Corre (Haute-Saône)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Implantée aux confins nord-ouest du territoire séquane, l’agglomération de Corre se situe à quelques kilomètres des frontières supposées des territoires lingon et leuque. Le site apparaît comme un nœud routier important formé par la voie dite « du Rhin » allant de Besançon / Vesontio à Langres / Andemantunum, la voie Luxeuil-les-Bains / Luxovium – Bourbonne-les-Bains / Lindesina dans un axe nord-est – sud-ouest et la voie dite « de Lorraine » vers le nord, en direction de Metz / Divodurum. Ce réseau de voie se matérialise encore aujourd’hui par les routes départementales et la rue de Montlaville. À cela s’ajoute une zone de transbordement avec la Saône qui devient navigable à partir de ce point. Le village actuel semble couvrir la quasi-intégralité des vestiges antiques. Ce constat est conforté par les nombreuses découvertes de mobilier antique occasionnées par les travaux réalisés dans le village (Faure-Brac 2002). Les principales découvertes se concentrent cependant au sud, dans le secteur de la confluence de la Saône et du Côney et au nord, à la sortie du village, autour de la rue de Montlaville. Les récents travaux d’aménagement, notamment de la marina au début des années 2000, mettent aujourd’hui en péril les vestiges archéologiques du secteur.

2. Cadre naturel

2.1. Topographie, géologie

 Le site se situe dans un fond de vallée alluvionnaire formé durant le Quaternaire, surplombé par des plateaux calcaires du Trias supérieur. L’assiette de l’agglomération se développe sur ce substrat alluvionnaire. Les plateaux calcaires semblent plutôt destinés aux exploitations agricoles avec quelques établissements ruraux repérés dans un rayon de moins de 2 km par rapport au cœur du site.

2.2. Hydrographie

 

Le territoire de la commune est marqué par la confluence de la Saône et du Côney qui forme une vallée alluvionnaire orientée selon un axe nord-est – sud-ouest et qui traverse le plateau calcaire

3. État des connaissances

3.1. Sources

L’unique source ancienne qu’il serait possible de relier au site de Corre serait la Table Théodosienne mentionnant l’agglomération de Colera au IVe siècle (Meynier 1886 : 106). Certains auteurs comme le Dr. Humblot (Humblot 1824 : 179-180) proposent d’y reconnaître le départ du canal Saône / Moselle, cause du conflit entre Néron et L. Vetus décrit dans les Annales de Tacite. Ammien Marcelin mentionne également le site de Corra, traditionnellement assimilé à Corre, où seraient passées les troupes de l’empereur Julien en 356 mais ici aussi, aucun élément ne permet de justifier cette hypothèse. Clerc (Clerc 1847 : 124-125) propose d’y voir le lieu de rencontre choisi en 608 par Brunehaut et Sichilde pour que les rois de Bourgogne et d’Austrasie puissent régler leurs différends à partir d’un extrait de la Chronique de Frédégaire. La rencontre se ferait « inter Colerensemen Suentensem pagum » mais aucune mention ancienne d’un « pagus Colerensis » n’apparait dans les sources anciennes.

3.2. Historique des recherches

Outre quelques découvertes isolées, rien ne permet d’attester d’une occupation du secteur pour les périodes pré et protohistoriques. Si aucun élément ne permet de proposer avec certitude une date de fondation du site, l’ensemble des découvertes et l’unique fouille phasée (Morin 1995) permettent de supposer une apparition et un développement de l’agglomération à partir du début du Ier siècle de notre ère. C’est au cours des IIe et IIIe siècles que semble se situer le plein essor du site. Les découvertes de mobilier datables du IVe et peut-être du Ve siècle dans le secteur de la confluence de la Saône et du Côney laissent supposer que le sud de l’agglomération est encore occupé durant l’Antiquité tardive. Les seules traces d’une occupation du haut Moyen Âge se trouvent dans le secteur de la chapelle Saint-Maurice, aujourd’hui place du général de Gaulle, où est mentionnée la découverte de sarcophages (D.C.H.S. 1970). On signale également la présence de réemplois antiques dans les parties basses de cet édifice, ce qui laisse présager d’une fondation tardo-antique ou alto-médiévale (D.C.H.S. 1970).

