1. Localisation et emprise connue de l’occupation
À la croisée des communes de Vincelles, Rotalier et Vercia, au passage à gué de la voie antique Lyon-Besançon sur la Sonnette, se développe une agglomération antique dont les vestiges restent peu connus, en l’absence de recherche importante. Situé à 10 km au sud de la Lons-le-Saunier, cet habitat groupé du territoire Séquane est en lien direct avec la voie antique aujourd’hui reprise par des chemins communaux et des limites communales. La position géographique de ce site est analogue aux agglomérations repérées au sud telles que Cousance et Saint-Amour, à cheval sur le Revermont et la Bresse comtoise. Toutefois, contrairement à ces sites, l’agglomération est ici bien attestée et identifiée grâce à l’étendue des découvertes sur une superficie moyenne de 5 ha.
2. Cadre naturel
À 10 km au sud de Lons-le-Saunier, les communes de Vincelles, Rotalier et Vercia occupent un territoire situé entre le massif jurassien à l’est et la Bresse à l’ouest. Le massif montagneux correspond ici au Revermont, un relief très laniéré avec de fréquents dénivelés entre 350 et 700 m d’altitude. La pénétration est donc difficile, facilitant les communications nord-sud, au pied du massif. L’agglomération antique se développe à une altitude moyenne de 225 m à l’entrée d’une petite reculée drainée par le ruisseau de la Sonnette, qui prend sa source sur la commune voisine de Grusse. Le site antique est implanté à mi-distance des villages de Vincelles, Rotalier et Vercia, à la jonction des trois territoires communaux.
3. Etat des connaissances
3.1. Sources
L’agglomération antique n’est pas connue des textes, ni des Itinéraires antiques. Le village de Vincelles est cité pour la première fois dans un texte de 787 comme possédant une église sous le double vocable de la Vierge Marie et de Saint-Oyend. La recherche des toponymes anciens de la région de Vincelles, par J.-L. Odouze (1986, p. 163), suppose que l’agglomération puisse se trouver à l’emplacement du lieu-dit les Chaseaux. L’acte de 787 en faveur de l’abbaye de Saint-Oyend mentionne les villages de Verciaco, Pagaliaco, Rotaliaco, Artonna, Chamiliaco, Vincella… Un acte de 1050 reprend les mêmes toponymes, mais Chamiliaco est devenu Camiliacum. Ce même Chamiliaco est cité dans deux actes relatifs à l’abbaye de Baume en 1083 et 1111 ; puis le toponyme disparaît des textes. On sait que Camiliaco et Camiliacum sont devenus Chamilly ou Chemilley, ou encore Chemilla. Or, aucun village ni hameau ne portent ce nom dans le voisinage de Vincelles. Camiliacus est alors un toponyme fréquent qu’on trouve associé aux carrefours routiers importants, et pourrait ainsi correspondre à un établissement antique pérennisé par le lieu-dit les Chaseaux.
3.2. Historique des recherches
Un habitant de Vincelles, Paul Maréchal, pendant toute sa vie, a repéré et noté ses découvertes sur les sites archéologiques de la région. Son manuscrit, inédit, donne une idée de l’importance du site antique, qui sera confirmée par les recherches de J.-L. Odouze dans les années 1980. Ainsi, on peut noter la présence d’un site gallo-romain au lieu-dit Sous la Ville (UI n° 39576-04) ou encore une occupation de la même époque sous le bourg actuel de Vincelles (UI n° 39576-05). Ces trouvailles restent néanmoins très imprécises et le mobilier a aujourd’hui pour la plupart disparu. Les vestiges les plus importants sont situés au lieu-dit Les Chaseaux, au sud de Vincelles (UI n° 39549-1 à 5). P. Maréchal a alors remarqué qu’une partie seulement des constructions est indiquée dans les cultures par des fragments de tuiles, l’autre était vraisemblablement couverte de chaume (Odouze 1986, p. 161).
J.-L. Odouze s’intéresse de nouveau à ce site dans les années 1980 lors de la publication sur les agglomérations secondaires en Franche-Comté romaine (1986, p. 161-163). Une prospection sur le terrain permet de mieux circonscrire le site et d’en repérer un nouveau, au nord de Vincelles, aux Arenières (UI n° 3). D’une superficie d’environ 3 ha, ce site était alors considéré comme appartenant à une extension de l’agglomération antique. Le mobilier découvert anciennement le long de la voie antique est également rattaché à ce grand ensemble. L’étude documentaire de J.-L. Odouze démontre qu’il s’agit finalement de « plusieurs domaines » ruraux.
