1. Localisation et emprise connue de l’occupation
La commune d’Osselle est située à 30 km au sud-ouest de la capitale de cité des séquanes, Besançon-Vesontio. Son territoire est traversé par la voie principale de Besançon à Lyon, dont le tracé, en majeure partie reconnu en milieu boisé, s’étend sur une vingtaine de kilomètres. Il franchit un espace qui se partage entre la plaine alluviale du Doubs au nord, l’extrémité orientale de la forêt de la Chaux et la plaine de la Loue au sud.
Le secteur se distingue par une occupation gallo-romaine très dense, débutant dès la Tène finale, voire auparavant, à la hauteur de la commune d’Osselle, et qui se prolonge dans le haut Moyen Âge. On constate la présence de divers bâtiments, dont plusieurs villae et de vestiges d’activités funéraires (mausolée et incinérations). À cela s’ajoutent diverses occupations, en particulier des activités artisanales de la terre et du métal, un possible site défensif et enfin des dispositifs de franchissement de rivières recensés de part et d’autre de la voie. La densité de l’occupation et la variété des activités reconnues le long de ce tracé interpellent tant elles sont de loin supérieures à ce qu’on a coutume d’observer sur ce territoire.
2. Cadre naturel
2.1. Topographie, Géologie
Située dans la vallée du Doubs, en aval de Besançon, à quelques kilomètres en amont de Saint-Vit, la commune d’Osselle s’étend au cœur d’un large méandre de la rivière qui serpente entre les collines calcaires. Ce secteur géographique est implanté dans la partie septentrionale du Jura externe d’un point de vue structural. Les terrains géologiques sont dominés par la présence de formations d’âge jurassique, plissés et faillés selon deux directions : nord-est/sud-ouest au nord de l’agglomération et nord/sud au sud de celle-ci. La topographie de cet espace est gouvernée par la lithologie des terrains environnants. En effet, l’allure de ce méandre résulte de deux compositions sédimentaires différentes. À l’est et à l’ouest d’Osselle, la vallée est étroite, le Doubs recoupe à ce niveau les anticlinaux de Courtefontaine et de Torpes, à cœur Bathonien (J2) et Bajocien (J1c), composés de calcaires compacts ou oolithique, beaucoup plus résistants à l’érosion. En revanche, au sud du village, la vallée s’élargit et le méandre peut étendre sa boucle dans un espace plus vaste (2 km environ), grâce à la présence de terrains plus tendres, marnocalcaire du Callovien (J3b-4) et de l’Oxordien (J4), permettant ainsi le dépôt d’alluvions calcaires récentes (Fz).
Le paysage qui en découle est donc constitué de deux entités géomorphologiques distinctes. Une plaine alluviale moyennement étendue, délimitée par une boucle de la rivière et le canal Rhin-Rhône, et enveloppée dans un ensemble de reliefs boisés qui culminent au nord entre 350 et 380 m, tandis qu’au sud, ils prennent une plus faible amplitude (280 m en moyenne). Les formations superficielles sont composées d’argiles à la partie supérieure et de galets enrobés d’argiles sur 4 à 7 m d’épaisseur au nord, de graviers, sables et grèves calcaires au sud. La stratigraphie de ces recouvrements n’est pas connue dans le détail. Elle alterne limons bruns à rares galets entre 0,2 et 0,8 m de profondeur, et se poursuit en profondeur avec des sables fins ocre roux, ocre jaune, gris, gris vert, gris bleu plus ou moins limoneux.
2.2. Hydrographie
Les séquences de rivières à méandre sont positives, avec des divagations de chenaux méandriformes et colmatages de limons d’inondation abandonnés après le recul de crue qui se traduisent dans le paysage, par des ondulations de laisses formant des séries de crêtes et de dépressions dans le sol. La chronologie de ces paléochenaux n’est pas davantage maîtrisée, mais connaît vraisemblablement plusieurs phases d’activité qui peuvent avoir un impact sur l’implantation antique ou à défaut, la contraindre dans l’aménagement de ce territoire.
3. Etat de connaissances
3.1. Sources
La boucle d’Osselle, de par sa proximité avec Besançon, a vu passer nombre d’archéologues régionaux depuis le milieu du XVIIIe siècle. Ils livrent tour à tour des descriptions des vestiges, publiées généralement au sein de la Société d’Emulation du Jura et dans les Mémoires de l’Académie de Besançon (Clerc 1847, Delacroix 1856 et Feuvrier, fonds ms.). La commune est dénommée Auricella, la ville d’Or, d’après une étymologie fantaisiste dérivée du nom de la commune Auriscelle, en 1179. La découverte de nombreuses monnaies depuis le XVIIIe siècle ajoute à cette tradition. Dès cette époque, du matériel archéologique est déposé au musée des Beaux-arts et d’Archéologie de Besançon, comme l’indiquent les registres d’entrée. Le site apparaît régulièrement dans la littérature archéologique jusqu’au début des années 1970, date à partir de laquelle les recherches reprennent ponctuellement sous l’impulsion des membres de la direction des antiquités historiques, dont les résultats sont régulièrement publiés sous forme de notices dans la revue Gallia. Des surveillances de travaux et des sondages sont réalisés, en particulier sur la villa de La Bourelle (Odouze 1972, 1974) qui apparait dans les textes depuis le XIXe siècle. Des prospections se succèdent également en différents points de la commune (Jeannin 1976 ; Odouze dans les archives du SRA), notamment lors des phases d’extension de la sablière, permettant des observations sur l’occupation de cette plaine alluviale. Les prospections aériennes complètent ces observations et livrent en particulier le plan partiel d’au moins deux bâtiments antiques (Goguey 1976). Les prospections au détecteur à métaux densifient aussi significativement les points de découverte sur le territoire communal et apportent des précisions chronologiques (Mosca 2002-2005). Ces interventions annuelles ont contribué également à limiter le pillage systématique des sites grâce à la présence récurrente des archéologues amateurs et professionnels sur le terrain. Les années 1990 voient la mise en œuvre des premiers diagnostics archéologiques, d’abord par le Service Régional de l’Archéologie, suivant ainsi l’agrandissement de la sablière (Urlacher, 1999), puis par l’institut public Inrap tout récemment (Jaccottey 2011 ; Billoin 2014).