Les premières mentions de découvertes sur le site sont anciennes et remontent au XVIIIe siècle. Dès 1709, sans doute guidé par la découverte de vestiges antiques importants sur le territoire de la commune, le père Dunod soumet l’hypothèse d’une agglomération antique sous le village actuel de Corre (Dunod 1909 : 208). Vers 1750, il est fait mention de la découverte d’une statue de Vénus en marbre, immédiatement détruite et dont le ventre aurait été sculpté en bénitier (D.C.H.S. 1970). En 1760, l’hypothèse d’une agglomération antique est reprise par M. Bourguignon d’Anville qui propose d’assimiler le site à l’antique Dittatium de Ptolémée (Bourguignon d’Anville 1760 : 268-269).

La première phase d’émulation autour de Corre se situe au cours du premier tiers du XIXe siècle dans le cadre d’une série d’études cherchant à mettre en évidence l’importance du site par les découvertes, souvent surévaluées, qui y ont été effectuées (Pratbernon 1820-1821, Humblot 1823, Monnier 1823, Salvestre 1829, Clerc 1840). C’est aussi à cette période que sont effectuées les premières « fouilles » archéologiques du secteur. Vers 1800, on mentionne la découverte lors de travaux d’un aqueduc « semblable à celui d’Arcier » (Marc 1805 : 13) dans le secteur du faubourg Saint-Martin, à proximité du Côney. Le manque de précision relatif à la localisation de cet ouvrage ne nous permet pas aujourd’hui de le resituer. En 1822, une fouille est entreprise aux « Champs Saôniers » afin de dégager un bâtiment de 15 x 25 m (Humblot 1823, art. 4). Ce secteur, extrêmement riche en découvertes, a livré une quantité notable d’éléments sculptés (Walter 1974, p. 51). Jusqu’à la fin du siècle, quelques publications vont se contenter d’énumérer des découvertes ponctuelles effectuées sur le territoire de la commune.

Lors de la première moitié du XXe siècle, l’intérêt pour le site s’amenuise et aucune nouvelle découverte ou publication n’est mentionnée avant 1968 (Thévenin 1968). Puis, à partir de 1970, un regain d’intérêt pour le secteur de la vallée de la Saône, et notamment les prospections de S. Labre (Labre 1985, Labre, Piningre 1986) et Ch. Morin (Morin 1994) vont permettre de mieux appréhender l’assiette du site et de localiser une partie des découvertes anciennes. Les travaux de DEA de Ch. Morin vont l’amener en 1995 à ouvrir la seule et unique fouille phasée du site, également aux « Prés Saôniers », à une centaine de mètres de la confluence du Côney et de la Saône (Morin 1995). Cette opération permettra la découverte de deux bâtiments : un premier arasé vers le milieu du IIe siècle et un second qui lui succède, ouvert sur une vaste cour. Ce dernier est occupé du IIIe au IVe siècle et est très certainement à mettre en relation avec le bâtiment découvert en 1822 dans le même secteur. Si en 1994 M. Mangin hésite à classer le site de Corre dans la liste des agglomérations secondaires de Franche-Comté, il émet cependant l’hypothèse d’une potentielle « agglomération sanctuaire » (Mangin, Petit 1994 : 114). Une récente étude sur les capacités de portage de la Saône et de la Moselle (Pasquini, Petit 2016 : 27-32) invite à reconsidérer le rôle de cette agglomération comme point de rupture de charge inséré dans un réseau nodal de voies secondaires.

4. Organisation Spatiale

4.1. Voirie

Le réseau viaire antique traversant le secteur de Corre a été étudié très précocement, dès le XIXe siècle. Les travaux de Pratbernon (Pratbernon 1820-1821), Matty de Latour (Matty de Latour 1865) et de Poly (Poly 1897) ont largement participé à la reconnaissance de ce réseau. Il marque encore le réseau routier actuel. L’axe structurant de l’agglomération est à la voie Luxeuil-les-Bains / Luxovium à Bourbonne-les-Bains / Lindesina [UD 3 et 4] qui se matérialise par la R.D. 417. Elle suit un axe est nord-est avant de se couder au nord du faubourg actuel et continuer vers l’ouest en direction de Bourbonne pour franchir le Côney. Au niveau de ce même faubourg vient se raccorder la voie en provenance de Besançon / Vesontio [UD 1]. Elle repart ensuite vers le nord et Metz / Divodurum après avoir franchi le Côney en suivant le tracé de l’actuelle rue Émile Hauviller [UD 2].

