Beaune (Côte-d’Or)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Beaune est aujourd’hui une des plus importantes agglomérations de Côte-d’Or avec 22 000 habitants. Elle se trouve également à un des plus importants carrefours routiers de l’Est de la France, notamment point de rencontre des autoroutes A31, A36 et A6. Située au pied de la Côte, durant l’Antiquité une petite agglomération s’est développée sous le centre-ville actuel de Beaune, le long d’une voie secondaire reliant Châlon-sur-Saône à Dijon. Cette voie longeant toute la Côte est un axe parallèle à celui plus important de la voie d’Agrippa. L’agglomération se développe au nord-est du territoire éduen. Nous savons très peu de choses sur la ville du Haut-Empire, ni sur ses origines. Les renseignements les plus précieux que nous possédons aujourd’hui concernent le castrum bâti au début du Bas-Empire, à la fin du IIIe siècle. Comme bon nombre d’enceintes de cette période, les nombreuses stèles, monuments funéraires et édifices divers vont être récupérés pour sa construction. Celui-ci va être longtemps utilisé jusqu’à l’édification des murailles modernes, d’une superficie plus grande, au XIIIe siècle.

 

 

2. Cadre naturel

 

2.1. Topographie, Géologie

Au long de la barrière de la Côte, tendue en ligne droite entre la trouée de la Dheune et celle de l’Ouche, plusieurs causes ont contribué à ce qu’une agglomération se fixe à cet endroit. Également assise à mi-chemin entre les carrefours antiques de Châlon et de Dijon, la ville se trouve au débouché d’une série de combes qui établissement un trait d’union entre le plateau et la plaine. Toutes ces combes convergent vers l’emplacement de Beaune, offrant ainsi des voies pénétrantes vers le haut-pays (Thévenot 1971, p. 63-64).

2.2. Hydrographie

Cet emplacement est également riche en sources avec notamment celle de l’Aigue et de la Bouzaise, qui entoureront le castrum durant l’Antiquité tardive.

 

 

3. Etat des connaissances

 

3.1. Sources

Aucun texte antique ne mentionne Beaune. Les premiers documents dans lesquels on voit figurer le nom de Beaune sont les tiers de sous mérovingiens aux légendes BELENO CAS(trum) et BELENO FIIT.

Les connaissances que nous avons sur l’agglomération reposent en majeure partie sur la documentation archéologique qui est malheureusement très inégalement répartie dans le temps. Ainsi, nous ne possédons pratiquement rien sur l’agglomération du Haut-Empire, alors que nous avons beaucoup d’éléments sur le castrum du Bas-Empire. De nombreux érudits ont écrit sur Beaune antique, et tout spécialement sur le castrum. L’ensemble de cette documentation ancienne a été rassemblé et commenté par Emile Thévenot dans son ouvrage sur le beaunois gallo-romain (1971). Depuis cette publication, quelques opérations archéologiques ont eu lieu dans le centre-ville de Beaune et sa périphérie, permettant de compléter les données alors collectées.

 