3.2. Historique des recherches
Malgré cette succession d’interventions, il reste difficile de comprendre dans le détail la dynamique de l’occupation humaine du méandre. En effet, les données anciennes sont peu exploitables et restent relativement superficielles. Par ailleurs, une partie de la documentation semble avoir disparu. Finalement, ce sont les prospections amorcées dans les années 1990 qui livrent les premières informations pertinentes mais elles ne permettent toutefois pas d’appréhender finement l’occupation, en termes d’emprise des sites, d’activités pratiquées et de chronologie. Les derniers diagnostics réalisés apportent de ce point de vue un éclairage beaucoup plus précis mais ponctuel. Les opérations menées en 2015, focalisées sur les aménagements situés en bordure du Doubs et dans son lit, ainsi que sur l’étude du matériel issu des prospections engagées dans le secteur de la villa de La Bourelle, ont donné des résultats intéressants mais moins riches que ce qu’on était en droit d’espérer.
4. Organisation spatiale
4.1. Voirie
La voie antique de Besançon à Lyon traverse la commune d’Osselle au centre du méandre du Doubs, selon un itinéraire en grande partie repris par la Route Départementale 12 au nord-est, dans le Bois de la Pérouse, d’où un embranchement se dirige vers Routelle et Saint-Vit, au nord-ouest. Un tronçon est bien visible sur une longueur de 240 m par une levée de terre d’environ 1,40 m de hauteur et de 12,5 m de largeur (3,60 m sur l’élévation). Elle traverse la plaine alluviale et franchit la rivière au Reculot. De là, elle contourne légèrement la colline du Châtelard et se dirige vers Arc-et-Senans. Son tracé en forêt est particulièrement visible sous la forme d’une surélévation de pierres et de graviers bordée de vestiges antiques de part et d’autre, et ce sur une distance de plusieurs kilomètres. À sa sortie de la forêt, sur Arc-et-Senans, le toponyme Bois de la Pérouse la signale encore une fois. Elle est figurée sur la carte IGN sous le nom de Levée Jules César et correspond à la limite des communes de Byans-sur-Doubs et Villars-Saint-Georges, au sud d’Osselle. Précisons enfin qu’elle prend le nom de Route Romaine sur la carte de Cassini.
Lors de travaux réalisés sur la route du pont d’Osselle à Villars-Saint-Georges, la voie romaine était parfaitement visible en coupe (courrier Odouze 1990). Une coupe de cette voie a d’ailleurs été réalisée au printemps 2013, lors de l’agrandissement de l’exploitation de la sablière (Billoin inédit) [UD 1]. Une saignée perpendiculaire dans la Route Départementale 13 (RD 13) a permis de l’observer et d’en faire un relevé précis. La voie, d’une largeur d’au moins 13,85 m (tronquée par des fossés de réseaux), est constituée de sept recharges successives de sables et de graviers de différents calibres, les deux recharges supérieures étant beaucoup plus épaisses, pour une hauteur totale de 1,20 m. La route actuelle reprend son tracé avec un léger décalage vers l’est. Le bord de cette voie a pu être observé de nouveau en 2014 à une centaine de mètres plus au nord, lors d’un diagnostic archéologique en bordure de la RD 13 (Billoin 2014) [UD 2]. Suivie de manière discontinue sur une cinquantaine de mètres, elle est bordée de fossés parallèles à l’emplacement d’un paléochenal, partiellement comblé à cette époque, de deux structures métallurgiques et d’une fosse d’enfouissement d’une carcasse animale. Ces deux fossés livrent de la tuile antique (tegulae et imbrex), des pierres calcaires de pavement quadrangulaires, des moellons et un fragment de moulure en marbre blanc.
