Ranchot / Monteplain (Jura)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

À hauteur du ruisseau de la Grabusse, au lieu-dit Les Pragnys, sur la commune de Ranchot dans le Jura, pourrait se développer une petite agglomération antique de bordure de voie, sur le tracé de la voie d’Agrippa reliant Chalon-sur-Saône à Besançon. Même si l’existence d’une agglomération à cet endroit n’est pas encore entièrement confirmée, les vestiges découverts depuis les années 1960 sont assez importants. Les recherches archéologiques restent toutefois trop peu importantes pour pouvoir mesurer l’ampleur du site.

 

 

2. Cadre naturel

 

Les structures composant l’agglomération semblent se retrouver de part et d’autre du ruisseau de la Grabusse, petite rivière affluente du Doubs. Le cours de cette rivière a d’ailleurs été modifié dans les années 1970 afin de drainer davantage les prairies alentour. Ces modifications ont entraîné quelques découvertes de murs et d’autres structures bâties indéterminées. Ces vestiges sont à cheval sur les communes de Monteplain et Ranchot. Le village actuel se développe sur une petite terrasse dominant le Doubs, à une altitude moyenne de 245 m. Il se trouve à l’est des vestiges repérés le long de la voie d’Agrippa.

 

 

3. Etat des connaissances

 

Les travaux agricoles réalisés aux lieux-dits Les Pragnys, Les Vignes, dès les années 1960-1970, mettent au jour quelques vestiges antiques (mobilier et structures) dont l’interprétation reste indéterminée. En 1841, d’importantes découvertes avaient déjà été effectuées sur la rive droite de la Grabusse, au lieu-dit Aux Combes (UI n° 39352-1841-3). « Des ossements humains, des tablettes de marbre, des vases en poterie, des fondations d’édifices, des tuileaux à rebords, des briques, des monnaies du Haut et Bas-Empire, et des murs ayant 1,50 m d’épaisseur. Ces ruines occupaient un vaste espace » (Marquiset 1841-1842, II, p. 67). Dès 1992, des prospections pédestres réalisées sur la commune par D. Daval et F. Charlier permettent la découverte de nouvelles structures dans le lit de la rivière, là où la voie d’Agrippa traverse la petite vallée. Ils repèrent ainsi « sur une cinquantaine de mètres, une épaisse couche de moellons et de tuiles. F. Charlier signale pour sa part un tesson de sigillée, des tegulae, imbrices et tubuli avec de nombreuses pierres » (UI n° 39451-1992-1). Au cours des années 2000, d’autres prospections sont organisées par P. Mosca sur la commune (UI n° 39451-2006-3 ; 2007-5). Grâce à ces nouvelles observations et en recueillant des témoignages d’agriculteurs locaux, P. Mosca réussit à circonscrire davantage l’étendue du site (Mosca 2006 ; 2007). Des structures sont repérées, ainsi que du mobilier, des tuiles… L’environnement archéologique de l’hypothétique agglomération est également complété par la découverte d’autres sites, non loin de la voie d’Agrippa (Mosca 2007). Ainsi, aux Grandes Planches, il a détecté un bâtiment appartenant certainement à un petit établissement rural situé au sommet d’une légère éminence entourée d’un champ de dolines. Quelques vestiges mobiliers sont découverts (meules, tête-de-clou décorative, céramique…) (UI n° 39451-2007-4). Au sud du Bois de la Vache est également apparue une petite nécropole gallo-romaine repérée grâce au mobilier céramique et des fragments de verrerie brûlée assez importants au sol (UI n° 39451-2008-6). Ces diverses prospections ont ainsi complété de manière exceptionnelle nos connaissances sur l’environnement archéologique de la commune de Ranchot, même si notre compréhension même de l’agglomération antique reste très limitée dans l’état actuel des recherches.

 

 

4. Organisation spatiale

 

            4.1. Voirie

La commune de Ranchot est traversée, aux lieux-dits en Bellevoye et Sur la Levée, par la voie romaine dite d’Agrippa de Chalon-sur-Saône à Besançon (UD n° 1). Cette voie romaine est signalée par les auteurs du XIXe siècle où elle figurait sur le plan cadastral sous la dénomination d’ancienne route des Romains (Marquiset 1841-1842, II, p. 67 ; Feuvrier, Brune, 1920, p. 119-120). Lors d’une prospection aérienne en 1978, G. Chouquer en avait repéré une partie du tracé sur la commune de Monteplain avant de traverser le ruisseau de la Grabusse. La voie sert, au lieu-dit les Pragnys, d’axe directeur à l’organisation des vestiges antiques.

 

            4.2. Structures bâties

L’habitat de bordure de voie supposé à Ranchot/Monteplain doit très certainement se retrouver de part et d’autre de la voie romaine comme le laisse supposer la répartition des découvertes réalisées depuis le XIXe siècle (UD n° 2). Les structures découvertes dans les années 2000 par P. Mosca laissent apparaître un habitat d’une longueur d’environ 250 m. Les investigations restent toutefois limitées à ces prospections et à quelques découvertes fortuites puisque les terrains se trouvent aujourd’hui en grande partie dans de petits bosquets. En 2006, au moins deux petits bâtiments ont pu être reconnus grâce à des concentrations de vestiges de construction au sol. Ils se trouvent au sud de la route actuelle, sur une dizaine de mètres de largeur. Les diverses prospections et découvertes permettent également de préciser la nature de l’occupation. Ainsi, de nombreux bétons de tuileaux, pilettes, tubuli, quelques placages de marbre laissent suggérer la présence d’ensembles thermaux, des fragments de meule ont également été mis au jour. Les vestiges semblent bien conservés puisque ce secteur de la commune est très peu cultivé (prairie, forêt). Les creusements de fossés ou du nouveau lit de la rivière montrent très nettement une épaisse couche de sédiments de vallon sous laquelle on retrouve des vestiges bâtis profondément enfouis. Certains murs visibles ont encore une élévation avoisinant un mètre.

