Allerey-sur-Saône / Gergy (Saône-et-Loire)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Située au nord de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), sur le passage à gué de la voie d’Agrippa Chalon-Langres sur la Vandaine, la concentration de vestiges antiques repérés à hauteur des communes d’Allerey-sur-Saône et Gergy pourrait laisser imaginer la présence d’une petite agglomération de bordure de voie inédite. Cette dernière est située à mi-distance entre les agglomérations de Palleau et de Chalon-sur-Saône, là où la voie d’Agrippa passe au plus près de la Saône, en aval de Verdun-sur-le-Doubs. La nature des découvertes et la position géographique de cet établissement sont pour l’instant les seuls indices permettant d’étayer cette hypothèse, puisqu’aucune autre recherche ne vient confirmer cette présence.

 

 

2. Cadre naturel

 

L’établissement d’Allerey-sur-Saône semble posséder les mêmes caractéristiques que celui repéré à Palleau, plus au nord. Il est ainsi installé à un passage à gué sur une rivière affluente de la Saône, la Vandaine. Le site se retrouve à une altitude moyenne de 180 m, à environ 1 km de la Saône.

 

 

3. Etat des connaissances

 

Les recherches sur le site sont très peu nombreuses et se résument essentiellement à quelques découvertes fortuites au grès des travaux agricoles ainsi que quelques prospections pédestres réalisées dans les années 1960.

Le site est pour la première fois détecté en 1965 lors d’une prospection pédestre ayant pour but de repérer le tracé de la voie d’Agrippa entre Châlon et Palleau par A. Guillot. A la suite de cette découverte, deux sondages sont réalisés à proximité immédiate de la rive droite de la rivière (UI n° 7). Sans révéler de structures, ces sondages mettent au jour un mobilier assez abondant. La découverte de mobilier antique dans le creusement d’une mare à Osnay en 1923 (UI n° 8), ainsi que les prospections pédestres autour du gué de la Vandaine permettent alors de mieux cerner le site (Guillot 1966). En 1973, la surveillance de travaux accompagnant la mise en place d’un gazoduc, apporte de nouveaux éléments sur l’environnement archéologique du site. Un nouvel établissement est ainsi découvert à l’est, sur le rebord de plateau dominant la Saône, au Grand Mont (UI n° 10 : Guillot 1974).

Depuis ces quelques observations, le site n’a plus fait l’objet de recherches. Néanmoins, les dernières orthophotographies de l’IGN en 2010 (UI n° 6) permettent très certainement d’observer pour la première fois, au moins un bâtiment en bordure de voie, au lieu-dit Champ Chignard.

 

 

4. Organisation spatiale

 

Du fait du manque de données, l’organisation spatiale de l’établissement antique du gué de la Vandaine n’est pas connue.

 

            4.1. Voirie

Le site est toutefois traversé par la voie d’Agrippa qui relie Châlon-sur-Saône à Langres, via Dijon (UD n° 7). La voie antique passait à l’ouest des villages d’Allerey-sur-Saône et de Gergy. Le château d’eau d’Allerey a été construit sur son tracé pendant la Première Guerre Mondiale. Au lieu-dit La Croix de Pierre ont été observés des vestiges peu importants de cette voie qui a aujourd’hui en grande partie disparu (Armand-Calliat 1937, p. 82-83). Elle n’est représentée que par quelques tronçons de chemins, mais apparaissait encore très bien dans le paysage jusque dans les années 1970, avant les remembrements agricoles. Dans sa traversée du site du Gué de la Vandaine, cette voie doit sans aucun doute servir d’axe directeur au bâti.

 

            4.2. L’hypothèse d’une agglomération antique

Les traces de bâti repérées par photographie aérienne sont très ténues et n’apparaissent qu’au nord du gué. Un seul bâtiment est ainsi visible, en bordure occidentale de la voie d’Agrippa (UD n° 1). Toutefois, les observations au sol permettent de mieux appréhender l’étendue du site alors situé de part et d’autre du gué sur la Vandaine (UD n° 2).

Outre une occupation du premier âge du Fer repéré à cet endroit, les diverses opérations de prospection et de sondage révèlent un établissement antique, semble-t-il, assez modeste. D’autres découvertes réalisées dans les environs de ce site permettent d’étayer l’hypothèse d’une agglomération de bordure de voie. Ainsi, juste au nord du gué, au lieu-dit La Cloche (aujourd’hui Les Perrets, section ZP) ou Pré de Saint-Germain (lieu-dit disparu lui aussi traversé par la voie, aujourd’hui La Troche), on mentionne encore la découverte ancienne d’un bas-relief d’Epona (Rebourg 1994, p. 476) et de diverses substructions, alimentant l’hypothèse du développement à cet endroit d’un petit habitat groupé de bord de voie. De l’autre côté du ruisseau, au lieu-dit Champ des Noyers (commune de Gergy), A. Guillot a aussi noté la présence de nombreuses constructions antiques repérées lors des travaux du gazoduc (marbre, hypocauste…) (Guillot 1974 ; 1993). Il est toutefois possible que ces dernières découvertes, situées plus à l’est de la voie, en bordure de Saône, appartiennent à un établissement rural distinct (UD n° 3, 4).

