1. Localisation et emprise connue de l’occupation
Situé à l’extrémité nord du hameau de Germolles, sur la commune de Mellecey, le lieu-dit Chapelle de Marloux, Les Vignes de Marloux, accueille une agglomération antique, à 9 km de Châlon-sur-Saône. Celle-ci se développe le long de la voie d’Agrippa de Châlon à Boulogne (voie de l’Océan, RD 978) par Autun et au carrefour de la voie de Cluny à Chagny (actuelle RD 981). Elle a été partiellement reconnue en fouille par L. Armand-Calliat en 1943-1945. Il semble avoir observé une série de bâtiments allongés installés perpendiculairement à la voie. Le site a livré un abondant mobilier trahissant une occupation de La Tène D et du début de l’époque augustéenne, mais aussi du Haut-Empire. L’agglomération antique est complétée par un autre site très important situé plus en retrait de la voie d’Agrippa, dominant la vallée de l’Orbize, sous le village actuel de Mellecey. Il s’agirait vraisemblablement d’une importante villa attestée par un nombre considérable de découvertes depuis le XIXe siècle.
2. Cadre naturel
2.1. Topographie, Géologie, Hydrologie…
L’agglomération antique de Mellecey/Marloux se développe sur la limite ouest de la plaine de Saône, en bordure des terrasses alluviales hautes du Quaternaire qui s’étendent au pied du relief faillé de la « Côte Chalonnaise » présentant un versant oriental presque entièrement dévolu à la vigne. C’est justement ce piedmont que la suit la route D 981, franchissant à Germolles une petite éminence en avancée de ce relief. Quant à la Route Châlon-Autun (Voie d’Agrippa), après avoir traversé les forêts et les prés des terrasses entourant Châlon, elle amorce à la sortie de Marloux la traversée de la côte. Le site lui-même de la Chapelle de Marloux se trouve sur une très légère dépression qui marque le bord ouest de la terrasse alluviale de sables et d’argiles de Chagny, à sa jonction avec les dépôts de fond de vallon du ruisseau qui descend de Mercurey vers le Sud-Est, à une altitude moyenne de 200 m. Le léger creux à cet endroit explique une zone humide, où certains voient l’origine du toponyme « Marloux » : elle est soulignée sur le cadastre du XIXe siècle par un étang aujourd’hui disparu, à une centaine de mètres au sud du carrefour.
3. Etat des connaissances
3.1. Sources
Le village de Mellecey est plusieurs fois mentionné aux VIIe et VIIIe siècles. La vie de Didier, évêque d’Auxerre mentionne le don de vignes in agro Miliacense à son église. Les traducteurs de la Geste des évêques d’Auxerre ont proposé que ce lieu corresponde au village de Milly dans l’Yonne. À la suite de Bulliot et Armand-Calliat, il faut préférer le bourg de Mellecey. Dans la liste des dons de Didier, on a en effet mention du don areas infra muros civitatis Cabilonensium sitas, quas cum Wadelino episcopo commutavit, Similiter cum uineis que sunt in montanis in eodem pago in agro Miliacense cum uinitoribus et reliquis mancipiis. La mention in eodem pago semble exclure que ce Miliacus se trouve dans la région de Chablis. En 775, Mellecey (Melciacus) appartient à l’abbaye de Tours. L. Armand-Calliat signale qu’un acte de 877 indique que Saint-Martin-de-Tours ne possédait que la partie orientale de la villa de Mellecey. La partie orientale appartenait à l’Abbaye de Remiremont en Lorraine. Le site est mentionné par le continuateur de Frégédaire en 761 (Meltiaco villam publicam). Ces mentions concernent seulement l’important site antique qui se développe sous le village actuel de Mellecey. L’agglomération antique, située plus en retrait le long de la voie d’Agrippa n’est pas mentionnée.
Elle est exclusivement connue d’après un ensemble de découvertes fortuites, des fouilles dans les années 1940 par L. Armand-Calliat et un diagnostic réalisé en 2008 (Saint-Jean-Vitus, Pascal 2008). L’organisation spatiale interne du site nous est connue que depuis l’été 2014 suite à une campagne de prospection aérienne par S. Izri et P. Nouvel. Grâce à ces nouveaux éléments, il est désormais possible de proposer un plan à cette agglomération.