3.2. Historique des recherches

Les érudits se sont longtemps attachés à décrire la structure antique la plus visible à Beaune : le castrum. Ainsi, son démantèlement progressif entre le XVIIe et le XIXe siècle a alimenté la littérature et les musées de découvertes exceptionnelles, toutes répertoriées dans l’ouvrage d’E. Thévenot (1971). De nombreux monuments funéraires et cultuels vont alors être remployés dans la muraille construite au Bas-Empire. En 1883, L. Cyrot fera la première description détaillée de l’enceinte accompagnée d’un plan de localisation grâce à l’étude du parcellaire et les visites des caves mitoyennes. Durant le XIXe siècle, les recherches vont s’étendre au-delà de l’enceinte antique grâce à l’urbanisation progressive des faubourgs de Beaune, autour des remparts modernes. Peu à peu des découvertes sont effectuées dans les faubourgs Saint-Jacques et Saint-Nicolas mais également au pied de la Côte, à proximité des sources. Ainsi, on relève la découverte en 1851 et 1866 lors de travaux de captage dans le bassin de la source de l’Aigue, d’une tête sculptée de la déesse Diane ainsi que de fragments de corniches décorés de palmettes et de feuilles. D’autres sculptures sont également trouvées ici, avec notamment « une partie inférieure de jambes en pierres dont l’une d’elles aurait porté la trace de maladies » (Simonnet, Foisset 1872, col. 145-149). Nous sommes très certainement en présence d’un sanctuaire de source avec la présence d’ex-voto. Des structures gallo-romaines ont aussi été retrouvées ici au cours de divers travaux effectués. Un secteur va toutefois retenir l’attention des chercheurs. Il s’agit de celui situé autour de l’ancienne institution de Notre-Dame, au lieu-dit la Maladière. Selon les auteurs anciens, un important site datant de l’époque romaine semble se développer au croisement des voies romaines d’Autun-Besançon et Châlon-Dijon. Le site se situerait ainsi à l’est de l’actuelle Route Nationale, au Clos Chameroy. Selon E. Thévenot, « sur une vaste zone », on a découvert « des bétons, enduits…, des outils, fibules », des tessons d’amphores et de céramique. Les constructions ne se signalent que par les tegulae et « plusieurs puits ». Les découvertes de nombreuses monnaies nous fournissent quelques indices sur l’occupation de ce site. Vers 1865, on y a trouvé un « lot » de monnaies gauloises où Ch. Aubertin a reconnu des potins des Turons, Cantorix, Giailos, un potin au sanglier, six monnaies gallo-romaines de Germanus Indutilli, de la fin du Ier siècle av. J.-C. Il signale également la découverte d’un « lot d’une trentaine de monnaies exclusivement de Constantin à Théodose » (Aubertin 1868). Dans les années 1960, avant la construction de l’autoroute A6, M. Charlot effectue des sondages à proximité d’une construction romaine et a découvert à cette occasion cinq « puits tapissés » de pierres (peu profonds de 0,50 m, peu larges, moins de 0,70 m), mais qui pourraient bien correspondre à des calages de poteaux. Quelques tessons de sigillée de la Graufesenque et 3 monnaies (Domitien, Commode et Sévère Alexandre) ne fournissent qu’une vague indication. Il s’agit là des investigations les plus poussées sur le site (Charlot 1991).

 

La seconde moitié du XXe siècle est marquée par plusieurs opérations dans le centre-ville de Beaune, à l’intérieur même du castrum et dans les environs. En 1984 et 1991 quelques sondages ont été effectués dans les cours de l’ancienne école Notre-Dame, en plein cœur du castrum antique, avant la réunification des musées municipaux de Beaune (UI n° 12). Ceux-ci ont permis de mettre au jour une portion de l’enceinte antique ainsi que d’importants remblais datant du Bas-Empire. À part quelques faibles indices céramiques du Haut-Empire, les structures découvertes appartiennent toutes au Bas-Empire et au Moyen-Age (Gruillot 1991, p. 47-62).

 

La fin du XXe siècle et le début des années 2000 voient le nombre de diagnostics archéologiques augmentés et notamment sur les nombreuses Zones Industrielles et Commerciales, ainsi que sur le projet de déviation du centre-ville de Beaune. C’est à cette occasion que fut diagnostiquée en 1999, puis fouillée en 2000, la grande villa des Perrières, située le long de la voie Beaune-Châlon, au sud de l’agglomération antique (UI n° 24-25). L’établissement gallo-romain s’étend sur environ 7 000 m². Le secteur bâti est délimité par deux doubles murs d’enceinte, un au nord, l’autre à l’ouest, et l’ensemble des constructions s’organise autour de deux grandes cours au nord-ouest et au sud-est, reliées par une allée. Au centre de ces deux espaces se trouve un corps central de bâtiment qui apparaît comme le cœur de l’établissement. Au sud, six bâtiments (bâtiments B, C, D, E, F, et G) s’organisent le long de l’allée. Au nord, le bâtiment A précède trois ensembles balnéaires (ensemble n° 1, 2 et 3) qui sont alignés d’est en ouest (Dunikowski 1999 ; Viggiano 2003).

