siècle. Entre 1954 et 1963, A. Marguet sera témoin de neuf interventions sur la voirie au cours desquelles il aura parfois la latitude de dégager quelques vestiges et du matériel : 1954 rue de la République et rue de Vannolles [UI 10] ; 1955 rue de Salins et place Saint-Pierre [UI 12], angle de la rue de Salins et de la rue des Capucins [UI 13], rue de la République (en face de l’hôtel de ville) [UI 11] ; 1958 au 75 rue de la République [UI 19]; 1959 au croisement de la rue des Augustins avec le faubourg Saint-Etienne [UI 14]; 1961 au croisement de la rue de Colin avec le faubourg Saint-Etienne [UI 15], à la ruelle des Augustins [UI 16], au croisement de la rue de l’Industrie et de la rue du Rhin [UI 17]. À cela s’ajoutent trois tranchées pratiquées entre 1961 et 1963 dans un jardin situé au 2-6 de la rue des Augustins [UI 18]. Un certain nombre d’opérations d’archéologie préventive effectuées entre cette date et le milieu des années 80 ne bénéficient pas de rapports mais ne semblent pas avoir occasionné de découvertes majeures car elles ne sont pas mentionnées dans la publication de 1986 (Delmas in Mangin, Jacquet et Jacob 1986 : 181-185), ni dans la carte archéologique. La notice proposée par R. Delmas établit d’ailleurs des bases solides pour appréhender la situation de l’habitat groupé antique. Au cours des années 1990, seulement trois interventions sont réalisées dont deux surveillances de travaux [UI 4 et 1] et un diagnostic de faible envergure au niveau de l’hôpital du faubourg Saint-Etienne [UI 3]. L’activité archéologique devient plus dynamique à partir du début des années 2000 : la campagne de prospection de H. Grut au bois de la Motte [UI 8] se révèle relativement fructueuse (Grut 2000) et un diagnostic est pratiqué rue des Remparts (Viscusi-Simonin 2003) [UI 23]. La tendance s’accélère à partir de 2009 avec l’aménagement de la zone d’activité au niveau de la rocade : Aux Gravilliers (Videau 2011) [UI 27], 14-16 rue Mervil (Simonin 2012) [UI 24], Au Crêt de Dale (Simonin 2013) [UI 25], aux Petits Planchants (Billoin 2013) [UI 6], au 5 rue Jean Petite (Gaston 2016) [UI 7]. En parallèle, quelques opérations sont menées au centre-ville : des diagnostics au 5 rue Mirabeau (Viscusi-Simonin et Preault 2009) [UI 21] et place Saint-Bénigne (Viscusi 2015) [UI 26] ainsi qu’une surveillance de travaux rue Montrieux par J.-P. Barillot en 2013 [UI 22].
4. Organisation spatiale
4.1. Voirie
La voierie est le vestige antique le mieux documenté. Elle était déjà connue des auteurs anciens et les travaux réalisés dans la seconde moitié du XXe siècle sont venus confirmer ces informations. A. Marguet signale sa présence au croisement de la rue de l’Industrie et de la rue du Rhin [UI 17] puis au croisement de la rue de Colin avec le faubourg Saint-Etienne [UI 15] avant qu’elle ne franchisse le Doubs. Sur l’autre rive, de nouveaux tronçons ont été révélés rue de la République [UI 11], rue de Salins et place Saint-Pierre [UI 12] et à l’angle de la rue de Salins et de la rue des Capucins [UI 13]. La voie antique recoupe donc plus ou moins le tracé de la voie moderne qui traverse Pontarlier d’est en ouest. Sa composition semble relativement homogène : une couche régulière de cailloux de rivière enrobée d’un liant sableux et marneux posée sur le sol vierge. Au niveau de l’angle de la rue de Salins et de la rue des Capucins, A. Marguet a constaté qu’elle était large d’environ 3 m et reposait à cet endroit sur une « grande dalle surmontée par une aire brûlée de charbon » (Marguet 1966 : 14). Plus loin vers l’ouest, au-delà de Pontarlier, on retrouve la trace de la voie à Houtaud lorsqu’elle est amenée à franchir le cours du Drugeon (Marguet 1966 : 23-24). Pour les deux lieux de franchissement, on constate un exhaussement généralisé des niveaux de sols. Un aménagement des berges qui pourrait suggérer la présence de ponts, même si aucun vestige ne permet de s’en assurer.