3.2. Historique des recherches
Le village de Mellecey recouvre un important établissement antique, dans lequel on a effectué de nombreuses découvertes depuis le XVIIIe siècle. Ainsi, en 1864, puis vers 1895-1900, on a trouvé un fragment de statue (tronc) en marbre (Espérandieu, X, 7508), une stèle représentant peut-être une divinité gallo-romaine, des restes de constructions recouverts par des amas de tuiles romaines, des fragments de vase, des débris de colonnes, des marbres de différente nature, une stèle d’Epona (Espérandieu, III, 2128). « Un peu à l’est des découvertes précédentes », vers 1865, dans « la propriété Givry », on aurait également retrouvé une pièce ornée d’enduits peints, des fûts de colonne, des placages et moulure en marbre blanc. D’ailleurs, dans ce secteur, en 1895, des fouilles auraient révélé la présence de bains et livré une monnaie de Domitien (UI n° 16). « Entre la maison de M. Grassard » et la colline sur laquelle est implantée l’église, avant 1937, on aurait retrouvé les restes d’une importante villa romaine, une base de colonne en pierre et des corniches en marbre blanc (UI n° 20). Plus récemment, de nouvelles découvertes ont été réalisées en 2005 suite à des travaux de terrassement pour un nouveau lotissement (UI n° 25). Un ensemble de structures maçonnées (murs, sols bétonnés, voûtes…) et de mobilier a alors été mis au jour à cette occasion, complétant l’étendue du site.
Durant la même période, à 8 km de là, le long de la RD 978, au lieu-dit Marloux, d’autres découvertes sont effectuées. « Ainsi, depuis bien des années, les travaux effectués pour la culture de la vigne ramenaient à la surface du sol, des débris divers, dont les plus curieux remontaient à La Tène III » (Armand-Calliat 1944, p. 25). Une première synthèse des découvertes réalisées jusqu’alors sur cette zone est faite à travers l’inventaire de Louis Armand-Calliat dans le Châlonnais gallo-romain (1937, p. 194). Cette synthèse l’a amené à entreprendre les premières recherches archéologiques modernes sur le site durant la Première Guerre mondiale, en 1942-1943, puis en 1945, dans la parcelle n° 95 (UI n° 26). A cette occasion, une grande tranchée longue de 120 m, large de 0,50 m et profonde de 0,60 à 1 m a été pratiquée parallèlement à la route (Armand-Calliat 1944, p. 25-41 ; 1947, p. 417-426). Ces recherches permettent de cerne l’importance de ce site le long de la voie d’Agrippa, à la sortie de Châlon, ainsi que de vérifier son origine avec la découverte de quelques structures d’origine laténienne.
L’étendue réelle du site sera confirmée par la suite grâce à quelques ramassages de surface réalisés notamment par les agriculteurs locaux (UI n° 7). Ces derniers vont être également à l’origine de la découverte d’une petite nécropole suite à des travaux agricoles de drainage effectués le long de la Route, au sud-est de l’agglomération, au lieu-dit Le Villard (UI n° 2). Quelques sondages sont réalisés en 1987 par G. Monthel permettant de confirmer l’existence d’une petite nécropole rurale datable des Ier et IIe siècles de notre ère. Cinq sépultures ont ainsi été fouillées : deux incinérations, deux inhumations d’enfant en bas âge et une inhumation d’adulte (Monthel 1987).
Les photographies aériennes n’ont malheureusement jamais livré d’indices sur l’organisation spatiale de cette agglomération, jusqu’à la campagne de 2014. Jusqu’alors seuls les divers sondages, surveillances de travaux et fouilles nous ont aidés à mieux connaître l’habitat et la nature de l’occupation du site. En 1995, suite aux travaux d’enfouissement d’un gazoduc traversant l’ensemble du site du sud-est au nord-ouest, une surveillance de travaux (Maniquet 1995) a permis de mettre au jour un ensemble de murs et de vestiges complétant les informations récoltées dans les années 1940 par L. Armand-Calliat (UI n° 27).
