Palleau (Saône-et-Loire)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

L’agglomération antique de type routière située sur la commune de Palleau se trouve à l’ouest du village actuel. Elle se développe aux lieux-dits Les Grandes Terres, Gué des Pierres, le long de l’axe de la voie d’Agrippa reliant Châlon-sur-Saône à Langres. Il s’agit de la première station routière rencontrée à la sortie de Châlon sur cet axe. À cet endroit, la voie d’Agrippa a la particularité de traverser successivement 4 cours d’eau : l’Avant-Dheune, la Dheune, la Bouzaise et le Meuzin. La station routière se développe également à un petit carrefour formé par la voie d’Agrippa et une voie secondaire reliant Autun à Pontoux, sur la Saône. Juste au nord-est de l’agglomération, après sa traversée, la voie d’Agrippa va bifurquer pour se diriger vers le nord. Jusqu’à maintenant, elle longeait la Saône, en parallèle du tronçon Châlon-Besançon, sur la rive gauche.

Cette petite agglomération reste très peu connue à l’heure actuelle et son extension est seulement connue grâce à quelques découvertes fortuites et une récente prospection pédestre. Même si on ne connaît aucun élément de son organisation spatiale, la répartition des vestiges au sol laisse penser à une agglomération routière tout à fait classique, s’étendant de part et d’autre de la voie d’Agrippa.

 

 

2. Cadre naturel

 

2.1. Topographie, Géologie

Située en plein cœur du Val de Saône, dans le département de Saône-et-Loire, l’agglomération antique de Palleau est implantée sur un léger relief de 190 m d’altitude permettant de surplomber les quatre petits cours d’eau ainsi que la voie d’Agrippa. Le site est implanté dans une petite vallée alluvionnaire rejoignant la Saône, à l’est.

2.2. Hydrographie

Comme précisé précédemment, le site de Palleau se développe à l’emplacement d’un gué, là où la voie d’Agrippa traverse les rivières de l’Avant-Dheune, de la Dheune, de la Bouzaise et du Meuzin. Ces quatre cours d’eau  forment un confluent juste à l’est du site. L’agglomération semble se développer exactement entre les gués sur la Dheune et la Bouzaise. L’hydrographie et la topographie sont ainsi très importantes dans le choix d’implanter une agglomération à cet endroit précis. Elle peut alors contrôler à la fois les affluents de la Saône et le réseau routier.

 

 

3. Etat des connaissances

 

3.1. Sources

Contrairement à l’agglomération routière de Boncourt-le-Bois/Vidubia, au nord, celle de Palleau n’est pas indiquée sur les itinéraires antiques. Nous nous situons pourtant à égale distance entre Boncourt et Châlon.

Actuellement, l’agglomération nous est connue grâce aux quelques découvertes aux XIXe et XXe siècles. Les prospections aériennes n’ont jamais donné de quelconque élément de structures bâties. Une prospection pédestre effectuée en 2013 est venue appréhender l’étendue de l’agglomération, malgré des conditions de terrain délicates. L’environnement du site reste également très mal connu dans l’état actuel des recherches.

 

3.2. Historique des recherches

Après quelques découvertes notables au cours du XIXe siècle, une première synthèse des découvertes a été réalisée par Louis Armand-Calliat dans Le Châlonnais gallo-romain en 1937 (p. 210). Depuis celle-ci, de nouveaux objets ont été découverts, et notamment dans les années 1960 et 1970 grâce à Antonin Guillot (Guillot 1976 ; 1980a, p. 14 ; 1980 ; 1982-1983). Dans l’ensemble, les recherches se sont plutôt portées sur la voie d’Agrippa qui traverse le site du sud-ouest vers le nord-est. D’ailleurs en 1983, lors d’un curage de la Bouzaise, les traces du gué traversant la rivière furent retrouvées. Il prenait la forme de galets et de blocs épais piqués debout (UI n° 1). Aucune borne milliaire n’a été retrouvée sur le parcours étudié entre Châlon et Palleau par L. Bonnamour. Une colonne cylindrique serait enfouie au lieu-dit le Bas de la Croix, à Palleau à proximité du franchissement de la Dheune par la voie romaine : s’agit-il d’un élément d’un édifice dont les traces importantes subsistent dans le voisinage ou bien d’une borne milliaire ? (UI n° 05). « Dans la mesure du possible, les milliaires étaient implantées en des points privilégiés, sommets de côtes, ponts, qui ont longtemps servi de limites ». C’est le cas à Palleau, où l’on a à la fois un gué et un sommet de côte. Des croix existantes ou disparues, situées sur le tracé de la voie, peuvent avoir substituées à des bornes milliaires : le toponyme Bas de la Croix indique la proximité d’une croix détruite et vraisemblablement l’emplacement d’une borne milliaire. En 1998, un sondage a été réalisé par J.-C. Alary à l’emplacement de la voie d’Agrippa (UI n° 10). Celle-ci mesure 4 à 5 m de large et n’est constituée que d’une couche peu dense de pierres de petite taille et usée (Alary 1998).