 

4.3. Nécropole

En 2008 fût découverte une petite nécropole au sud du Bois de la Vache (UD n° 5). Au sol, cette zone est facilement repérable grâce à une concentration de cendre mêlée à quelques fragments d’os calcinés, des récipients en verre et des céramiques en quantité non négligeable (urnes cinéraires). Il s’agit bien à l’évidence d’une petite nécropole à incinération datable du IIe siècle (Mosca 2008).

 

4.4. Etendue supposée et remarques

Il est quasi impossible dans l’état actuel des données de préciser l’étendue réelle de l’habitat repéré aux Pragnys. L’essentiel des constructions semble toutefois se retrouver sur la rive gauche de la Grabusse, sur une longueur d’environ 250 m.

 

 

5. Nature et caractérisation de l’occupation

 

La caractérisation de l’occupation reste impossible à préciser faute de données plus conséquentes. Les bétons de tuileau et les nombreux tubuli montrent la présence d’ensembles thermaux. En revanche, aucune activité artisanale n’a pu être mise en évidence.

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de fouilles récentes, la chronologie d’occupation de ce petit groupement d’habitats de bordure de voie reste difficile à estimer.

 

6.1. Haut-Empire

Peu de mobilier céramique a été collecté à l’occasion des diverses prospections au sol au lieu-dit Les Pragnys du fait du manque de parcelles cultivées accessibles. Les vestiges construits sont beaucoup plus nombreux. Néanmoins, les quelques tessons démontrent une occupation du Haut-Empire avec quelques céramiques communes claires à pâte fine ou de la céramique sigillée (Drag 31).

 

6.2. Bas-Empire

Dans l’état actuel des recherches, aucune trace d’occupation n’a été décelée pour l’époque du Bas-Empire.

 

            6.3. Haut Moyen-Age

L’occupation semble s’être déplacée vers le Doubs durant le haut Moyen-Age. Une nécropole mérovingienne est en effet signalée vers le cimetière actuel de Ranchot (UD n° 3).

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

La répartition, l’étendue des vestiges et leur position géographique amènent à situer aux Pragnys, sur la commune de Ranchot, une petite agglomération de bordure de voie située sur l’antique voie d’Agrippa. L’essentiel de la documentation concernant ces structures provient de quelques prospections pédestres réalisées dans les années 2000 et de découvertes fortuites au cours du XIXe siècle. Le peu de mobilier mis au jour démontre une occupation du Haut-Empire, du Ier au IIIe siècle de notre ère. La nature précise de l’occupation reste encore inconnue à ce jour. La découverte de nombreux bétons de tuileaux et de tubuli atteste toutefois la présence d’ensembles thermaux. Si l’existence de cette petite agglomération est attestée, celle-ci compléterait la liste des petits établissements groupés de bordure de voie le long de la voie d’Agrippa Châlon-Besançon.

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Nous possédons à l’heure actuelle très peu d’informations sur cette hypothétique agglomération routière. Malgré une situation géographique complexe (ruisseau, prairie, forêt…), il serait intéressant de mener de nouvelles recherches au sol, dans un premier temps, afin de préciser l’extension réelle des vestiges.

 

 

9. Bibliographie

 

 

Chouquer 1978 : CHOUQUER (G.) – Rapport de prospection aérienne en Franche-Comté ; rapport d’activités en 1976 et 1977, SRA Franche-Comté, Besançon, 1978, 16 p.

 

Feuvrier, Brune 1920 : FEUVRIER (J.), BRUNE (P.) – Les voies romaines de la région de Dole, Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, t. 38, 1920, p. 105-154.

 

Marquiset 1841-1842 : MARQUISET (A.) – Statistique historique de l’arrondissement de Dole, Charles Deis, Besançon, 1841-1842, 2 vol. (vol. 1, 1841, 518 p. ; vol. 2, 1842, 532 p.).

 

Mosca 2006 : MOSCA (P.) – Rapport de prospections au sol. Cantons de Boussières, Audeux (25), Dampierre, Gendrey (39), Amance (70), SRA Franche-Comté, Besançon, 2006, 136 p.

 

Mosca 2007 : MOSCA (P.) – Rapport de prospection au sol. Cantons de Boussières, Audeux (25), Dampierre, Gendrey, Rochefort-sur-Nénon (39), Amance, Marnay (70), SRA Franche-Comté, Besançon, 2007, 139 p.

 

Mosca 2008 : MOSCA (P.) – Rapport de prospection au sol. Ranchot (39). Nécropole « Les Champs de l’Echo », SRA Franche-Comté, Besançon, 2008, 29 p.

 

Rothé 2001 : ROTHE (M.-P.) – Ranchot, Carte Archéologique de la Gaule : Le Jura 39, Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, Paris, 2001, p. 595-596.

Loïc Gaëtan

Illustrations Ranchot