La dernière opération d’envergure menée sur le site a eu lieu en 2008 sur un terrain attenant à une maison de retraite (UI n° 28) située dans l’enceinte de la Chapelle de Marloux, localisé sur la partie occidentale de l’agglomération antique (Saint-Jean-Vitus, Pascal 2008). Ce diagnostic a, pour la première fois, mis au jour un tronçon complet de la voie d’Agrippa, formant un carrefour avec une voie secondaire. Les structures gauloises sont également présentes dans cette partie de l’agglomération, et notamment sous le passage de la voie antique. Malgré l’absence de fouille, les résultats de cette opération ont considérablement fait avancer nos connaissances sur l’occupation du site antique de Mellecey, ainsi que sur son évolution chronologique. L’apport de connaissances sur l’implantation de la voie d’Agrippa est également conséquent, permettant alors de la dater entre 40 et 15 av. J.-C. (Nouvel, Kasprzyk 2011, p. 43).
Une nouvelle opération de prospection pédestre a été menée en 2013 sous la responsabilité de L. Gaëtan afin de récolter de nouvelles informations et de circonscrire avec exactitude l’étendue réelle de l’occupation antique du site (UI n° 30 et 31). Celle-ci s’étend alors sur une surface d’environ 7 ha, de part et d’autre de la RD actuelle (Gaëtan 2013). Les résultats ont été confirmés l’année suivante, en 2014, grâce à une campagne de prospection aérienne de S. Izri et P. Nouvel qui a livré pour la première fois un plan partiel de l’agglomération (UI n° 32). Les structures se répartissent également très bien de part et d’autre de la route reprenant en partie la voie d’Agrippa visible sur un tronçon de 250 m. De nouvelles structures fossoyées inédites sont également apparues au nord, visiblement attribuables aux occupations néolithiques et protohistoriques.
4. Organisation spatiale
Jusqu’en 2014, l’organisation spatiale interne de l’agglomération antique de Mellecey/Marloux nous était connue par de petites fenêtres (diagnostic, surveillance de travaux ou fouilles anciennes), limitant ainsi l’étude de l’implantation de l’occupation. Les nouvelles photographies aériennes révèlent une série de structures tout à fait inédites attribuables à différentes périodes.
4.1. Voirie
Les diverses opérations archéologiques menées à Mellecey/Marloux montrent que l’habitat de l’agglomération se développe en lien étroit avec le réseau viaire, et tout particulièrement avec la voie d’Agrippa, qui relie Châlon-sur-Saône à Boulogne, via Autun, traversant le site du sud-est au nord-ouest (UD n° 17). On remarque d’ailleurs que la route actuelle (RD 978) opère une légère déviation par rapport à l’axe antique, au niveau de l’agglomération. Celle-ci se retrouve décalée d’environ 30 m vers le nord. Le tracé exact de la voie d’Agrippa a toutefois pu être repéré à plusieurs reprises lors du diagnostic de 2008 et de la prospection aérienne de 2014. La physionomie actuelle de la chaussée résulte de la superposition d’états successifs de bandes de roulement empierrées liées au mortier de chaux argileux (parfois au mortier de tuileau) et lissées en surface, sur 6 à 7 m de large. À la base, d’après ce qu’on observe dans les tranchées 1 et 2, la première bande de roulement prend place sur un radier de préparation fait de pierres posées de chant dans un lit argileux, lui-même assis sur une base de gros blocs bruts de carrières, pris dans de l’argile compactée. Le niveau supérieur de la chaussée, au dernier état conservé de la bande de roulement, affleure à 0,15/0,30 m sous la surface du pré actuel (Saint-Jean-Vitus, Pascal 2008, p. 23).