4. Organisation spatiale
L’agglomération antique de Vincelles/Les Chaseaux est exclusivement connue par les découvertes fortuites et les prospections au sol. L’organisation spatiale de l’habitat n’est donc absolument pas connue.
4.1. Voirie
Malgré une méconnaissance totale de l’organisation spatiale de l’habitat composant l’agglomération antique, il semble que les structures s’organisent en lien direct avec le passage de la voie Besançon-Lyon sur la rivière la Sonnette. Cette voie antique (UD n° 5) traverse la commune de Vincelles du nord au sud suivant le tracé du chemin de Grand Perrou, la Vie des Sauniers, le Vieux chemin de Lyon ou la Vie de Cuisel. Elle passe des lieux-dits le Pérou aux Chaseaux en enjambant le ruisseau la Sonnette par un ancien pont, détruit en 1885, et traditionnellement considéré comme romain (Rousset 1853-1858, 6, p. 268). Une voie secondaire vient sans doute rejoindre la voie Lyon-Besançon au niveau de l’agglomération. Celle-ci provient du massif du Jura depuis Chavéria et Rotalier (UD n° 6). Elle est aujourd’hui reprise en partie par la RD 44.
4.2. Le bâti
Les vestiges de l’agglomération antique (UD n° 8) semblent se développer sur une surface d’environ 5 à 7 hectares occupant une terrasse dominant la Sonnette. L’habitat se trouve de part et d’autre de la voie antique Lyon-Besançon, repéré depuis le XIXe siècle lors de travaux dans les champs et les vignes avoisinantes. Sans description supplémentaire, le site des Chaseaux a livré « de nombreux outils, de la céramique, beaucoup de monnaies (il est d’ailleurs presque certain que les mille monnaies signalées à Rotalier proviennent de ce site) » (Odouze 1986, p. 161).
D’autres vestiges antiques existent sur la commune de Vincelles, et notamment à proximité de la voie romaine. Au lieu-dit Le Tillot, ou l’Arénière, sur une surface d’environ 3 ha, se trouve les vestiges d’un établissement rural (UD n° 2). D’autres vestiges plus modestes sont signalés au lieu-dit Sous la Ville (UD n° 3). Enfin, le village de Vincelles semble aussi être construit sur une occupation gallo-romaine (UD n° 4). Des fondations ont été reconnues non loin de l’église et les trouvailles monétaires sont fréquentes dans le village. En l’absence de recherche de terrain et parfois même de découverte plus conséquente, ces différentes occupations sont très peu connues. La nature et surtout l’étendue de ces sites restent incertaines.
4.3. Nécropole
Des sépultures ont été signalées aux Tombois, au nord du village de Vincelles (UD n° 1). D’autres le sont aussi aux Chaseaux (UD n° 10). Des sarcophages, utilisés comme auge dans le village de Paisia, ont ainsi été découverts sur le site de l’agglomération antique, alors abandonné. Même si nous ne possédons aucun élément de datation pour ces ensembles, il s’agit sans doute de nécropoles du haut Moyen-Age.
4.4. Etendue supposée et remarques
Les vestiges repérés s’étendent à l’état actuel des recherches sur une superficie estimée à environ 5 à 7 ha, voire 10 ha au maximum. Les limites restent néanmoins très peu connues puisque le site se trouve aujourd’hui au milieu de zones non cultivées, limitant les observations au sol.
5. Nature et caractérisation de l’occupation
La caractérisation de l’occupation reste assez difficile dans l’état actuel des recherches. Aucune trace d’artisanat n’a été signalée dans les découvertes fortuites et les prospections au sol. Faute de description plus précise, la découverte d’outils (Rothé 2001, p. 763) signalée au sein de l’agglomération ne permet pas d’attribuer l’existence d’un artisanat particulier à cette occupation. La découverte d’éléments architecturaux monumentaux (colonnettes, chapiteaux, gros blocs d’architecture…) laisse toutefois supposer la présence d’un temple au sein de l’agglomération (UD n° 9).