Ce tracé joue un rôle particulier dans le développement et l’organisation de l’occupation antique. En 1756, Chevalier, l’historien de Poligny, décrit la voie romaine qui traverse Osselle, et indique, à l’endroit où elle enjambe le Doubs, « l’emplacement d’un pont romain, dont les piles sont encore visibles par les eaux basses : la tête en avait été fortifiée, c’est ce qu’indique un terrain en deçà de la rivière, (rive gauche du Doubs) voûté par-dessous et environné de fossés » (Chevalier 1756). Elle est décrite par Perreciot en 1778, puis par Clerc en 1838 dans son article « Les ruines de la ville d’Or », où il précise que « sur l’étendue d’une lieue, un ensemble de débris romain que l’on trouve rarement réunis : habitations, médailles, aqueduc, pont, chaussée, retranchement » (Clerc 1838). Une description du tracé de la voie antique qui sera ensuite reprise par la plupart des auteurs.
Le franchissement de la rivière s’effectuait sans doute par un pont localisé non loin du lieu de franchissement moderne, au lieu-dit le Pont de Reculot. Cet ouvrage est mentionné par les auteurs anciens qui signalent une culée de pont romain. Des pierres travaillées, qui affectent pour certaines une forme quadrangulaire et pour d’autres un demi-cercle, sont présentes sur la berge de la rive gauche du Doubs, en aval du pont actuel, et pourraient effectivement provenir d’un ancien tablier de pont. Ce « pont de Orselle sous Abbans » est signalé par Guillaume d’Abbans dès 1272. À cette époque, Osselle relève de la seigneurie du Château-devant d’Abbans et la traversée du Doubs est assurée par un bateau. Une situation qui perdurera jusqu’au XIXe siècle, en raison du mauvais état du pont. Un nouveau pont fut installé en 1857, puis remplacé en 1913. Il sera détruit en 1944 et de nouveau remplacé par un pont provisoire jusqu’en 1960, date de la construction du pont actuel (Dictionnaire des communes 1986).
4.2. Le bâti
Toujours au niveau du pont, un aménagement allongé de plusieurs dizaines de mètres de longueur est parfaitement visible dans le lit de la rivière et se déploie selon une orientation de biais par rapport aux rives actuelles. Cette forme se révèle peu compatible avec un franchissement de cours d’eau. L’ouvrage est constitué de nombreux piquets et poteaux enfoncés dans la rivière, pour certains de biais, qui retiennent de la blocaille calcaire. Ils correspondent peut-être à un dispositif de pêcherie ou de maintien de berge [UD 4]. Cet aménagement peut toutefois avoir protégé de l’érosion un gué.
Au-delà du pont, sur le territoire communal de Byans-sur-le-Doubs, Chevalier décrit en 1756 un terrain « environné de fossés en deçà de la rivière ». On constate la présence de reliefs artificiels encore parfaitement visibles aujourd’hui mais qui doivent vraisemblablement être mis en relation avec les aménagements liés à l’ancien moulin et Martinet de Reculot qui apparait sur la carte d’Etat-major. Par ailleurs, des travaux réalisés par la DDE sur la route du pont d’Osselle à Villars- Saint-Georges ont mis au jour des vestiges gallo-romains assez importants dans le fossé de la route, et ce sur 150 m de longueur. En complément, un mur construit en petits moellons est apparu en rive gauche du Doubs ainsi que des indices d’incinération « très probable » [UD 5], alors que la voie romaine était parfaitement visible en coupe [UD 6] (courrier Odouze 1990).
Plus loin vers le nord, Au Châtelard, une enceinte située au sommet de la colline surplombant le pont et la voie a été fouillée par Delacroix en 1856 [UD 7]. Cette « maison forte » a livré de la tuile (tegulae), de la céramique variée et une monnaie gauloise en bronze d’un type commun en Séquanie (Delacroix 1856). Feuvrier ajoute y avoir trouvé un fragment de poterie grossière grise d’un gros vase paraissant pré-romain (Feuvrier fond ms.). D’après un relevé effectué au début du XXe siècle, il s’agit d’un dispositif fossoyé de 50 m de côté environ, mais un second ouvrage de défense semble exister sur la colline. Une autre enceinte dotée d’un rempart en pierre est identifiée à l’ouest du méandre, surplombant la rive gauche du Doubs, au-dessus de la ferme de La Veloupe, à 330 m d’altitude. Ce lieu est repris par d’anciennes cultures et aménagements liés à la culture de la vigne et livre de la céramique de transition Hallstatt/second âge du Fer (Billoin inédit). Enfin, hors boucle, deux secteurs livrent également des vestiges de constructions antiques [UD 8 et 9].
D’autres sites archéologiques ont été signalés sur le territoire communal d’Osselle. Tout d’abord, Au Pont du Reculot, une occupation s’étend de part et d’autre de la RD13, sur les parcelles en rive droite du Doubs.