En outre, l’agglomération antique se développe à l’est d’un carrefour routier formé entre la voie d’Agrippa et la voie côtière, reliant Beaune à Cluny (UD n° 17). Ce second axe ne semble toutefois pas régir l’organisation spatiale de l’habitat. Une petite rue, d’orientation est-ouest, a cependant été repérée sur le diagnostic, faisant une liaison directe entre les deux voies décrites précédemment (UD n° 18). De même largeur que la bande de roulement de la voie d’Agrippa, elle ne connaît pas le même développement stratigraphique, et malgré quelques recharges, son emprise maximale constitutive ne dépasse pas 0,40 m d’épaisseur. Elle est d’ailleurs simplement empierrée, et ne présente pas, comme la première, des surfaces successives de béton lissé. Enfin, il est probable qu’elle soit bordée par un large fossé au nord, et pas un niveau de circulation horizontal, à nouveau argileux et blanchâtre, sur son accotement sud. En retrait de l’axe principal, l’habitat se développe ici sur des structures légères, avec des bâtiments sur poteaux.
4.2. Le bâti
Un ensemble de constructions a été détecté de part et d’autre de la voie d’Agrippa. Au nord, elles se trouvent toutefois en grande partie masquées par le passage de la Route Départementale. Après les premières investigations des années 1940, le diagnostic de 2008 a permis de faire de nouveau quelques observations sur le bâti. À l’ouest de l’agglomération, au niveau du diagnostic réalisé, la voie et les premières traces de bâti sont séparées par un petit espace de circulation (trottoir ? galerie couverte ?). À environ 10 m au sud de la voie, des murs arasés témoignent de la présence de bâtiments liés à l’un au moins des états de la voie. Un gros mur de 0,90 m de large a ainsi été observé sur au moins 47 m de long. Parallèle à l’axe de circulation, ce mur forme soit l’esquisse d’une grande construction, soit un mur de façade à l’arrière de laquelle se développe un habitat. L’habitat dispose également de niveaux de sols construits.
Toujours au sud de la voie principale, de nouvelles structures d’habitat ont été repérées sur environ 85 m de longueur pour 20 m de largeur (UD n° 20). À l’arrière sont visibles quelques structures fossoyées rondes ou carrées, pouvant correspondre à des puits ou des puisards, voire même des caves ( ?). Face à cet ensemble, sur le côté nord de la voie se trouvent d’autres structures similaires (UD n° 21). Parmi celles-ci deux bâtiments ne répondent pas à l’organisation générale de l’agglomération : appartiennent-ils à un premier état de l’habitat ?
4.3. Nécropole
Suite à des travaux agricoles effectués sur la commune de Mellecey, au hameau de Villard, en septembre 1987, une stèle funéraire gallo-romaine a été découverte (UD n° 2). Des sondages ont ensuite confirmé l’existence d’une petite nécropole rurale datable des Ier et IIe siècle ap. J.-C., installée en bordure de la voie Châlon-sur-Saône/Autun. Cinq sépultures ont été fouillées : deux incinérations, deux inhumations d’enfants en bas âge (l’une en pleine terre et l’autre en imbrex) et une inhumation d’adulte. Une troisième incinération avait été détruite par cette dernière sépulture, dont la fosse était à l’origine occultée par la stèle, face sculptée contre terre.
La stèle anépigraphe (h. 1,94 m, l. 0,60 m, ép. 0,26 m) est taillée dans un seul bloc calcaire local s’amincissant au sommet et terminé en pointe, grossièrement épannelée, pouvant évoquer l’aspect d’un fronton. Elle représente un personnage masculin tenant dans sa main droite, avant-bras replié sur la poitrine, le traditionnel gobelet. Sa main gauche, bras pendant le long du corps, serre par le fer un outil, sorte de pique à manche court, comparable à l’actuelle smille, marteau à deux pointes servant aux carriers. Ce personnage est vêtu d’une longue tunique droite et plissée. Le visage émacié est couronné d’une chevelure bouclée et la barbe rase n’est indiquée que par un léger piquetage.
4.4. Structures fossoyées
La prospection aérienne 2014 a mis au jour deux ensembles de structures fossoyées attribuables à deux époques différentes.