Des diagnostics sont ensuite effectués en 2008 et 2010 pour le prolongement de la rocade nord-est de Beaune (UI n° 35-36). Lors de la première tranche, en 2008, peu de structures ont été repérées et cette opération n’a entraîné aucune prescription de fouille (Devevey 2008). Ainsi, dans la tranchée 4 fut fouillée une sépulture secondaire d’origine protohistorique sans que l’on en sache plus sur sa datation précise. Autour de cette sépulture quelques trous de poteaux et fosses ont également été repérés. D’autres trous de poteaux et fosses ont été vus mais les datations restent difficiles faute de mobilier dans les structures fouillées. Deux seulement ont livré du matériel qui permet de les associer précisément à la période du Bronze final IIIb. Les autres structures s’inscrivent plus généralement dans la période protohistorique. Il s’agit de trous de poteaux isolés ou regroupés en petit nombre. Cela ne dessine pas une zone d’habitat véritablement structurée. En ce qui concerne la deuxième phase (Pascal 2010), aucune structure n’a été repérée malgré la proximité avec le lieu-dit Les Robines, La Maladière où est supposée la présence d’une petite agglomération.

 

 

4. Organisation spatiale

 

Par conséquent, très peu d’opérations archéologiques ont eu lieu sur l’emplacement supposé de l’agglomération antique du Haut-Empire. Ni son étendue, ni son emplacement exact ne nous sont connus aujourd’hui. Les structures d’habitat restent également une grande inconnue tant pour le Haut-Empire que pour le Bas-Empire.

 

4.1. Voirie

L’agglomération de Beaune ne se situe pas en soit à l’emplacement d’un carrefour important.  La voie Châlon-Dijon passe vraisemblablement non loin du site, même si elle n’est pas localisée avec certitude. Un embranchement se ferait alors en direction de la ville. Cet embranchement formerait également un croisement avec la voie rejoignant l’Arrière-Côte à la Saône.

Si une agglomération antique au lieu-dit la Maladière est confirmée, celle-ci se situerait ainsi au carrefour de la voie Autun-Besançon, et d’une voie secondaire rejoignant Beaune à Nuits-Saint-Georges, non loin du gué traversant le Rhoin. L’agglomération située sous le centre-ville actuel de Beaune, autour du castrum, serait, elle, plutôt située sur un carrefour secondaire, à proximité du gué sur la Bouzaise.

 

4.2. Le bâti

 

                        4.2.1. L’habitat

Ces diverses situations géographiques doivent guider l’implantation d’une agglomération routière sur ce site dès le début du Ier siècle de notre ère. Un habitat conséquent est toutefois déjà présent dès La Tène D au lieu-dit la Maladière. Il est cependant difficile de dire s’il s’agit là d’un habitat groupé ou pas, prémices d’une première agglomération.

 

4.2.2. Le castrum (UD n° 8)

L’agglomération du Bas-Empire reste pour le moment la partie la mieux connue de l’habitat groupé antique, même si ce n’est que sa muraille. Selon E. Thévenot (1971, p. 96), celle-ci s’installe au cœur de l’agglomération du Haut-Empire. L’enceinte tardive de Beaune, dite castrum, est la plus petite du territoire éduen mais elle nous est bien connue grâce aux nombreuses descriptions qu’on put faire les auteurs anciens dès le XVIIe siècle. Toutes ces observations sont également résumées dans Le Beaunois gallo-romain (Thévenot 1971). L’essentiel des travaux réalisés depuis l’étude de L. Cyrot n’ont pas apporté d’informations nouvelles sur la structure de l’enceinte. Nous reprendrons ici la description faite par M. Kasprzyk dans sa thèse (2005, vol. 2, p. 32-33).