Une autre opération archéologique a été menée par J.-C. Alary en 1998 au lieu-dit Les Plantes permettant la découverte d’une éventuelle base de mausolée funéraire (Alary 1998 ; 2003) (UI n° 10). Ainsi seules deux opérations de fouille archéologique ont été menées sur le site de Palleau, ne permettant pas d’en connaître davantage sur la structure interne de l’agglomération.

Plus récemment, une prospection pédestre réalisée sur quelques parcelles à l’ouest de la voie d’Agrippa a permis de circonscrire avec plus de précision l’extension de l’agglomération dans ce secteur (UI n° 11 ; Gaëtan 2013).

 

 

4. Organisation spatiale

 

            4.1. Structures bâties (voirie, habitat privé, bâtiments publics…)

L’organisation spatiale de l’agglomération antique de Palleau nous est entièrement inconnue. La seule structure fouillée partiellement est un massif de fondations en 1998 par J.-C. Alary (UD n° 3). À cette occasion, il a pu découvrir quelques céramiques, des tuiles, des fragments d’architecture et les fragments d’une tête sculptée rappelant les masques funéraires (à l’exemple du mausolée de Faverolles). Cette découverte l’a amené à interpréter cette structure comme étant un petit mausolée situé à l’ouest de la voie, au point le plus haut de l’agglomération. Cette interprétation pose toutefois problème puisque nous nous situons visiblement à l’intérieur même de l’agglomération. Ne s’agirait-il pas là plutôt d’un édifice cultuel ou public ?

 

4.4. Etendue supposée et remarques

Les limites de l’agglomération antique de Palleau ne semblent pas aujourd’hui très bien déterminées, même si les prospections pédestres de 2013 ont permis de délimiter une occupation d’environ 4 ha. Celle-ci se concentre de part et d’autre de la voie d’Agrippa sur une longueur d’environ 450 entre les gués de la Dheune et de la Bouzaise. Mais il est aussi possible qu’une occupation se prolonge de l’autre côté de ces gués, au nord et au sud.

 

 

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

 

La caractérisation de l’occupation au sein de l’agglomération routière de Palleau reste extrêmement difficile étant donné que nous ne possédons aucune structure bâtie. Dans tous les cas de figure, nous pouvons toutefois affirmer que nous sommes en présence d’un habitat groupé de type agglomération routière. Le mobilier découvert ainsi que sa disposition et l’étendue du site nous le démontre. Il faut également noter qu’au sud de l’agglomération, la prospection au sol réalisée en 2013 a permis la découverte d’une zone avec pierres calcaires et tubuli. Il s’agit sans doute là d’une zone thermale privée, à l’arrière des habitats (?).

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de fouilles, seules les données issues des prospections pédestres peuvent nous permettre d’avancer certains arguments quant à la chronologie d’occupation de l’agglomération de Palleau. Les données restent toutefois extrêmement succinctes et nous permettent d’avancer des arguments généraux.

 

6.1. La Tène D

Aucune trace de mobilier laténien n’a été découverte sur le site ou dans ses environs.

 

6.2. Haut-Empire

            Aucun lot de mobilier spécifique n’a été mis au jour sur le site de l’agglomération. Les prospections pédestres réalisées en 2013 par L. Gaëtan et les quelques découvertes antérieures nous permettent cependant d’affirmer que l’agglomération voit le jour au tout début du Ier siècle de notre ère et se développe jusqu’à la fin du IIIe siècle. Le matériel recueilli couvre ainsi tout le Haut-Empire et aucun témoin n’est postérieur à la période tétrarchique. Aucune forme céramique remarquable n’a été collectée à cette occasion, l’essentiel étant des tessons de panses difficiles à identifier. Le faciès est tout à fait homogène avec des formes communes que l’on retrouve dans le Val de Saône, et plus particulièrement dans le châlonnais. Parmi ce mobilier, la céramique commune sombre domine avec quelques tessons de céramique sigillée difficilement identifiable.