Des structures éparses tout d’abord (UD n° 22) appartenant très certainement à l’époque protohistorique (La Tène ?). Aucun plan ne se dégage de cet ensemble permettant une interprétation fiable. La présence en très grande quantité d’amphores Dressel 1 dans ce secteur (prospection pédestre 2013) est un indice supplémentaire pour l’attribution de ces structures à l’époque laténienne.
Ces dernières se superposent à un ensemble fossoyé beaucoup plus important d’orientation nord-est/sud-ouest. Seul un côté de l’enceinte est presque entièrement visible, composé d’un premier groupe de 5 fossés parallèles discontinus visibles sur une longueur de 170 m, pour une largeur totale de 40 m. Un espace libre au centre pourrait correspondre à une voie d’accès ( ?). Un angle est également observable au nord-ouest. Pour terminer, trois autres fossés parallèles de même type peuvent former le côté ouest de l’enceinte. La forme générale de cet ensemble ainsi que la découverte en nombre de mobilier lithique amènent à interpréter ces structures fossoyées comme étant un camp néolithique ( ?).
4.5. Etendue supposée et remarques
Les limites de l’agglomération antique de Mellecey semblent aujourd’hui bien appréhendées tant par le biais des prospections pédestres que par les découvertes aériennes. Les structures de l’agglomération se développent ainsi sur une longueur maximale de 380 m, pour une largeur de 100 m, formant un habitat groupé d’une superficie d’environ 7 ha.
5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation
La caractérisation de l’occupation repose sur des données issues des différentes opérations archéologiques sur le terrain. L’artisanat du fer constitue l’activité la plus représentée au sein de l’agglomération antique.
5.1. Artisanat
L’artisanat du fer est pour le moment la seule activité artisanale qui peut être attribuée à l’agglomération. Elle fut attestée pour la première fois lors des fouilles entreprises en 1943 par L. Armand-Calliat. À cette occasion, ont été notamment mises au jour « des scories de fer, certaines grosses comme le poing et présentant un côté convexe comme si elles gardaient l’empreinte d’un fond de four de réduction. À remarquer aussi la mise au jour d’un petit morceau de bronze coulé en forme de larme, paraissant provenir d’un atelier, car il a été trouvé jadis au même lieu des « creusets de fondeur de cuivre »» (Armand-Calliat 1944, p. 26). Outre les déchets métallurgiques, la présence de blocs de terre calcinée, durcie et rendue rougeâtre par la flamme montre l’existence d’un foyer. Avec ceci, de grandes couches cendreuses et charbonneuses ont été traversées avant d’atteindre le sol géologique.
5.2. Habitat domestique
Les fouilles ont permis de mettre au jour tout un ensemble de mobilier appartenant à la vie quotidienne et à l’habitat domestique de façon générale. Outre le mobilier céramique abondant sur le site, les objets de parures sont également en nombres (fibules…), les objets en tabletterie (dés, charnières, jetons…), les objets métalliques ou encore les monnaies.
5.3. Vie religieuse
Les aspects de la vie religieuse à Mellecey sont totalement inexistants dans l’état actuel de la recherche.
6. Chronologie et critères de datation
L’agglomération de Mellecey/Marloux prend naissance dès La Tène D2 sur une occupation beaucoup plus ancienne remontant au néolithique comme le prouve la découverte d’un alignement d’au moins 3 fossés discontinus appartenant très certainement à une enceinte ainsi que du mobilier lithique (ciseaux, haches, polissoires…).