 

Tracé

L’enceinte de Beaune possède un plan ovalaire. Elle ne mesure que 480 m de circonférence, pour une surface délimitée inférieure à 1,8 hectare. Son tracé a pu être circonscrit par Cyrot grâce à une analyse du parcellaire et des visites dans les caves de propriétés mitoyennes de la courtine. Cette dernière est bordée à l’ouest par la rue Maizières, elle traverse le chevet de l’église Notre-Dame puis longe à l’est la rue Paradis avant d’effectuer un retour à l’ouest et de suivre un tracé parallèle à l’avenue de la République. L’enceinte aurait possédé deux portes : une au sud-ouest face au pont Notre Dame, une autre à l’emplacement du chevet de l’église Notre-Dame. L’enceinte est bordée au sud-ouest par la Bouzaise.

 

Les tours et les portes

Le nombre des tours de l’enceinte demeure conjectural. Les auteurs anciens proposent fréquemment le nombre de trente-trois tours, nombre très certainement influencé par la lecture de la célèbre description du castrum de Dijon par Grégoire de Tours comme l’a justement observé E. Thevenot. Ce dernier estime qu’elles n’ont guère dû dépasser la douzaine.

Selon Pasumot, rue Paradis, en 1683, on aurait trouvé les fondations d’une tour carrée faisant partie du palais ducal. Cette dernière aurait livré des débris antiques, dont l’inscription CIL XIII, 2639. Thevenot considère la tour comme antique, mais Pasumot signale que cette dernière est construite sur les débris de l’enceinte d’Aurélien, ce qui incite à considérer que cet ouvrage est postérieur à l’enceinte proprement dite. En l’état, la seule tour actuellement conservée, située à l’angle sud de l’enceinte à proximité de la place Fleury, semble posséder un plan circulaire. Son diamètre n’est pas signalé, mais on peut l’estimer à 6 m si le plan publié par Cyrot est exact.

Les portes sont très mal connues. Pasumot en place une face à l’église Notre-Dame, à un endroit où l’on observe au XVIIIe siècle un éboulement dans la muraille. Thevenot pense que « les pierres […] ornées de sculptures, les autres seulement taillées, appareillées et percées pour recevoir des ferrements », trouvées lors de la construction d’une maison située à l’angle du Quai des Arches et du passage de la Salle du Roi (parcelle n° 172) signalées par Pasumot proviennent d’une porte. S’il est probable que ces blocs proviennent de l’enceinte, il est difficile de savoir s’il s’agit d’éléments réemployés en fondation ou de fragments d’une élévation en grand appareil.

 

La courtine

Toutes les observations anciennes concourent à démontrer que la courtine de l’enceinte de Beaune est fondée sur un massif de blocs réemployés datant du Haut Empire : éléments d’architecture en grand appareil, stèles funéraires, frises et inscriptions dont E. Thevenot a dressé la liste. Cette assise semble avoir été d’inégale importance : dans l’école Notre-Dame, elle n’atteint pas 0,50 m de haut alors que rue d’Enfer, Pasumot signale des blocs de 4 à 5 pieds (1,20 à 1,50 m) de long et plus de 2 pieds (0,60 m) d’épaisseur. À l’école Notre-Dame, les fondations semblent reposer directement sur le sol géologique, malheureusement non décrit.

L’élévation semble avoir été constituée d’un caementicium formé d’un béton rose avec brique pilée et de pierres de toutes dimensions, parementée de moellons calcaires disposés en assises régulières.

Cependant, en de nombreux points, ce parement a fait l’objet de réfections comme sur l’élévation relevée à l’école Notre-Dame. On a plusieurs fois signalé des assises en opus spicatum, observées en plusieurs endroits de l’enceinte au XIXe siècle (ainsi notamment vers la maison Fèvre et près de la fontaine Belenein). La tradition locale attribue ces réfections au courant du haut Moyen Age.

L’épaisseur de la courtine est signalée par quelques auteurs. Pasumot l’estime à 16 pieds (environ 4,80 m) et Cyrot à environ 5 mètres. Thevenot pense que ces largeurs valent pour les fondations et non pour la courtine, qu’il suppose un peu moins large. En effet, cette mesure est au demeurant vraisemblable. Quantin donne une mesure de 3 m, mais il pourrait s’agir d’un secteur où le parement a été arraché. L’élévation de cette dernière est difficile à établir. Seul Cyrot signale qu’elle atteint le deuxième étage des maisons, ce qui laisse supposer qu’elle atteint les 6 ou 7 m.