On peut également mentionner la découverte d’une borne milliaire de la fin du Ier siècle, retrouvée encastrée dans un mur élevé à proximité de la source intermittente de la Fontaine Ronde qui jaillit à l’extrémité nord du territoire de la commune de Touillon. Elle porte une dédicace à l’empereur Trajan [CIL XIII 9078].
4.2. Le bâti
L’occupation antique n’apparait que ponctuellement au bord de la voie. Les indices les plus révélateurs ont été exhumés au niveau de la rue des Augustins en trois occasions. Lors des travaux menés au croisement de la rue des Augustins avec le faubourg Saint-Etienne [UD 17] et à la ruelle des Augustins [UD 19], puis lors de sondages pratiqués dans un jardin proche [UD 1]. Les deux premières interventions ont livré une couche de démolition constituée de débris calcinés (planchette, moellons calcaires et quelques tuiles carbonisées). On retrouve cette couche dans les sondages situés au plus proche de la voie vers le sud-ouest : une couche épaisse de 20 cm constituée de nombreux moellons brûlés et d’une vingtaine de tuiles, le tout surmonté par environ 1 m de déblais. En revanche, le sondage de 5 m sur 1 m opéré en limite nord-est du jardin n’a livré que du matériel : une couche contenant trois tuiles superposées à laquelle succède une couche riche en tessons de céramique (Marguet 1966 : 16-17). Pour l’auteur, nous serions face à une occupation précoce, avant que dans un second temps on décide d’exhausser artificiellement le niveau du sol avec les déblais afin d’aménager la rive en vue de faciliter le franchissement du Doubs. En tout état de cause, la couche de destruction semble s’interrompre à une cinquantaine de mètres de la voie.
Nos données sont encore plus diffuses pour l’autre rive. L’unique structure révélée correspond à un escalier qui desservirait à une cave rue de Vannolle [UD 8]. Selon un témoignage oral, la destruction d’un bâtiment au-devant de la place Saint-Bénigne aurait révélé une quantité non négligeable de matériel antique, ce qui recouperait la découverte relatée par F. Droz suite à l’incendie d’une maison dans la zone [UD 6]. On a retrouvé également des tuiles antiques dans une aire plus large : au croisement de la rue de Colin avec le faubourg Saint-Etienne [UD 18], rue Mirabeau [UD 4], rue Montrieux [UD 23] ainsi qu’en périphérie de la ville à la Loge [UD 5] et aux Marnaux [UD 12].
Paradoxalement, l’occupation alto-médiévale est maintenant bien mieux documentée. Le diagnostic réalisé Aux Gravilliers a mis en évidence un habitat du haut Moyen Âge qui couvre près de huit hectares [UD 21] alors qu’il n’a pas été révélé en totalité. Parmi les 445 structures archéologiques découvertes, pour l’essentiel des trous de poteau, il n’a été possible d’identifier clairement qu’une trentaine de fonds de cabanes et un seul bâtiment qui correspond à un grenier (Videau 2011 : 55-75).
4.3. Nécropole
Cet habitat est en relation avec un espace funéraire d’environ un hectare [UD 22] situé à proximité immédiate. On estime que cette première nécropole contenait environ 48 fosses de sépultures individuelles et 22 fosses de sépultures multiples. Elle est donc beaucoup plus modeste que la seconde nécropole, plus tardive, qui se développe un peu en retrait vers le sud, au-devant de l’ancien habitat (Videau 2011 : 76-93).