6. Chronologie et critères de datation
En l’absence de fouilles ou même de recherches récentes sur le terrain, la chronologie d’occupation de cette agglomération de bord de voie reste difficile à estimer.
6.1. Haut-Empire
Les monnaies collectées au cours du XIXe siècle, peut-être au nombre de 1000, signalent une occupation ne dépassant pas le Haut-Empire. Mais la faible quantité de mobilier collecté sur le site ne permet pas de tirer davantage de conclusions chronologiques.
6.2. Bas-Empire
Le Bas-Empire n’est pas du tout représenté dans le mobilier collecté. L’agglomération ne semble donc plus occupée durant cette période.
- Synthèse sur la dynamique d’occupation
L’occupation antique détectée aux confins des communes de Vincelles, Rotalier et Vercia dans le Jura, se développe à un passage à gué de la voie Lyon-Besançon sur la Sonnette. Ce site est connu exclusivement grâce aux découvertes du XIXe siècle et quelques prospections au sol. L’habitat semble alors se développer de part et d’autre de la voie, appartenant ainsi à la catégorie des occupations de bord de voie, déjà repérées sur le même axe à Saint-Amour, Cousance ou Domblans. L’habitat semble accompagné d’un petit sanctuaire repéré seulement par la découverte d’éléments architecturaux monumentaux. De même, le site a certainement fait l’objet d’une nouvelle occupation à la fin de l’Antiquité ou au haut Moyen-Age. Des sarcophages ont en effet été découverts aux Chaseaux, et notamment « auprès du temple ». L’agglomération s’insère dans un environnement archéologique dense puisque de nombreuses occupations rurales sont signalées dans sa périphérie. Le plus important se trouve sur le côté ouest de la voie, au Tillot. Ces vestiges ont souvent été regroupés au sein d’un même site, créant ainsi un ensemble de vestiges répartis en trois secteurs, et distribués sur 1200 m du nord au sud et 1600 m de l’est à l’ouest, soit sur plus de 200 ha selon M.-P. Rothé dans la C.A.G. 39 (2001, p. 763). Mais J.-L. Odouze pense plutôt à une superficie qui ne doit pas dépasser 20 ou 30 ha (Mangin, Odouze 1994, p. 111). Les vestiges décrits dans la C.A.G. correspondent finalement à 3 ensembles totalement différents (Tillot, Sous la Ville et les Chaseaux) qui ne sont en aucun cas liés. Dans l’état actuel des recherches, l’agglomération se développe seulement sur la rive gauche de la Sonnette sur une surface approchant 10 ha, tout au plus, ne sachant pas si l’occupation se poursuit au nord, de l’autre côté du gué. Malheureusement le manque de données chronologiques sur cet ensemble limite également notre connaissance du site, qui semble se développer uniquement durant le Haut-Empire d’après les quelques données numismatiques recueillies par P. Maréchal au XIXe siècle.
8. Perspectives de recherche
Le site est aujourd’hui encore en grande partie accessible, même si les prairies recouvrent les vestiges. Notre méconnaissance de l’organisation spatiale de l’agglomération pourrait ainsi être comblée par la mise en place de prospection géophysique, permettant ainsi de comprendre l’étendue et la topographie de l’occupation.
9. Bibliographie
Mangin, Odouze 1994 : MANGIN (M.), ODOUZE (J.-L.) – Vincelles (Jura), In : Petit (J.-P.), Mangin (M.) – Atlas des agglomérations secondaires de la Gaule Belgique et des Germanies, Errance, Paris, 1994, p. 110-111.
Odouze 1986 : ODOUZE (J.-L.) – Vincelles (Jura), In : Mangin (M.), Jacquet (B), Jacob (J.-P.) – Les agglomérations secondaires en Franche-Comté romaine, Annales Littéraires de l’Université de Besançon, Besançon, 1986, p. 161-163.
Rousset 1853-1858 : ROUSSET (A.) – Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de Franche-Comté et des hameaux qui en dépendent classés par département ; département du Jura, Bintot impr., Besançon, 1853-1858, 6 vol.
Rothé 2001 : ROTHE (M.-P.) – Vincelles, Carte Archéologique de la Gaule : Le Jura 39, Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, 2001, p. 762-764.
Loïc Gaëtan