L’ensemble du secteur ouest a bénéficié d’une d’un diagnostic archéologique conduit par le SRA de Franche-Comté sur une emprise de 24 hectares, soit 160 tranchées espacées de 25 m, dans le cadre de l’extension de la sablière. Deux zones ont livré « des moellons et des tuileaux », provenant du démantèlement de la villa de La Bourelle (Urlacher 1999). Pour l’espace situé au plus proche du Doubs [UD 10], P. Mosca conclut « soit en une absence d’occupation de l’ensemble de la boucle, soit à une disparition des niveaux éventuellement occupés anciennement en raison du régime des crues de la rivière ». Une moulure en marbre blanc a toutefois été trouvée depuis à cet endroit (Mosca 2005). En ce qui concerne la zone nord au bord de la voie, le site [UD 11] est visible sur une cinquantaine de mètres par des pierres et des tuiles dans les labours, ainsi que par de la céramique et de nombreuses monnaies. Les frappes les plus anciennes sont des potins à la grosse tête, quant aux plus récentes, elles datent de la fin de l’Antiquité (Mosca 1985). Du marbre blanc et des tesselles de mosaïque en pâte de verre sont également signalés. Plus loin à l’ouest [UD 12], de la céramique (commune, sigillée, métallescente), du matériel métallique et en particulier des monnaies antiques ont été recueillies en prospection. Le diagnostic a ensuite permis de confirmer une présence « très limité en surface, [qui] indique une occupation extrêmement arasée avec tuileaux, rare céramique, faune : le niveau rencontré ne dépasse pas 0, 20 m sous la surface » (Urlacher 1999). D’un point de vue général, le diagnostic n’a toutefois pas permis de déceler une organisation claire qui mettrait en relation les différentes zones de découvertes.
En vis-à-vis immédiat, sur le côté est de la voie, des moellons, des tuileaux, des fragments de tubulure d’hypocauste, des tesselles de mosaïque, de la céramique, des fibules et un abondant monnayage de La Tène finale au IVe siècle signalent une ou plusieurs constructions (Mosca 2005) [UD 13]. Le repérage au sol a été complété par des prospections géophysiques (méthode magnétique) en 2015. Cette opération [UD 14] a mis en évidence une concentration de vestiges en bordure de voie, à l’extrémité ouest de l’emprise investiguée. L’occupation est caractérisée à la fois par des réponses fortes liées à la présence de matériel métallique et par des anomalies linéaires qui pourraient trahir la présence d’au moins une structure quadrangulaire en direction de laquelle se dirige un chemin provenant de l’est (Venault et Nouvel 2015 : 542-550). Les données ne sont malheureusement pas assez détaillées pour esquisser l’organisation des vestiges. En complément, à environ 300 m à l’est de ces parcelles, au bord du Doubs, un col d’amphore a été exhumé [UD 15] à l’occasion de la plantation d’un arbre (Mosca 1985).
Un second pôle de découvertes correspond à un vaste établissement rural gallo-romain [UD 16] de plan typique fouillé très partiellement par J.-L. Odouze de 1972 à 1976 au lieu-dit La Bourelle. Une pièce à mosaïque et un second espace disposant d’un système d’hypocauste par canaux rayonnant ont été découverts, ainsi que de nombreux fragments architecturaux en marbre. Cet établissement semble avoir été édifié au IIe siècle de notre ère. Il succède à au moins quatre occupations successives : un habitat néolithique, un niveau protohistorique, une occupation du début du Ier siècle de notre ère et les vestiges d’un habitat du Ier siècle. Le dernier état de l’établissement perdure jusqu’au IVe siècle, avant que des tombes à murettes mérovingiennes ne soient creusées dans les ruines des bâtiments. L’une de ces sépultures a livré une plaque boucle en fer du VIIIe siècle (Odouze et Cousin 1973, Odouze et Forestier 1974). Les photographies aériennes acquises par R. Goguey en 1976 permettent d’esquisser le plan de cet habitat imposant et révèlent la présence de nouvelles structures 400 m plus au sud [UD 17]. En complément des fouilles initiales, des prospections pédestres portées par P. Mosca ont permis de recueillir un lot important de moulures, de placages de marbre, de céramiques, de monnaies et d’objets métalliques (Mosca 2005, 2006). Ce mobilier a été recueilli sur une surface d’environ 12 hectares [UD 18]. Les céramiques récoltées lors ce ces opérations comptent 445 tessons, parmi ceux-ci 393 appartiennent à une large fourchette chronologique qui s’étend du Haut Empire au Moyen Âge, à cet assemblage s’ajoutent quelques reliquats modernes.
Des découvertes d’envergure plus modeste proviennent des prospections pédestres, puis des diagnostics réalisés en 2011 et 2014 au sud-est du village. Au lieu-dit Creux de Leu, une nouvelle occupation antique [UD 19] se dévoile au travers de matériaux de construction (tuiles et moellons), de céramique et de mobilier métallique concentrés sur une trentaine de mètres en bordure d’un chemin d’exploitation (Mosca 1985). Deux monnaies antiques y ont été recueillies, dont une du IIIe siècle (buste radié). Cette occupation a pu être reconnue lors du diagnostic pratiqué en 2014 sur une emprise totale de 6,6 hectares (Billoin 2014). Un bâtiment quadrangulaire de 19 m x 16,6 m pourvu de subdivisions internes a été identifié et se rattache à un établissement rural d’une superficie d’environ 5000 m2. Quant au premier diagnostic archéologique réalisé à proximité immédiate sur une emprise de 1,67 hectares [UD 20], il a permis de mettre en évidence deux paléochenaux qui contenaient quelques fragments de céramique de La Tène D (Jaccottey 2011).