6.3. Bas-Empire

Comme précisé précédemment, le Bas-Empire n’est pas du tout représenté à travers les prospections récemment réalisées. Seule la découverte d’une monnaie de cette période dénote du cadre chronologique fixé précédemment. Il s’agit d’un AES IV (frappé entre 388-395). Mais ce jalon chronologique n’est pas illogique dans un tel contexte de par la présence de la voie d’Agrippa. Malgré cela, il est indéniable que le site doit peu à peu péricliter dès le début du IVe siècle de notre ère.

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

L’agglomération routière de Palleau semble avoir une durée de vie assez courte, correspondant finalement assez bien avec la mise en place et  le fonctionnement du tronçon de la voie d’Agrippa reliant Châlon-sur-Saône à Langres. Aucune trace d’occupation antérieure ou postérieure n’a pu être mise au jour dans l’état actuel des recherches. Il s’agit là également d’une petite station routière dont la superficie ne pourrait excéder les 4 hectares. L’artisanat développé au sein du site nous est inconnu. On doit toutefois y retrouver les fonctions vitales d’un relais routier : artisanat du fer et culinaire. Cette agglomération fait partie d’une série de petits sites jalonnant les tracés de la voie d’Agrippa, à l’exemple de celle de Boncourt-le-Bois, prochaine station en direction de Langres.

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Pour les années à venir, l’objectif serait de posséder, même partiellement, une partie du plan de l’agglomération, tout en réussissant à circonscrire l’occupation au-delà des deux gués. Pour cela, il faudra continuer les prospections aériennes au-dessus du site, et peut-être même envisager une prospection géophysique. De cette manière nous pourrions également appréhender l’état de conservation des vestiges.

 

 

9. Bibliographie

 

 

Alary 1998 : ALARY (J.-C.) Rapport de fouilles archéologiques d’évaluation Palleau (71) « les Plantes », SRA de Bourgogne, Dijon, 32 p.

 

Alary 2003 : ALARY (J.-C.) – Découvertes des vestiges d’un mausolée gallo-romain à Palleau, Mémoire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, t. 71, 2003, p. 13-41.

 

Armand-Calliat 1937 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Chalonnais gallo-romain. Répertoire des découvertes archéologiques faites dans l’arrondissement de Chalon, Société d’Histoire et d’Archéologie, Châlon-sur-Saône, 1937, 293 p.

 

Armand-Calliat 1960-1961 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Une tuile de la VIIIe Légion et un lingot de plomb romain trouvés à Palleau, Mémoire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, t. 36, 1960-1961, p. 109-113.

 

Armand-Calliat 1962-1963 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Chronique archéologique, Mémoire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, t. 37, 1962-1963, p. 30.

 

Bonnamour 1984 : BONNAMOUR (L.) – Chronique archéologique, Mémoire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, t. 53, 1984, p. 7-42.

 

Bruhl 1964 : BRUHL (A.) – Informations archéologiques, Gallia, t. 22, 1964, p. 421-422.

 

Gaëtan 2013 : GAETAN (L.) – Palleau (Saône-et-Loire), Rapport de prospections pédestres 2013,  SRA Bourgogne, Dijon, 18 p.

 

Guillot 1976 : GUILLOT (A.) – Le confluent de la Saône et du Doubs au Premier Age du fer, Revue Archéologique de l’Est, t. 27, 1976, p. 109-133.

 

Guillot 1980a : GUILLOT (A.) – Chronique archéologique, Trois Rivières, t. 17, 1980, p. 14.

 

Guillot 1980b : GUILLOT (A.) – Panorama archéologique du Verdunois, Trois Rivières, t. 16, 1980, 54 p.

 

Guillot 1982-1983 : GUILLOT (A.) – La voie romaine Chalon-Langres, quelques observations effectuées entre Chalon et Palleau, Mémoire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, t. 52, 1982-1983, p. 83-101.

 

Kasprzyk 2005 : KASPRZYK (M.) – Les cités des éduens et de Châlon durant l’Antiquité tardive (vers 260-530 env.), contribution à l’étude de l’Antiquité tardive en Gaule centrale. Thèse de Doctorat, Université de Bourgogne, 2005, 3 vol., 400 p., 486 p. et 478 pl.

 

Rolley 1985 : ROLLEY (C.) – Trois bronzes romains en Bourgogne, Revue Archéologique de l’Est, t. 36, 1985, p. 326-329.

 

Thévenot 1969 : THEVENOT (E.) – Les voies romaines de la cité des éduens. Bruxelles, Latomus, 1969, 338 p.

Loïc Gaëtan

Illustrations Palleau