Non loin de là, G. Colin fait état de la découverte d’une sépulture « dont le défunt reposait sur un lit de pierres plates au sommet d’un tertre sablonneux » [UD 14] (Colin 1864 : 482). Beaucoup plus tard, C. Clerc indique la destruction de multiples inhumations au même endroit, lors de la construction du chemin de fer (Clerc 1930 : 48-53). Pour l’auteur, elles sont gallo-romaines mais il ne fournit aucune preuve pour étayer cette datation. Compte tenu des résultats de l’opération des Gravilliers, il serait tentant d’y voir les réminiscences de la nécropole alto-médiévale. Pourtant, l’emprise nord-est du diagnostic s’est révélée négative et la parcelle adjacente, évaluée par O. Simonin en 2013, n’a livré aucun élément antérieur au XIXe siècle (Simonin 2013), date à laquelle le site est aménagé en champ de tir [UI 25].
4.4. Etendue supposée et remarques
Les vestiges qui permettent d’évaluer l’envergure de l’habitat groupé antique sont relativement peu nombreux. Si on fait coïncider ces données avec les résultats des autres opérations, on constate que le tissu urbain devait être essentiellement contigu à la voie avec un développement latéral limité. Les informations livrées par la rue des Augustins restent difficiles à évaluer de ce point de vue [UD 1, 17 et 19]. De l’autre côté de la voie, dans l’enceinte de l’hôpital, le diagnostic de 1992 n’a dévoilé qu’une fosse avec du matériel contemporain de celui extrait rue des Augustins (Passard et Urlacher 1992) alors qu’on se situe seulement à quelques dizaines de mètres en retrait de la chaussée [UD 2]. Même cas de figure sur l’autre rive, juste après le franchissement du Doubs. À une centaine de mètres vers le sud, rue Moitrieux, des travaux ont mis au jour ce qui ressemblait à une fosse dépotoir (céramique, faune, scories, tuiles, clous et un fragment de meule) [UD 23]. En vis-à-vis immédiat, le diagnostic du 5 rue Mirabeau (Viscusi-Simonin et Preault 2009) a donné un résultat négatif à moins de 50 m de la voie présumée [UI 21]. L’étroitesse de l’emprise bâtie parait se confirmer de nouveau place Saint-Bénigne. Les découvertes fortuites d’éléments antiques se retrouvent au bord de la voie, comme nous l’avons déjà signalé, mais le diagnostic pratiqué aux abords de l’église concerne uniquement l’occupation médiévale avec une emprunte alto-médiévale résiduelle (Viscusi 2015) [UI 26]. Enfin, la situation est similaire vers l’hôtel de ville où deux opérations en vis-à-vis, situées à moins de 100 m de part et d’autre de la chaussée, n’ont trahi la présence d’aucun vestige antique (Viscusi-Simonin 2003) [UI 1 et 23]. Une mesure optimiste correspondrait à une occupation qui se déploierait sur environ 500 m de la rue Colin aux environ de la rue Thiers, avec un battement latéral de plus ou moins 50 m de chaque côté de la voierie et qui nous placerait dans un intervalle compris en trois et quatre hectares. Nous devons aussi prendre en compte le fait que la dynamique de peuplement nous reste globalement inconnue. Qu’advient-il de l’occupation sur la rive sud-est après le Ier siècle ? Est-ce qu’on assisterait à un développement plus soutenu de la rive nord-ouest dans un second temps ? Par extension, la présence d’indices d’activités métallurgiques sous et dans le pavé entre le haut de la rue de la République et la rue des Capucins soulève des questions auxquelles nous ne sommes pas en capacité de répondre.
L’occupation se déplace ensuite dans la zone des Gravilliers au haut Moyen Âge avec un habitat groupé qui paraît paradoxalement plus vaste que le site antique. Le développement de l’espace funéraire vers le nord-est reste une question en suspens, comme nous l’avons signalé, mais les diagnostics réalisés immédiatement à l’ouest [UI 6 et 25] prouvent que l’habitat et la première nécropole ne se poursuivent pas sur les parcelles adjacentes dans cette direction.