Enfin, le secteur du village a également livré quelques indices archéologiques. Au lieu-dit Tombe, en bordure du canal, une occupation [UD 21] est attestée dans un labour par une concentration de tuiles (tegulae) et de moellons. Le site s’étire sur une quarantaine de mètres de long, selon une orientation nord-ouest/sud-est, pour environ 20 m de large. L’épicentre, beaucoup plus dense en matériaux de construction, suggère l’emplacement d’un bâtiment (Mosca 1985).
4.3. Nécropole
La principale référence à des activités funéraires correspond aux indices d’incinération « très probable » relevés lors de travaux en bordure de la route départementale [UD 5], au-delà du méandre formé par le Doubs au sud, sur la commune de Villars-Saint-George (courrier Odouze 1990).
Les autres indices disponibles prennent la forme de matériel archéologique versé aux collections du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon (inv. n°885.22.1 et inv. A.1078). Il s’agit de fragments de bas-relief en marbre blanc qui sont interprétés comme des éléments de sarcophage et proviendraient de la villa A Labourelle. Le premier représente un personnage en toge tenant une patère à libation au-dessus d’un autel carré d’où semblent s’échapper des flammes. L’iconographie pourrait être religieuse ou funéraire. Le décor de personnage sous un portique alternant arcades et fronton triangulaire évoque les types des sarcophages à colonnes tels que le sarcophage paléochrétien de Balazuc (Ardèche), en marbre blanc, œuvre de l’école d’Arles du IVe siècle. Dans l’arche de gauche, on voit un fragment de canthare, à droite les pattes d’un animal couché. Quant à la scène centrale, il s’agit d’une aulète ou joueuse d’aulos (double flûte). Ce type de figuration se retrouve sur des frises à thème bachique. Le thème ne semble pas évoquer un passage biblique mais la stylisation du décor incisé tend à faire penser à une œuvre de la seconde moitié du IIIe voire du Ve siècle. Dans le courant du IVe siècle, le type à colonnes se complexifie dans son ornement architectural (parfois remplacé par des éléments végétaux). L’édit de tolérance sous Gallien en 260, qui assure au christianisme la tranquillité jusqu’au tournant du siècle, permet au christianisme de gagner les classes supérieures de la société.
En complément, rappelons que dans une maison du village, une pierre sculptée lacunaire est placée en réemploi [UD 22]. Elle mesure de 18 cm x 20 cm et représente un griffon de profil tenant une pelte dans ses pattes, devant un autel. Ce motif architectural, symétrique à l’origine (un griffon de part et d’autre d’un autel), se rapporte vraisemblablement à un mausolée non localisé. Il pourrait avoir été implanté entre l’établissement rural de La Bourelle et la voie antique.
4.4. Etendue supposée et remarques
Les données archéologiques livrent l’image d’un méandre du Doubs densément occupé pendant l’Antiquité, en particulier au travers d’un noyau de peuplement qui se forme autour du lieu de franchissement, Au Pont du Reculot. En prenant un peu de recul, on constate qu’un certain nombre de sites, plus ou moins bien caractérisés, gravitent autour de ce lieu de passage et de la voie qui le dessert. Il s’agit d’au moins deux établissements ruraux, dont un de statut élevé, et d’un espace voué à des activités métallurgiques en bord de voie.
5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation
5.1. Artisanat
Deux fosses qui ont livré d’abondants déchets métallurgiques [UD 3] ont été étudiées à proximité immédiate de la voie [UD 2] et permettent de confirmer l’existence d’une activité liée au travail du métal, peut-être destinée à l’entretien des véhicules passant à proximité.
Par ailleurs, profitant d’un étiage du Doubs assez bas, un relevé topographique de pieux plantés dans le cours d’eau a été réalisé dans l’été 2015, avec l’autorisation de Voies Navigable de France [UD 4]. Ce vaste aménagement de 460 m de longueur traverse la rivière en diagonale d’une rive à l’autre, au lieu-dit Le Reculot. Large d’environ 5 m, il est constitué d’un apport de pierres calcaires grossièrement mises en forme et maintenues par un dispositif boisé, associant des pieux de différents calibres, correspondant à des grumes de 0,25 à 0,30 m de diamètre et des perches d’une dizaine de centimètres de diamètre. L’aménagement se caractérise par une file régulière de pieux disposés à l’oblique en amont, régulièrement implantés tous les 1,50 m les uns des autres, les perches s’intégrant dans chacun des intervalles plus ou moins à l’horizontale. De longues grumes sont visibles à l’horizontale, à la base et sur toute la largeur de cet apport de pierres maintenues également par des pieux verticaux. L’ensemble de cet aménagement témoigne d’un investissement d’ampleur considérable, notamment par le volume de matériaux utilisés, mais dont la fonction exacte nous échappe encore. La possibilité d’un gué peut toutefois être écartée par la longueur et l’implantation de ce dispositif, en contradiction avec l’axe de franchissement de la voie antique, situé plus à l’ouest (mais en eau plus profonde aujourd’hui). L’hypothèse d’une pêcherie peut être évoquée mais ne trouve aucun parallèle satisfaisant (Venault et Nouvel 2015 : 514-525).