4.2. Le bâti

Les seuls bâtiments clairement identifiés se situent dans le secteur des « Près Saôniers », entre la confluence du Côney et de la Saône et de la voie Luxeuil-les-Bains / Bourbonne-les-Bains. Il est envisageable d’identifier cette zone comme un complexe cultuel avec au moins un temple [UD 6] peut-être fouillé en 1822 et des dépendances pour l’accueil des pèlerins [UD 2] mises au jour par Ch. Morin en 1994. La quantité exceptionnelle de statuaire et de fragments d’autel dans ce secteur plaide en ce sens mais l’organisation globale de ce complexe nous échappe, faute de localisation précise des vestiges et d’éléments de chronologie en particulier pour la fouille de 1822. L’unique autre bâtiment lié directement à l’organisation centrale de l’agglomération est une petite structure repérée en 1994 aux « Près de la Houtre » [UD 10]. En périphérie, au lieu-dit « en Maurimont », un petit établissement rural [UD 6] a pu être reconnu sur le bord du plateau.

4.3. Nécropole

L’impressionnante collection de stèles funéraires provenant du secteur nord de l’agglomération [UD 5], le long de la voie dite « de Lorraine », aux lieux-dits « Mont-la-Ville, les Nomseux » et surtout « les Cerceuils » en fait la seconde plus importante de Franche-Comté, derrière celle de Luxeuil. Cette collection aujourd’hui conservée au musée Garret de Vesoul a été largement exploitée pour la publication d’H. Walter de 1974 sur la sculpture gallo-romaine en Franche-Comté (Walter 1974). Des mentions d’urnes cinéraires (Châtelet, Coudrier 1864) et de sarcophages (D.C.H.S. 1970) laissent supposer une utilisation longue de cet espace, peut-être du Ier siècle au haut Moyen Âge.

4.4. Étendue supposée et remarques

L’agglomération semble clairement délimitée au nord par l’espace funéraire [UD 5] qui s’étend de chaque côté de la voie. Les structures dégagées au sud, au niveau de la confluence Côney / Saône, laissent supposer que le cœur de l’agglomération se développait le long de la voie principale, sur un axe est-ouest. À l’ouest, les prospections menées par Ch. Morin nous informent que les vestiges ne dépassaient pas la R.D. 44. La limite est est plus délicate à cerner mais il est vraisemblable que le site se développe dans ce secteur. La mention, non vérifiée, de la présence d’un aqueduc longeant le Côney irait dans le sens d’un réseau d’alimentation en eau destiné à un secteur urbanisé. Il est envisageable que la partie ouest de l’agglomération, sur la rive droite du Côney, ait été dédiée à un complexe cultuel. La rive gauche serait quant à elle dédiée aux quartiers résidentiels et artisanaux. Cette proposition d’organisation reste spéculative mais, en tout état de cause, les structures repérées laissent supposer une agglomération dont l’assiette pourrait atteindre les 30 hectares.

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

La caractérisation de l’occupation repose sur des données floues ou très anciennes. Les hypothèses proposées demeurent largement interprétatives et sont en grande partie tirées des contextes généraux de découvertes et de comparatifs régionaux.

5.1. Artisanat

Aucune structure ou découverte relevant d’une production artisanale n’a été reconnue sur le site.

5.2. Habitats domestiques

À l’exclusion des deux bâtiments fouillés par Ch. Morin en 1995, dont la fonction reste indéterminée, les seuls vestiges probables d’un habitat domestique ont été découverts lors de prospections pédestres dans le secteur des « Près la Houtre » (Morin 1993). Il n’a pas été possible d’en préciser la forme.