5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation
5.1. Artisanat
Les informations relatives à des pratiques artisanales sont très incertaines. Il s’agit d’éléments résiduels retrouvés sous et dans la voie antique à proximité de la place Saint-Pierre [UD 9].
« En effet, la couche dure de cailloux de rivière était posée là sur une grande dalle surmontée de par une aire brûlée avec charbon. Et plus loin, […] les cailloux de rivière avaient des inclusions correspondant à des déchets d’une industrie du fer. […] Plus loin, une fosse profonde […] permettait de trouver des ossements sous la couche de cailloux de rivière » (Marguet 1966 : 14). De plus, une enclume portative provient des travaux effectués non loin de l’hôtel de ville [UD 16], elle se trouvait « à 0 m. 15 sous la couche dure de cailloux de rivière ; à un centimètre au-dessus sol vierge, dans une mince couche très noire comme s’il y avait eu là une forge » (Marguet 1966 : 15-16).
Ce mince faisceau d’indices pourrait être lié à des activités antérieures à la mise en place de la chaussée. Toutefois, nous avons jugé ces informations trop superficielles et circonstancielles pour les inclure en tant qu’activités artisanales dans la liste des unités de découverte.
5.2. Habitat domestique
L’habitat antique n’est connu que de manière indirecte, sous forme de couches de démolition remaniées et ponctuellement par l’intermédiaire de débris de terres cuites architecturales. Seul le récit de la découverte d’une cave se distingue [UD 8] mais sa description est particulièrement brève et elle n’a pas été étudiée en détail.
Par ailleurs, la succession des phases d’occupation caractérisées par des aménagements en matériaux périssables brouille la lecture des vestiges de l’habitat alto-médiéval des Gravilliers. Ce problème se double d’un mobilier indigent qui limite notre capacité d’interprétation (Videau 2011 : 75).
5.3. Vie religieuse
Nous ne disposons d’aucune information relative à la présence d’activités religieuses.
5.4. Installations publiques
Nous ne disposons d’aucune information relative à la présence d’installations publiques.
6. Chronologie et critères de datation
6.1. La Tène
Nous avons déjà signalé que la période laténienne est très peu représentée à Pontarlier. L’unique indice tangible correspond à un denier gaulois « aux rameaux » (LT XXXVIII, 9275) retrouvé en prospection au Bois de la Motte [UD 13] (Grut 2000).
6.2. Haut-Empire et Bas-Empire
Les marqueurs chronologiques les plus précoces en relation avec l’habitat groupé concernent le Ier siècle de notre ère. Ils proviennent tous d’un secteur restreint autour du point de franchissement du Doubs. Au croisement de la rue de Colin avec le faubourg Saint-Etienne [UD 18], les 94 tessons étudiés par L. Lerat dateraient du Ier siècle. De façon plus précise, l’assemblage de la rue des Augustins [UD 1, 17, 19] est homogène et n’excède pas la première moitié du Ier siècle : environ 400 fragments qui comprennent de la céramique grossière dérivée des types de La Tène, de la céramique gallo-belge, des fragments de sigillée d’Arezzo et de la Graufesenque (dont Drag 21/25) (Marguet 1966 : 17). La fosse fouillée dans l’enceinte de l’hôpital date elle aussi de la même période et contenait au surplus une monnaie de Germanicus [UD 2]. Enfin, on peut mentionner le col d’amphore Dressel 1b retrouvé sur l’autre rive, rue Mirabeau [UD 4].
Les deux monnaies évoquées par F. Droz (Droz 1760 : 6-10), un denier de Philippe près de l’hôtel de ville [UD 10] et un denier de Gordien place Saint-Bénigne [UD 6], sont les seuls marqueurs chronologiques postérieurs au IIe siècle qui nous sont connus.