5.2. Habitat domestique
Plusieurs occupations peuvent être interprétées comme des habitats avec plus ou moins d’assurance. Il s’agit évidemment du grand établissement rural de La Bourelle, de celui plus modeste reconnu au Creux de Leu et peut-être d’un troisième au lieu-dit Tombe. La situation de part et d’autre du Pont du Reculot reste confuse mais l’envergure et la densité des vestiges retrouvés pourrait suggérer la présence d’un habitat groupé niché au niveau d’un lieu de franchissement.
5.3. Vie religieuse
D’autres fragments de sculptures en marbres sont recensés dans les collections du musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon : un fragment figurant un centaure et surtout une représentation typique de divinité aquatique masculine en position allongée avec le bras gauche qui repose sur un récipient dont s’écoule un flot d’eau vive. Au-delà de l’aspect religieux, ce type d’iconographie, souvent associé au dieu Oceanus, apparaît de façon récurrente dans le décor d’habitats privés.
5.4. Installations publiques
Nous ne disposons d’aucune information relative à la présence d’installations publiques.
6. Chronologie et critères de datation
6.1. La Tène
En dehors des indices d’occupations préhistoriques révélées par des pièces éparses, et à défaut de marqueurs protohistoriques avérés (des tumulus supposés), l’occupation semble réellement débuter au second âge du Fer. Des monnaies gauloises sont régulièrement mentionnées dans la littérature archéologique, certaines sont même issues des prospections des années 2000 et peuvent être mises en parallèle avec des amphores de la période augustéenne.
6.2. Haut-Empire et Bas-Empire
Le plein développement économique de l’occupation antique semble correspondre aux IIe et IIIe siècles de notre ère. Au cours de cet intervalle chronologique, l’établissement rural de La Bourelle atteint son développement maximal [UD 16 et 18]. L’étude du mobilier issu des prospections offre des informations intéressantes sur la chronologie. Signalons dès à présent que le détail des assemblages céramiques, ainsi que les figures associées, sont disponibles dans le volume de 2014 (Venault et Nouvel 2014 : 410-434). Nous ne proposons ici que la synthèse de cette étude. Le lot de céramiques est constitué de formes du Haut-Empire et du Bas-Empire. Certaines catégories comme les gobelets à revêtement argileux, les plats et les marmites à engobe micacé fabriqués à partir de la seconde moitié du IIe siècle chevauchent les deux périodes. Le Haut-Empire est bien représenté. Les formes les plus anciennes apparaissent au Ier siècle voire à la fin du Ier siècle avant, il s’agit des amphores Dressel 2/4, Dressel 12. Les formes des IIe et IIIe siècles sont les plus abondantes et sont représentées par des amphores gauloises 3/5, Dressel 20. Les sigillées de la Gaule du Sud, de l’Est et du Centre, les jattes à collerettes, à marli, à bord rentrant et les pots à col cannelé appartiennent également à cette période. Les jattes à décor guilloché, et Chenet 323A sont caractéristiques du Bas-Empire. La jatte Chenet 323A est attestée du premier quart du IVe siècle à la première moitié du Ve siècle (Seguier Morize 1996 : 171). La céramique luisante est importée de Savoie où plusieurs ateliers ont été découverts, parmi ceux-ci Portout sert de référence pour la typologie, les productions de cet atelier sont datées du Ve siècle (Pernon 1990 : 90). En Franche-Comté, les ensembles de céramiques des IVe et Ve siècle en contexte d’habitat sont assez rares, et seulement représentés dans quelques sites comme la fortification du Bas-Empire à Mandeure (Mouton 2007 : 423), des bâtiments de la pars rustica de la villa de Burgille dans le Doubs ou le site de hauteur de Menétru-le-Vignoble dans le Jura (Humbert 2011).
L’étude de l’instrumentum est en cours, toutefois, une fibule cruciforme en bronze est à noter pour cet établissement. Il s’agit d’une production de type Feugère 21b qui coïncide avec la période 350/380. De tels accessoires vestimentaires sont peu fréquents et souvent mis en relation avec une présence de militaires.
Au surplus, les prospections révèlent un très beau panel de roches et de marbres qui soulignent l’extraordinaire prospérité des propriétaires. On y retrouve le répertoire classique des roches méditerranéennes (Afrique du Nord, Egypte, Grèce, Turquie et Italie), mais aussi des roches de la ciuitas éduenne (région bourguignonne) et enfin des roches locales de la ciuitas séquane. La dominante verte est bien représentée mais l’ambiance générale semble très colorée, ce qui nous oriente sur une datation a minima du règne d’Hadrien (avec l’importation du Chemtou) voire même de la seconde moitié du IIe siècle. Le statut social élevé du propriétaire de la villa ne fait aucun doute au regard des roches coûteuses employées (Porphyre, Afyon, Chemtou) et du raffinement lié à la mise en œuvre d’opus sectile.