 

4.3. Nécropole

Aucune nécropole antique n’a été découverte en marge de l’habitat jusqu’alors.

 

4.4. Etendue supposée et remarques

Il est aujourd’hui difficile de délimiter l’occupation du Gué de la Vandaine à cause d’une documentation trop ancienne. Les vestiges pourraient néanmoins s’étendre sur une longueur de 500 m.

 

 

5. Nature et caractérisation de l’occupation

 

Là aussi  le manque de données récentes rend difficile toute interprétation de la nature de l’occupation. La découverte de placage de marbre ou de pilettes d’hypocaustes trahit l’existence d’un habitat. La mise au jour de quelques scories pourrait également démontrer la présence d’un travail du fer au sein de l’établissement.

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de fouilles et de prospections d’envergure, la chronologie d’occupation du site reste mal connue.

 

6.1. Haut-Empire

Le site de bordure de voie, d’après les collectes d’A. Guillot (1993), démontre une occupation durant le Haut-Empire, du Ier au IIIe siècle. « On note de nombreux tessons de vases ovoïdes, d’assiettes à fond plat, de vases tripodes, de mortiers, etc… datables des Ier, IIe et IIIe siècle. […] Des tessons de céramiques métallescentes ont été également recueillis, mais en moindre quantité. Notons enfin un fragment (le dos) d’une petite Vénus en « Terre blanche de l’Allier » » (Guillot 1993, p. 36-38). Parmi les monnaies mises au jour, nous trouvons un as de Marc-Aurèle et un sesterce de Faustine II (épouse de Marc-Aurèle). Dans le sondage pratiqué en bord de rivière (environ 1 m²), au moins 7 fibules ont été découvertes. Quatre dont à ressort protégé dont deux de type à queue de paon (première moitié du Ier siècle ap. J.-C.), deux de type à arc continu (milieu Ier siècle ap. J.-C.).

 

6.3. Bas-Empire

Aucune trace d’occupation n’a été décelée lors des prospections au sol pour la période du Bas-Empire. Néanmoins, le site présent à l’est du passage à gué, présente du mobilier allant jusqu’au IVe siècle. Des remplois mérovingiens ont également été notés sans plus de précision.

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

La région de la confluence Saône-Doubs, à hauteur de Verdun-sur-le-Doubs et Allerey-sur-Saône, a très tôt attiré les occupations humaines, et ce essentiellement depuis la période hallstattienne comme le prouvent les sites de Bragny-sur-Saône ou de Verdun. Au début de notre ère, la mise en place du réseau antique d’Agrippa voit l’apparition d’un grand nombre d’établissements ruraux, et peut-être même d’un site d’habitat groupé en bordure de voie à hauteur du passage à gué sur la Vandaine. Dès les premières observations en 1965-1966, A. Guillot souligne le caractère intéressant et important de ce site ; tout d’abord grâce à sa situation géographique. Contrairement aux nombreux établissements ruraux repérés dans les environs à distance des grandes voies et sur les terrasses de la Saône, l’habitat du Gué de la Vandaine est installé de part et d’autre de l’axe d’Agrippa Chalon-Langres au passage à gué d’une rivière. Grâce à cette position, le site pourrait ainsi faire partie d’un ensemble de sites routiers repérés tout au long de cet axe au même titre que Palleau, Boncourt…

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Tous ces indices d’occupations, repérés au milieu de champs en grande partie labourés, mériteraient de faire l’objet d’une nouvelle vérification afin de contrôler l’étendue du site au Gué de la Vandaine. Une étude du mobilier collecté dans les années 1960 pourrait également être entreprise dans le but de vérifier la chronologie de fréquentation du site.

 

 

9. Bibliographie

 

Armand-Calliat 1937 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Chalonnais gallo-romain. Répertoire des découvertes archéologiques faites dans l’arrondissement de Chalon, Société d’Histoire et d’Archéologie, Châlon-sur-Saône, 1937, 293 p.

 

Guillot 1966 : GUILLOT (A.) – Le site archéologique du Gué de la Vandaine, à Allerey, Congrès A.B.S.S. 1966, p. 7-10.

 

Guillot 1974 : GUILLOT (A.) – Prospection archéologique et sauvetages dans la tranchée de la canalisation G.D.F. ouverte de Virey à Allerey, Bulletin C.D.R.A.71, n° 3, 1974, p. 11-12.

 

Guillot 1982-1983 : GUILLOT (A.) – La voie romaine Chalon-Langres, quelques observations effectuées entre Chalon et Palleau, Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, t. 52, 1982-1983, p. 83-101.

 

Guillot 1993 : GUILLOT (A.) – Le site gallo-romain du gué de la Vendaine, Trois Rivières, t. 42, 1993, p. 32- 43.

 

Rebourg 1994 : REBOURG (A.) – Allerey-sur-Saône, Carte Archéologique de la Gaule : La Saône-et-Loire : 71/4, Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, 1994, p.474-477.

 

Thévenot 1969 : THEVENOT (E.) – Les voies romaines de la cité des éduens, Latomus, Bruxelles, 1969, 338 p.

 

Loïc Gaëtan