5.3. Vie religieuse

L’importance des découvertes effectuées aux « Prés Saôniers » laisse présager un important secteur religieux. H. Walter mentionne de nombreux éléments sculptés qui font référence au domaine cultuel : colonnes ornées de décors de vignes, fragments d’autels aujourd’hui disparus et surtout statuaire de personnages divins. Il s’agit notamment d’un torse d’Apollon nu, légèrement déhanché et portant un baudrier (les deux fragments, torse et tête, sont conservés au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon, n°inv. : 850.16.10 et D.965.4.1). Une tête en grès de déesse laurée a également été découverte et déposée au musée de Vesoul (n°inv. D.963.3.25). À cela s’ajoute un probable groupe de Jupiter à l’Anguipède lui aussi conservé au musée de Vesoul (n°inv. D963.3.30 et D.963.3.32). Une main de Mercure tenant une bourse, laissant supposer une statue de près de 2 m a été découverte sur la commune sans plus de précision (Faure-Brac 2002). Elle aussi a été déposée au musée Garret de Vesoul (n°inv. : D.963.3.27). Une mention plus floue signale la découverte au XVIIIe siècle d’une statue de Vénus en marbre blanc immédiatement détruite et dont le ventre a été transformé en bénitier (D.C.H.S. 1970). Aucune provenance n’est précisée pour cet élément sculpté et il convient donc de prendre cette information avec précaution.

Les vestiges mis au jour dans le secteur en 1822 et en 1995 laissent entrevoir une possible organisation spatiale pour la zone. Le bâtiment de 15 x 25 m dégagé en 1822 pourrait s’apparenter à un temple de plan gréco-latin. Quant aux bâtiments dégagés par Ch. Morin plus au sud, en particulier celui de l’état 2 ouvert sur une cour en direction du temple, ils pourraient s’apparenter à des hospitalia destinées aux pèlerins. Cet espace semble dynamique puisque Ch. Morin a pu mettre en évidence un processus de démantèlement et une reconstruction totale des bâtiments fouillés aux « Près Saôniers ». La découverte lors de la fouille de fosses dépotoirs remplies de vaisselle culinaire et de restes de faunes irait dans ce sens (Morin 1995 : 122). Sans commune mesure, ce genre d’organisation trouve des parallèles dans plusieurs grands sanctuaires de l’est de la Gaule comme Mandeure (25), les Villards-d’Héria (39) ou Autun (71). Le mobilier recueilli indique que l’occupation de ces bâtiments se poursuit au moins jusqu’au IVe siècle.

5.4. Installations publiques

L’unique exemple d’installation publique sur le territoire de la commune correspond à une découverte ancienne et mal localisée. Il s’agit de la découverte d’un aqueduc à l’est du « faubourg Saint-Martin », le long du Côney. J.-A. Marc en 1805 le décrit de la façon suivante : « environ un mètre de hauteur dans œuvre sur neuf décimètres d’ouverture. Il est revêtu dans la partie inférieure d’un ciment de deux centimètres d’épaisseur. La voûte est composée de grandes pierres plates rejointoyées et liées avec du ciment fait de sable et de briques pilées et mêlées avec de la chaux. L’intérieur est cimenté de la même composition. L’enveloppe de l’aqueduc est massive de pierre qui fait parement vers le cintre concave de ce canal dont l’ensemble présente la plus grande solidité » (Marc 1805 : 13). Même si sa localisation est incertaine, la précision de la description ne laisse pas de doute sur l’existence réelle de cette installation.

6. Chronologie et critères de datations

6.1. La Tène

Aucun indice probant ne laisse supposer une occupation laténienne fixe du secteur.

6.2. Haut-Empire

Le mobilier collecté sur l’ensemble du site laisse supposer une occupation durable dès le début du Ier siècle mais la période de plein développement de l’agglomération est à placer, d’après les auteurs, au cours d’un intervalle qui couvre les IIe et IIIe siècles (Royer 1984 : 88 et 108-109). Cet argument n’est, en l’état, pas tenable. En effet, il repose tout d’abord sur l’étude stylistique des différents monuments funéraires, notamment des stèles, qui véhiculent l’image d’une population importante au Haut-Empire (Walter 1974) mais cette observation ne prend pas en compte l’abandon progressif du marquage des sépultures par des monuments en pierre au cours de l’Antiquité tardive. Le second élément de chronologie le plus couramment cité est le mobilier céramique. Cependant, à l’exception des vases en sigillée (et notamment ceux de Luxeuil-les-Bains dont la typo-chronologie serait à réévaluer (Lerat, Jeannin 1960), l’essentiel du mobilier culinaire de ce secteur est méconnu. Finalement, les découvertes monétaires sont assez rares et ne permettent pas une réflexion assurée.