6.3. Haut Moyen Age
Nous disposons également d’assez peu de matériel datant pour le haut Moyen Âge. On peut mentionner quelques éléments isolés : un fragment de céramique bistre décoré à la molette (Ve-VIIIe siècle) place Saint-Bénigne [UD 7] (Viscusi 2015) et un fragment de récipient en pierre ollaire au 5 rue Jean Petite (Gaston 2016). De plus, nous avons déjà indiqué que le mobilier provenant des Gravilliers est indigent dans le contexte d’habitat (quelques fragments de céramique et peu de matériel métallique). L’espace funéraire contemporain est sans doute mieux doté de ce point de vue. Malheureusement, les deux sépultures fouillées n’ont livré aucun mobilier d’accompagnement du défunt. En revanche, une évaluation systématique au détecteur à métaux, sans intervention a posteriori, révèle qu’environ une sépulture sur deux contiendrait des éléments métalliques (Videau 2011 : 93).
7. Synthèse sur la dynamique d’occupation
Trois décennies après la publication de la notice de R. Delmas, force est de constater que sa conclusion est toujours en grande partie valide et que les rares informations nouvelles ne permettent pas d’élaborer beaucoup plus l’hypothèse. La présence laténienne est presque imperceptible et il faut attendre le début du Ier siècle pour que l’occupation antique se révèle. Sous quelle forme et pour quelles activités ? Difficile à dire. Les marqueurs chronologiques dévoilent ce qui s’apparente à un petit habitat qui jouxte le point de franchissement du Doubs sur la rive sud. Cette présence est peut-être contemporaine de celle identifiée place Saint-Pierre mais pour laquelle nous ne disposons que d’une chronologie relative par rapport à la chaussée. Ces activités, a priori métallurgiques et apparemment déconnectées du noyau d’habitat, ne pourraient-elles pas être liées à la mise en œuvre de la voie au cours du Ier siècle ? On constate en tout cas que ces aménagements vont de pair avec des travaux de terrassement afin de consolider la berge tant à Pontarlier qu’à Houtaud. On peut envisager que l’amélioration et la pérennisation de cet axe de circulation ont dynamisé l’occupation même si les indices nous manquent pour évaluer les termes de cette transition. Dans ce contexte, on pressent une restructuration focalisée sur la rive nord sans qu’il soit toutefois possible de le prouver. Même dans ces conditions, nous sommes sans doute face à un habitat qui reste de faible envergure et ne doit pas excéder les trois à quatre hectares. L’environnement immédiat du site reste lui aussi assez obscur. Les modestes récoltes de terres cuites architecturales par G. Colin au XIXe siècle pourraient suggérer la présence d’habitats dispersés périphériques.
Le devenir de cet habitat de bord de voie au Bas-Empire est tout à fait incertain. Une position d’autant plus pénible qu’on aimerait comprendre ce qui motive l’implantation, à environ 2 km plus à l’ouest, d’un vaste habitat groupé du haut Moyen Âge en retrait d’un espace funéraire avec une densité de sépultures considérable. Une donnée qui n’était pas accessible à R. Delmas mais qui soulève plus de questions qu’elle n’en résout.
8. Perspectives de recherche
Sauf heureux hasard, il est peu probable que le centre-ville livre dans un futur proche les secrets de l’occupation antique. On peut aussi difficilement envisager d’en apprendre plus sur l’occupation alto-médiévale car la partie ouest a été en grande partie évaluée par les diagnostics et la partie est, évoquée dans les sources anciennes, a sans doute été oblitérée par les activités ferroviaires. Il serait toutefois intéressant d’explorer le secteur de la côte Jeunet et du Champ Barret, à l’arrière du faubourg Saint-Etienne. G. Colin y signale la découverte de tuiles mais malheureusement les terrains sont en prés. La vérification opérée en 2000 par J.-P. Urlacher concernait le cimetière mais le site ne correspond pas au lieu-dit Marnaux du XIXe siècle qui figure plus à l’ouest sur le cadastre napoléonien.
9. Bibliographie
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– Clerc C., 1830 : « Note sur la flore et la faune d’éluviale du Jura », Bulletin de la Société d’Histoire naturelle du Doubs, Besançon, Société d’Histoire naturelle du Doubs, p. 48-53
– Colin G., 1864 : « Coup d’oeil sur les origines de Pontarlier à propos de la découverte de tuiles gallo-romaines », Annales Franc-Comtoises, Besançon, Jacquin, 32 p.