6.1. La Tène D
6.1.1. Monnaies
Les monnaies gauloises ont été retrouvées en assez grande quantité sur le site. Six ont été mises au jour lors des fouilles de 1942-1943 avec « deux imitations gauloises des bronzes massaliètes au taureau des bassins de la Saône et du Doubs, une éduenne, une sénonaise (tête échevelée à droite et revers avec cheval à gauche accompagné de globules), une lingonne (défense de sanglier et spirales), et enfin une monnaie très oxydée et non identifiées » (Armand-Calliat 1944, p. 40). Les investigations de 1945 ont, elles, mis au jour dix monnaies. « Deux sont en argent et paraissent éduennes, 1ère : [droit] buste de femme à gauche avec légende très effacée ; revers, cheval à gauche, au-dessous un dauphin, légende disparue (La Tour, XV, 4805) ; 2ème : tête casquée à gauche, revers cheval à gauche au-dessous motif indéterminé (peut-être La Tour, 5053). Les autres pièces gauloises sont des imitations de bronzes massaliètes au taureau » (Armand-Calliat 1947, p. 425). Dans les années 1990, un prospecteur anonyme a mis au jour quelques monnaies gauloises étudiées par L. Jeunot dans son mémoire de DEA (2000). On note la présence de potins de type à la grosse tête BN 5368, des potins BN 7417 au cheval, et BN 8329 aux trois poissons, ainsi qu’un bronze frappé et des quinaires éduens de type BN 4805 à légende Atpilli F / Orcetirix, BN 5053, quinaire à légende Conte, enfin le type BN 5026 à légende Dubnorex. Tous ces indices monétaires démontrent que le site est occupé dès le Ier siècle av. J.-C.
6.1.2. Céramiques…
Les fouilles entreprises dans les années 1940 ont livré d’importants lots de céramiques qui ont pu être remis en contexte lors du diagnostic réalisé en 2008. Les faciès céramiques alors découverts sont en tout point similaires. Le mobilier découvert à cette occasion provient du comblement de deux négatifs ou fossés, attribuable à un faciès homogène datable de la période pré-augustéenne voire de la première décennie du règne d’Auguste au plus tard. Outre l’intérêt de disposer d’un petit lot permettant d’illustrer une période encore peu documentée sur le Val de Saône, cet ensemble offre quelques éléments de réflexion sur la chronologie de la construction de la voie Châlon-sur-Saône – Autun. Parmi les éléments marquants, nous retrouvons un fragment de gobelet en campanienne B-oïde et un fragment d’amphore italique de type Dr. 1. Si ténus soient-ils, ces éléments permettent d’évoquer une période de fréquentation, voire d’occupation du secteur, au cours de La Tène D2 (80/70 à 40/30 av. J.-C.). Le fragment de bol caréné s’apparente au type qui caractérise les contextes datés des années 40/30 av. J.-C. à Roanne (Lavendhomme, Guichard 1997, pl. 73, n°4). Ce type, plutôt rare, semble correspondre à une filiation entre les types datés des périodes LTD2a et LTD2b-auguste ancien et les types qui caractérisent le faciès éduen à la période augustéenne (Barral, Joly 2002). Il pourrait représenter un jalon daté soit de la fin de LTD2b ou de la période augustéenne ancienne (vers les années 30/25 à 15 av. J-C). Enfin, les bouteilles sont des formes héritées de La Tène finale et qui sont encore présentes durant les années 40/30 av. J.-C. à Besançon (Humbert 1992, p. 268). Au final, l’assemblage céramique formé par les bouteilles, l’olpé et les bols carénés et le pot de type Besançon est proche de celui qui définit la phase 2 datée des années 50/30 av. J.-C. à Poil (Conche 2002, p. 237-240). Les bols carénés en céramique fine sombre fumigée préfigurent ceux produits en Terra Nigra de la période augustéenne (Barral, Joly 2002, p. 257, n° 75-78) qui correspondent au type TN Ja 8a (Joly, Mouton 2003, p. 265). Il semble correspondre à une évolution d’une forme attestée durant les années 80/70 av. J.-C. jusqu’aux années 40/30. Le décor de lunules relativement complexe, sur deux registres, s’inscrit dans une tradition qui apparaît à LTD2b (au cours du premier quart du Ier av. J.-C.) et se prolonge au début du règne d’Auguste (au cours du dernier quart du Ier av. J.-C.) (Barral 1998, p. 106).
L’épandage conséquent d’amphore Dr. 1 repéré lors des prospections pédestres 2013 à l’est de l’agglomération, ainsi que la découverte de mobilier gaulois dans les années 1940 (clés, monnaies, céramiques, parure…) démontre que l’occupation laténienne était tout aussi étendue que l’agglomération antique. De plus, la découverte de structures fossoyées au nord de la RD 978 pourrait également appartenir à cette occupation.