Si nous nous tournons maintenant vers le matériel céramique présent dans les deux fosses associées à une activité métallurgique [UD 3], il est possible de distinguer deux ensembles. Le premier compte des amphores représentées par des fragments de panse et une anse d’amphore à vin gauloise de type G3/5. La sigillée de la Gaule de l’est compte trois fragments de panse de bol Drag. 33. À ceci s’ajoute une jatte à collerette en commune claire à pâte fine. Les jattes à collerette apparaissent dans les contextes claudiens à Besançon et perdurent au IIe siècle (Humbert 2011 : 127). L’élément le plus récent qui donne la date de constitution de ce remplissage est le bol Drag. 33 diffusé aux IIe et IIIe siècles.
Le second ensemble totalise cinquante-trois fragments parmi lesquels treize individus minimum ont été dénombrés. Les amphores sont représentées par des fragments d’amphore à huile de Bétique Dressel 20 dont un fragment d’anse sciée avec timbre incomplet. La sigillée de la Gaule de l’est compte deux fragments de coupe de type Chenet 320. Le répertoire de la vaisselle à engobe micacé est composé de couvercles et de pots à col cannelé. Les communes sombres comprennent une série de jattes à pâte sombre à fin dégraissant calcaire parmi lesquelles on distingue trois types : une jatte à marli, une jatte à bord rentrant à moulure externe et une imitation du type Alzey 28. À ceci s’ajoute un pot ovoïde à gros dégraissant avec décor d’incisions ondées sur la panse. La céramique à pâte sombre fine est représentée par un pot à bord en bandeau. Ce tesson est intrusif dans ce niveau, mais témoigne d’une utilisation prolongée de la voierie. Des pots à bord en bandeau ont été découverts dans le Jura à Lons-le-Saunier, au Puits Salé daté du XIe siècle et dans l’Ancien Castrum daté du XIIe siècle (Goy et Humbert 1995 : 21 et 53). Ces pots sont également attestés à la même époque à Arbois, Quintigny (Simonin 1995 : 43) et Vriange (Jaccottey 2009 : 52). L’assemblage céramique de ce remplissage est caractérisé par la présence d’une coupe de type Chenet 320 et d’une imitation du type Alzey 28. Ces formes sont datées du Bas-Empire (Brulet et al. 2010 : 418). La série de jattes à pâte sombre à fin dégraissant calcaire montre une forte parenté avec les récipients des contextes IVe et Ve siècle des bâtiments de la pars rustica de la villa de Burgille dans le Doubs (Humbert inédit).
En ce qui concerne l’habitat du Creux de Leu [UD 19], la chronologie de cette occupation s’étend de la fin du IIe au IVe siècle de notre ère. Les vestiges témoignent d’un second état de construction peu évident à déterminer lors de l’intervention. On retrouve de l’outillage en fer dans ce qui paraît être un modeste bâtiment voué selon toute apparence à des activités agro-pastorales. Un petit ensemble céramique en a été extrait. La céramique à revêtement argileux est représentée par des gobelets tronconiques à décor guilloché de type Niederbieber 33. Le répertoire de la céramique à engobe micacé est composé d’assiettes et de plats à bord rentrant. Le lot a également livré une jatte à collerette en commune sombre fine. Quant aux communes sombres, elles comprennent trois pots à bord déversé à gros dégraissant coquillier. L’assemblage céramique de ce remplissage est caractérisé par la présence gobelets tronconiques à guillochis de type Niederbieber 33. Ces importations sont associées aux productions régionales de la fin du IIe au IVe siècle comme les pots à bord déversé à pâte sombre à dégraissant coquillier et les céramiques à engobe micacé.
6.3. Haut Moyen Age
Le IVe siècle ne signale pas de rupture majeure, au contraire, puisqu’il est particulièrement bien représenté sur deux sites qui connaissent une continuité de l’occupation jusqu’au Ve siècle au moins.
Le site du Reculot, en bordure du Doubs, se prolonge à l’époque mérovingienne et aux Xe-XIIe siècle, peut-être en raison de sa situation privilégiée de franchissement de rivière. Cette continuité de l’occupation en lien avec un pôle antique est suffisamment rare pour être soulignée, d’autant qu’une permanence topographique est également relevée sur l’établissement rural de La Bourelle au travers de l’implantation de sépultures du haut Moyen Âge.
Pour ce second site, les productions alto-médiévales sont représentées par vingt-deux fragments de céramique claire bistre parmi lesquelles on distingue un bol caréné, une anse de cruche, deux bords de pot à lèvre déversée et un pot à gorge interne. Quelques fragments de panse portent des décors à la molette constitués de lignes de rectangles juxtaposés ou de bandes de triangles et losanges. Au surplus, on constate la présence de deux fragments de gobelet tripartite à pâte sombre fine dont un avec décor à la molette de bandes de rectangles juxtaposés. Les céramiques bistres apparaissent dans les premières décennies du Ve siècle en région Rhône-Alpes et perdurent jusqu’au début du VIIIe siècle en Bourgogne et en Suisse (Faure-Boucharlat 2001 : 263), alors que les gobelets tripartites apparaissent au VIe siècle en Franche-Comté (Mathiaut- Legros 2006 : 197). En Franche-Comté, les vases à fond bombé en céramique à dégraissant coquillier se trouvent dans des contextes datés du Xe au XIIe siècle en Haute-Saône à Villersexel (Dunikowsky 2011 : 99) et Vellechevreux (Peytreman 2002 : 333) ou dans le Jura à Vriange (Jaccottey 2009 : 52). Dans le Territoire de Belfort, on les retrouve à Bourogne (Billoin 2006 : 26) et Châtenois-les-Forges dans un contexte d’habitat daté par trois C14 du milieu du XIIe au XIIIe siècle (Billoin 2014 : 162).