– Delmas R., 1986 : « Pontarlier (Doubs) », in Mangin M., Jacquet B. et Jacob J.-P., 1986 : Les agglomérations secondaires en Franche-Comté romaine, Paris, Les Belles Lettres, p. 181-185
– Droz F., 1760 : Mémoires pour servir l’histoire de Pontarlier, contenant des recherches sur le véritable emplacement d’Ariarica et Abiolica; la direction de quelques voies romaines, l’établissement des Bourguignons chez les Séquanais, l’origine de Pontarlier; les églises, les hopitaux, les monastères, les justices, les Protecteurs, la Noblesse, les Barons-Bourgeois, et l’ancien territoire de cette ville ; les franchises et mainmortes du Mont-Jura; la fondation des Eglises, monastères et villages dans la partie du Baillage de Pontarlier, etc., Besançon, Chez Cl. Jos. Daclin, 355 p.
– Dunod de Charnage F.-I., 1735 : Histoire des Séquanois et de la province séquanoise, des Bourguignons et du premier royaume de Bourgogne, de l’église de Besançon jusque dans le sixième siècle, et des abbayes nobles du comté de Bourgogne… depuis leur fondation jusqu’à présent, Dijon, Imp. De Fay, 640 p. (2 volumes)
– Gaston C., 2016 : Pontarlier (Doubs), 5 rue Jean Petite, Aux Grands Planchants Sud : Rapport de diagnostic, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 28 p.
– Girod E., 1857 : Esquisse historique, légendaire et descriptive de la ville de Pontarlier, du Jort de Joux et de leurs environs, avec un précis de l’histoire de la Franche- Comté, Pontarlier, Impr. Thomas
– Grut H., 2000 : Rapport de prospection au sol, à vue et à détecteur de métaux, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 207 p.
– Guinchard P., 1990 : La voie romaine de Besançon à Pontarlier et à l’Helvétie et son environnement archéologique, Besançon, Mémoire de maîtrise de l’Université de Franche-Comté
– Marguet A., 1965 : « La couche noire de la rue Colin révèle une partie du passé de Pontarlier », Revue du Haut-Doubs et du Jura, Pontarlier, p. 48-51 (numéro 9)
– Marguet A., 1966 : Ariarica et les vestiges routiers antiques encore visibles sur le sol Comtois, Dole, Imp. Chazelle, 124 p.
– Mathez J., 1890 : Histoire de Pontarlier, Pontarlier, 509 p.
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– Simonin O., 2012 : Pontarlier (Doubs), 14-16 rue Mervil, Aux Grands Planchants Sud : Rapport de diagnostic, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 35 p.
– Simonin O., 2013 : Pontarlier (Doubs), Au Crêt de Dale : Rapport de diagnostic, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 32 p.
– Urlacher J.-P., Passard-Urlacher F. et Gizard S. (dir), 1998 : « La nécropole mérovingienne de la Grande Oye à Doubs », Mémoires de l’Association Française d’Archéologie Mérovingienne, Saint-Germain-en-Laye, Association Française d’Archéologie Mérovingienne, 440 p. (tome X)
– Videau G, 2011 : Pontarlier (Doubs), ZAE des Gravilliers, Vestiges d’occupation mésolithique et protohistorique, habitat du haut Moyen Âge et nécropole médiévale : Rapport de diagnostic, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 106 p.
– Viscusin V., 2015 : Pontarlier (Doubs), Place Saint-Bénigne : Rapport de diagnostic, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté, 105 p.
– Viscusi-Simonin V., 2003 : Pontarlier (Doubs), rue des Remparts : Rapport de diagnostic, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté
– Viscusi-Simonin V. et Preault A., 2009 : Pontarlier (Doubs), 5 rue Mirabeau : Rapport de diagnostic, Besançon, Service régional de l’archéologie de Franche-Comté
Damien Vurpillot