6.2. Haut-Empire
6.2.1. Monnaies
De nombreuses monnaies du Haut-Empire ont été découvertes sur l’agglomération antique de Mellecey au cours des différentes recherches. Les monnaies récoltées lors des fouilles de 1942-1943 sont au nombre de 8 : un moyen bronze d’Hadrien (revers avec Pallas tenant un bouclier) ; un grand bronze coupé de Lucius Verus (revers avec Lucius Verus et Marc-Aurèle se donnant la main) ; un denier de Commode (revers avec Commode assis sur une chaise curule) ; cinq petits bronzes de Claude II le Gothique. En 1945, onze pièces, toutes en bronze, composent le numéraire romain. Ce sont : un grand bronze coupé de la colonie de Vienne ; un Domitien très usé ; une Faustine (FAUSTINA AUGUSTA, revers HILARITAS, avec l’allégresse debout) ; un Commode ; un Gallien ; cinq Claude le Gothique ; un Constantin Ier.
6.2.2. Céramiques…
La prospection pédestre réalisée en 2013 a été l’occasion de faire un bilan sur le mobilier collecté jusqu’alors, ainsi que de faire une petite étude de mobilier céramique collecté à ce moment. Les résultats, recoupés avec ceux du diagnostic 2008, montrent une occupation continue du site durant tout le Haut-Empire. La répartition du mobilier en soi est tout à fait homogène. Quelques céramiques de stockage sont à noter avec notamment des dolia et des amphores, mais la céramique la plus courante est la céramique de consommation courante commune claire ou sombre avec particulièrement cruche, pot, bouteille, marmite, assiette ou plat. La sigillée, elle, semble plutôt rare dans nos ramassages de surface. D’un point de vue chronologique, le faciès est homogène et démontre une période d’occupation allant du milieu Ier siècle av. J.-C. à la fin du IIIe – début IVe siècle. Les périodes pré-augustéenne et augusto-tibérienne sont, elles, représentées par la présence de céramique commune dont des imitations de Terra Nigra avec des assiettes de forme Menez 22 ou 43. La période de la fin Ier – IIe siècle est largement illustrée par des tessons de sigillée Drag 40, des assiettes à engobe rouge interne ou des céramiques à paroi fine engobée. Pour terminer, les derniers indices d’occupation du secteur remontent à la fin du IIIe – début IVe siècle avec quelques exemples de marmites tripodes à pâte sombre et revêtement micacé.
6.3. Bas-Empire
La période du Bas-Empire est très peu représentée au sein de l’agglomération antique. Une monnaie découverte lors de la prospection aérienne 2013 montre une fréquentation du secteur durant l’Antiquité tardive. Il s’agit d’un AES de Valentinien (364-367) (RIC IX 8a). Dans tous les cas, la voie d’Agrippa doit continuer d’être fréquentée à cette époque.
6.4. Haut Moyen Age
Passé le milieu du IVe siècle, l’occupation semble se concentrer aux environs immédiats de la Chapelle de Marloux, près de laquelle en 1857 quatre tombeaux de granit [grès ?] renferment des ossements et une monnaie de Justin ou Justinien avant 1942. Ces vestiges ne semblent pas correspondre à une agglomération, mais plutôt à un lieu de culte avec nécropole. Ce lieu de culte est pérennisé ensuite par une chapelle, probablement du XVe siècle, sur le bord méridional de la route d’Autun. Aujourd’hui entourée des bâtiments modernes de la maison de retraite dans les dépendances de laquelle a été effectué le diagnostic en 2008, elle est sans doute à l’origine du nom actuel du lieu-dit. Elle rappelle l’existence à cet endroit d’un hôpital, ou « Maison-Dieu », attesté par les textes au XIIIe siècle au moins.