 

Datation

La tradition érudite attribue généralement la construction de l’enceinte de Beaune à la fin du IIIe siècle. L’argument avancé est la ressemblance de la structure avec celle du castrum de Dijon, attribué par Grégoire de Tours à l’empereur Aurélien. En revanche, pour Quantin, l’enceinte date du IVe siècle en raison du style décadent de certaines sculptures réemployées dans les fondations. Il va sans dire que la valeur chronologique de cet argument est peu fondée car liée à la piètre estime que porte cet auteur pour la sculpture gallo-romaine.

En l’état actuel de la documentation archéologique, il est donc difficile d’attribuer une date précise à la construction. L’enceinte paraît postérieure à la seconde moitié du Haut Empire au plus tôt et est antérieure au VIIe siècle sur la base de la documentation écrite. Toutefois, le fait que les plus anciennes structures maçonnées trouvées à l’intérieur de cette dernière soient datables du IVe ou du Ve siècle semble indiquer que la fortification existe probablement à cette période.

 

4.3. Nécropole

Aucune nécropole n’a été localisée avec précision sur le territoire de Beaune, à proximité de l’agglomération. Nous savons toutefois qu’au moins une existait grâce à la multitude de stèles funéraires retrouvées en remploi dans le castrum. Celles-ci pourraient toutes dater du IIe – début IIIe siècle. Quelques indices pourraient permettre de localiser certaines nécropoles de la ville. Ainsi, dans les fondations d’une maison située «  à 200 pas de la porte orientale du château » (ce qui correspondrait à la place Fleury selon E. Thévenot), en 1756, on a trouvé une « grande urne funéraire » contenant des cendres et « cinq médailles d’Auguste, moyens bronzes ». Cette découverte est interprétée comme étant le lieu d’une nécropole, ce qui reste entièrement à prouver (UD n° 18).

Le long de la voie allant à Nuits-Saint-Georges des ouvriers ont signalé la découverte, en 1818 ou 1819, d’un sarcophage en plomb (1,75 x 0,53 x 0,38 m). Ce dernier est protégé d’un côté par un mur de soutènement), de l’autre, par quatre stèles alignées verticalement et tournées vers le cercueil : une stèle avec deux personnages à la tête, une stèle avec un buste et une épitaphe aux pieds. Ce sarcophage contenait une inhumation d’une femme de 30 ans, une aiguière et une fiole en verre à moitié remplie d’un liquide. À l’extérieur du sarcophage, entre les 4 stèles et la route, on a trouvé des « crânes » et 2 « urnes en terre cuite » qui contenaient 4 épingles en jayet, 7 « boulons en fer » (à tige carrée, long. 3,5 pouces) (données au musée de Beaune), et une douzaine de monnaies de Maximin, Constance et Constant (UD n° 3 ; Aubertin 1890).

 

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

 

En l’absence réelle de véritables données archéologiques, la caractérisation de l’occupation reste aussi mal aisée que l’étude de l’organisation spatiale de l’agglomération antique. Seules les découvertes effectuées dans le castrum et dans les faubourgs de Beaune peuvent nous aider à mieux comprendre la nature de l’occupation et les environs de cette agglomération.

 

5.1. Artisanat

L’artisanat n’est attesté à aucun endroit de l’agglomération. Seules des traces d’artisanat de la métallurgie du fer ont pu être repérées sur la grande villa des Perrières, au sud de l’agglomération, lors de la fouille de 2000. La présence en quantité de scories et de battitures de fer atteste d’un atelier de forge le long de la voie Châlon-Beaune.

 

5.2. Habitat domestique

Il est impossible de donner aujourd’hui un visage à l’habitat de l’agglomération antique de Beaune, ni de son castrum du Bas-Empire. Les découvertes d’habitat sont très peu nombreuses, voire inexistantes et les éléments mis au jour sont beaucoup trop minces pour pouvoir en tirer des enseignements.