Enfin, la datation dendrochronologique de l’aménagement reconnu dans le lit du Doubs [UD 4] ne s’est pas révélée aussi concluante qu’attendu. Dans une situation aussi contraignante (45 cernes, 4 séries individuelles), la qualité des résultats peut paraître en faveur de la date proposée pour les vestiges de 1674 – la cohésion spatiale de l’information est mieux respectée et la réplication est de meilleure qualité sans être absolument suffisante mais le déficit de données de référence pour le VIe siècle induit peut-être la mauvaise réplication. Sur cette argumentation, la date de 1674 est alors proposée avec un risque d’erreur élevé. Sa justification définitive apparaît dépendante soit de l’augmentation du nombre de cernes et d’individus soit d’une datation par radiocarbone.
Les séries de largeurs de cerne d’une sélection de pieux sont relativement similaires (coefficients de corrélation max 0,9, moy 0,59) et il est probable que l’ensemble provienne d’une seule récolte. S’il est admis que le cerne le plus récent de la chronologie date de 1674, cette date ne correspond pas à celle de l’abattage des arbres, car il est en bois de cœur. La date est donc post-quem et sans observation d’aubier, il est impossible de fournir une estimation ante-quem. Il est tout de même probable que les arbres furent récoltés avant la fin du XVIIe siècle, car généralement les arbres assez jeunes à forte croissance présentent un aubier plutôt moins riche en cernes que la moyenne (Venault et Nouvel 2015 : 514-525).
7. Synthèse sur la dynamique d’occupation
Les nombreux indices d’occupation repérés dans la boucle d’Osselle permettent donc de différencier deux grands ensembles. D’une part, une constellation d’occupations plus ou moins bien caractérisées en léger retrait par rapport à la voie. Au premier plan, vers le nord-ouest, se distingue le vaste établissement rural antique de La Bourelle dont le fort statut est concrétisé dans le marbre à partir du IIe siècle. Il se situe comme de juste en retrait de la voie entre Besançon et Lyon, au bord du Doubs. À la même période, un établissement plus modeste est établi de l’autre côté de la voie, au Creux de Leu. La nature et la fonction des autres occupations repérées se révèlent plus difficiles à établir.
D’autre part, un noyau de peuplement est implanté à un point de franchissement du Doubs, Au Pont du Reculot. Bien que de taille réduite, cette entité rassemble des éléments archéologiques qui confirment une fréquentation longue, depuis la période laténienne jusqu’au début du Moyen Âge. Seul le site de La Bourelle trahit une chronologie analogue même si la nature des occupations pour les phases précoces ne ressort pas clairement. On peut toutefois évoquer un habitat du Ier siècle qui précèderait la mise en œuvre de l’imposante villa. Les découvertes de mobilier au niveau du pont se répartissent de part et d’autre de la voie antique et se développent à proximité d’un gué sur le Doubs. Bien que cette installation semble d’une faible étendue, un ou deux hectares seulement, la proximité des vestiges avec la voie pourrait être le témoin d’une petite agglomération routière. Au-delà de son articulation évidente avec le réseau viaire et sa fonction de lieu de franchissement, on peut envisager la présence d’espaces funéraires antiques en périphérie : peut-être une nécropole non loin de la voie au sud du pont et sans doute au moins un monument funéraire non localisé lié à la villa de La Bourelle (mausolée ?). Les modestes indices d’activités artisanales apparaissent à une distance respectable du noyau de peuplement et sont peut-être à mettre en relation avec l’établissement rural du Creux de Leu car la chronologie d’apparition des deux sites est relativement synchrone, a priori au IIe siècle. Autant d’indices qui arguent de nouveau en faveur du dynamisme de la zone à cette période.
La transition vers le haut Moyen Âge ne semble pas se traduire par une rupture. Au contraire, on remarque une continuité de l’occupation pour les deux principaux pôles de peuplement : à la villa de La Bourelle, au travers notamment d’activités funéraires, et dans le secteur du Pont du Reculot dont la persistance n’est sans doute pas étrangère à sa situation privilégiée de point de franchissement de la rivière.
8. Perspectives de recherche
Il serait certainement intéressant d’intensifier les recherches vis-à-vis du développement vers l’est du pôle de peuplement situé au Pont du Reculot. Les indices livrés par les prospections pédestres et géophysiques n’ont fait qu’effleurer l’occupation de la zone, au niveau de ce qui semble être l’extrémité sud de son extension. Il est très probable que d’autres entités archéologiques se déploient plus au nord, en vis-à-vis des découvertes effectuées de l’autre côté de la voie. Sans prétendre pouvoir obtenir un schéma d’organisation précis des vestiges, alors que ces informations sont déjà élusives dans les secteurs investigués auparavant, nous pourrions obtenir une meilleure idée de l’envergure réelle de cette implantation.
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