6.3. Bas-Empire

Les prospections pédestres et la fouille de 1995 laissent entrevoir une occupation tardive au moins du secteur religieux. Une extension en matériaux légers de la seconde structure fouillée en 1995 a livré un bronze de Constant ou Constance II (346-354) en contexte stratigraphique (Morin 1995 : 119), indiquant une occupation au moins jusqu’au milieu du IVe siècle. Sept autres monnaies de bronze dont la chronologie couvre la fin du IIIe et le IVe siècle ont également été trouvées sur cette fouille mais sans structures associées. Cette occupation tardive a été délimitée plus à l’ouest à travers des remblais retrouvés au bord de la R.D. 44 qui contenaient des « poteries tardives ornées à la molette » (Morin 1994 : 3). Il s’agit vraisemblablement ici de sigillées d’Argonne des IVe-Ve siècles, mais ces remblais formés par des travaux le long de la chaussée de la route départementale lors des années 1960 ne permettent pas de localiser précisément la provenance de ce mobilier.

6.4. Haut Moyen Âge

Le D.C.H.S. mentionne la découverte de sarcophages autour de la chapelle Saint-Maurice (D.C.H.S. 1970 : 287), actuelle place du général de Gaulle. Ce bâtiment daté au moins du IXe siècle par des chartes médiévales aurait donc une origine plus ancienne. Le D.C.H.S. mentionne également une construction faite de réemplois antiques. Des mentions plus anciennes indiquent la découverte de « tombeaux » plus au nord, dans le secteur de l’espace funéraire antique (Dieu 1858, feuille 23) mais le terme est trop imprécis pour pouvoir attester qu’il s’agit bien ici de sarcophage alto-médiévaux.

C’est cet édifice paléochrétien qui semble marquer le centre du développement du bourg médiéval et du village actuel.

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

L’occupation semble apparaître au cours du Ier siècle avant de se structurer autour d’un secteur nodal formé de trois voies secondaires [UD 1 à 4] et de la confluence de deux rivières, le Côney et la Saône. La Saône n’étant plus navigable à partir de Corre, le site semble très tôt être un secteur de transbordement permettant de gagner la vallée de la Moselle toute proche. Cette situation aurait pu conditionner un essor commercial de l’agglomération. C’est dans cette zone de confluence que se met en place parallèlement ce qui pourrait apparaître comme un complexe cultuel comprenant au moins un temple [UD 6] et peut-être des hospitalia [UD 8]. Ce secteur, très riche en découvertes notamment de statuaire, perdure jusqu’à l’Antiquité tardive. L’unique zone qu’on peut qualifier de « résidentielle » se situe à l’est, sur la rive gauche du Côney [UD 10] et n’a pu être repérée que par des prospections au sol. Ce secteur aurait pu être plus densément peuplé, ce qui justifierait la mise en place d’un aqueduc dans les environs. Le dynamisme de l’agglomération peut être mis en parallèle avec la très importante série de stèles funéraires retrouvées en périphérie nord du site, le long de la voie allant à Metz. Ce dynamisme se matérialise également par quelques établissements ruraux périphériques comme celui repéré au lieu-dit « en Maurimont » [UD 7] et qui fonctionne vraisemblablement en lien avec le centre urbain tout proche. Même si les données disponibles pour ce site sont très lacunaires, les quelques investigations récentes permettent d’exclure l’hypothèse d’un abandon du site au cours de l’Antiquité tardive comme le démontrent la mise au jour de monnaies et de sigillées tardives. Le développement du village actuel semble quant à lui conditionné par l’implantation d’un lieu de culte paléochrétien [UD 9] au niveau de l’actuelle place du général de Gaulle.

8. Perspectives de recherches

Les données provenant du site de Corre sont pour l’essentiel anciennes et la synthèse proposée ici est largement interprétative. Une reprise des investigations sur ce secteur, notamment par des opérations de prospections géophysiques dans le secteur des « Près Saôniers » (aujourd’hui largement détruit par la construction de la marina au début des années 2000) permettrait de relocaliser le potentiel temple fouillé en 1822 et préciser les structures implantées à proximité. De même, la reprise des prospections pédestres aux abords du « faubourg Saint-Martin » offrirait l’opportunité de préciser la densité d’occupation de ce secteur.

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 Adrien Saggese, Christophe Card

Illustrations Corre