 

5.3. Vie religieuse

Aucune structure cultuelle n’a été mise au jour sur le territoire de Beaune. Une fonction religieuse peut toutefois être attribuée à l’agglomération grâce à la découverte de quelques éléments évocateurs d’un culte. Ainsi, aux sources de l’Aigue (UD n° 15), en 1851 furent retrouvées, dans le bassin de la source, une belle tête de Diane surmontée d’un croissant, et dans l’île de l’Aigue voisine de la source, un « superbe morceau de frise avec entrelacs ». En 1866, d’autres découvertes furent effectuées dont un fragment de corniche d’un grand monument, des monnaies et deux pieds de statue (ex-voto ?) ainsi que les fondations d’un mur gallo-romain. Grâce à cet ensemble de découvertes, E. Thévenot avance l’idée d’un temple dédié à Apollon (Apollon gaulois nommé ici Belenus, dieu éponyme de Beaune sur une source dont est issu le ruisseau de Belina, nom primitif de l’Aigue (1952 ; 1971, p. 90-92)). Cette hypothèse est renforcée par la présence tout près de là d’une chapelle dédiée à Saint-Martin, entourée de sépultures en sarcophages de grès.

Dans le faubourg Saint-Jacques, un puits livra en 1844 une stèle à fronton triangulaire avec trois divinités assises, dont au centre un dieu tricéphale nu, connu depuis sous le nom d’Hermès tricéphale, et des colombes ; du voisinage provient aussi une tête d’Apollon (UD n° 10-11).

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de fouilles récentes, seules les données issues des découvertes anciennes effectuées  ou les études des fragments architecturaux ou de la statuaire vont nous permettre d’avancer certains arguments quant à la chronologie d’occupation de l’agglomération de Beaune.

 

6.1. La Tène D

Un habitat est présent au lieu-dit la Maladière dès cette époque. Celui-ci se traduit notamment par la présence de lots monétaires avec la découverte de monnaies gauloises contenant un bronze Sénon Giamilos Siinc (LT 7565), 6 monnaies gallo-romaines de Germanus Indutilli L et un potin lingon LT 8119 (Kasprzyk 2005, vol. 2, p. 40).

 

6.2. Haut-Empire

L’occupation du site de la Maladière se poursuit à cette époque. Nous pouvons peut-être y voir ici la présence d’une station routière située sur la voie Autun-Besançon, à la vue de l’étendue des vestiges, selon les auteurs anciens. Les découvertes céramiques et monétaires sont d’ailleurs assez nombreuses à cet endroit avec quelques tessons de sigillée de la Graufesenque (avec les estampilles de Licinus, Rusticus et Passenus) et des monnaies de Domitien, Vespasien, Commode, Sévère Alexandre… etc, une bague en fer avec une intaille en pâte de verre/nicolo représentant une Victoire (IIe siècle).

Les indices d’un habitat sous le centre-ville actuel de Beaune restent quant à eux très ténus puisque le secteur a visiblement été fortement remblayé avant la construction du castrum au Bas-Empire.

 

6.3. Bas-Empire

Le castrum reste à l’heure actuelle l’élément le plus connu de cette agglomération. Celui-ci voit certainement  le jour dès la fin du IIIe siècle, ou au tout début du IVe siècle. Sa localisation par rapport à l’agglomération du Haut-Empire est incertaine puisque celle-ci reste à l’heure actuelle hypothétique. En tout état de cause, il va succéder à l’habitat (groupé ?) de la Maladière. Les fondations du castrum et une partie de son élévation vont réutiliser en grande quantité les éléments architecturaux des monuments du Haut-Empire en ruines. Seuls ces démantèlements et les inscriptions retrouvées ici et là nous permettent de pouvoir un peu mieux caractériser l’occupation du site à cette époque.

Les monnaies provenant de l’Antiquité tardive sont encore nombreuses sur le site de la Maladière. Avant 1868, a été découvert un « lot d’une trentaine » de monnaies « exclusivement de Constantin à Théodose ». On note également la découverte en 1907-1908, d’une fibule ansée qui « rappelle en petit les bijoux de Brochon » [fin du Ve – début du VIe siècle] « et de la Rochepot ; la queue est en tête de lézard marquée de deux yeux, la tête s’irradie en cinq appendices arrondis frappés d’un cercle ; trois autres cercles ponctués au centre terminent la courbe centrale ; le tout fut argenté sur bronze, il n’y manque que la broche et les ressorts. On a aussi trouvé une agrafe de la même époque et du même métal, de forme carrée et munie de son crochet (…) ». Sommes-nous là en présence d’une occupation dans la continuité de celle du Haut-Empire ou seulement d’indices de fréquentation dus à la voie Autun-Besançon ?

 

6.4. Haut Moyen Age

Le castrum, lui, est visiblement toujours occupé durant le haut Moyen-Age puisque certains murs découverts lors des sondages réalisés en 1991 attestent de cette présence. Cette occupation va être accompagnée de la création d’une importante nécropole mérovingienne à l’est, fondée au VIe siècle, vers l’église Saint-Etienne. Le secteur occidental de la nécropole, situé à proximité de l’église Saint-Etienne, se caractérise par la présence de nombreuses sépultures dont la datation s’échelonne des VIe – VIIe siècles ap. J.-C. Les sépultures les plus anciennes sont des sarcophages en grès rectangulaires ou trapézoïdaux, et des inhumations dans des coffrages formés de dalles en calcaire. Ces sépultures n’ont livré aucun mobilier, mais sont attribuées aux VIe-VIIe siècles. Grâce à cette concentration, on peut supposer la présence d’un premier lieu de culte sous l’église Saint-Etienne. La nécropole est alors occupée jusqu’au XIIIe siècle.

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

Le dossier de l’agglomération, ou des agglomérations antiques de Beaune, reste un dossier difficile à étudier du fait du peu de données disponibles et du recouvrement urbain actuel. Par conséquent, au lieu-dit la Maladière semble se développer dès la Tène D un habitat assez conséquent avec la présence d’un artisanat du fer et d’une probable nécropole. D’une part, la localisation des structures reste très approximative puisqu’il s’agit essentiellement de découvertes anciennes, et d’autre part, la nature de cette occupation reste aujourd’hui inconnue. Il est ainsi difficile de dire si nous sommes là en présence d’un habitat groupé, possible station routière comme peuvent l’attester certains auteurs anciens, ou s’il s’agit simplement d’une importante villa, comme celle des Perrières au sud ( ?). Cet habitat, semble toutefois se développer jusqu’aux IVe-Ve siècles au moins grâce à la découverte de lots monétaires de ces périodes. Une autre agglomération pourrait prendre le relais de celle de la Maladière, cette fois-ci située sur la rive de la Bouzaise, plus au sud. Celle-ci est cependant mal localisée, même si on peut supposer que son cœur se trouvait sous le castrum du Bas-Empire. Probablement dès la fin du IIIe siècle ou au tout début du IVe siècle, l’agglomération antique se rétracte autour d’un noyau urbain très réduit, d’une surface d’à peine 2 hectares. Le castrum constitue l’élément le plus connu de l’agglomération de l’Antiquité tardive. L’habitat et l’organisation spatiale de ces ensembles restent les grandes inconnues. L’enceinte tardo-antique semble toujours occupée durant le haut Moyen-Age et constitue maintenant le centre de la ville médiévale qui va peu à peu se développer jusqu’à sortir de cette muraille.

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Les données restent malheureusement très lacunaires concernant l’agglomération antique de Beneuvre. De plus, maintenant, du fait de la superposition des villes antiques et modernes, il paraît totalement impossible de mener de nouvelles recherches sur le site. Seules des opérations archéologiques préventives accompagnant les constructions récentes pourraient nous permettre de compléter nos informations.

 

 

9. Bibliographie

 

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Provost et alii 2009 : PROVOST (M.) – Beaune, Carte Archéologique de la Gaule : La Côte d’Or 21/2, Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, 2009, p..

 

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Loïc Gaëtan

Illustrations Beaune