7. Synthèse sur la dynamique d’occupation
Les recherches menées autour de l’agglomération antique de Mellecey/Marloux depuis les années 1940 ont permis d’élucider au moins en partie un certain nombre de questions liées à son installation et son occupation. Installée sur un site néolithique, l’agglomération se développe dès le milieu du Ier siècle av. J.-C., à La Tène D2, autour d’un noyau d’occupation aussi étendu que l’agglomération romaine qui lui succèdera. Le site s’étend ainsi sur une surface d’environ 7 ha. Dès le début du Ier siècle de notre ère, grâce à la création de la voie d’Agrippa qui traversera le site aux alentours de 40-15 av. J.-C., une agglomération routière antique voit le jour de part et d’autre sur le substrat laténien. Elle se développe sur une longueur d’environ 380 m, pour une largeur maximale de 100 m si l’on se fie aux découvertes aériennes et à l’épandage de mobilier au sol. L’agglomération entretient alors un lien étroit avec la voie, et se développe exclusivement à proximité à l’image des « villages-rues ». Parmi les activités développées, l’artisanat du fer semble tenir une place de premier choix. Le site antique périclite peu à peu dès la fin du IIIe siècle, voire au début du IVe. Dès le haut Moyen-Age, l’occupation se réduit très certainement au carrefour des deux voies avec l’existence d’un premier lieu de culte accompagné d’une petite nécropole mérovingienne.
8. Perspectives de recherche
Avec les nouvelles découvertes de l’été 2014, l’organisation spatiale du site commence maintenant à être bien appréhendée même s’il reste encore de nombreuses zones vides. Dans l’optique de combler ces secteurs, il faudra à l’avenir continuer les prospections aériennes. La chronologie et l’étendue de la première occupation laténienne du site restent également des problématiques à approfondir.
9. Bibliographie
Armand-Calliat 1937 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Chalonnais gallo-romain. Répertoire des découvertes archéologiques faites dans l’arrondissement de Chalon, Société d’Histoire et d’Archéologie, Châlon-sur-Saône, 1937, 293 p.
Armand-Calliat 1944 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Les fouilles de Marloux près Mellecey (Saône-et-Loire) en 1943, Gallia, t. 2, 1944, p. 25-41.
Armand-Calliat 1947 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Les fouilles de Marloux (Saône-et-Loire), 1944-1945, Gallia, t. 5, 1947, p. 417-126.
Barral 1994 : BARRAL (Ph.) – Céramique indigène et faciès culturels à La Tène Finale dans la vallée de la Saône. Thèse de doctorat de l’université de Franche-Comté, Besançon, 1994.
Barral 1998 : BARRAL (Ph.) – Place des influences méditerranéennes dans l’évolution de la céramique indigène en pays éduen, aux IIème et Ier s. av. notre ère, dans TUFFREAU-LIBRE (M.) JACQUES (A.) dir, La céramique précoce en Gaule Belgique et dans les régions voisines. De la poterie gauloise à la céramique gallo-romaine, Actes de la table ronde d’Arras (14-17 oct.), Nord-Ouest Archéologie n° 9, 1998, p. 367-384.
Gaëtan 2013 : GAETAN (L.) – Mellecey (Saône-et-Loire) : Rapport de prospections pédestres 2013, SRA Bourgogne, Dijon, 2013, 23 p.
Humbert 1992 : HUMBERT (S.), -Des tessons jusqu’à l’indigestion, dans GUILHOT (J-O) et GOY (C.) Dir. -20 000 m2 d’histoire : Les fouilles du parking de la mairie de Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon, 1992, p. 210-298
Kasprzyk, Nouvel 2011 : KASPRZYK (M.), NOUVEL (P.) – Les mutations du réseau routier de la période laténienne au début de la période impériale, Apport des données archéologiques récentes. In : Reddé (M.) et al. dir. Aspects de la Romanisation dans l’Est de la Gaule, Glux-en-Glenne, Bibracte, N° 21, Vol. 1, 2011, p. 21-48.
Lavendhomme, Guichard 1997 : LAVENDHOMME (M-O.), GUICHARD (V.), Rodumna (Roanne, Loire), le village gaulois, Paris 1997 (D.A.F. n° 62).
Maniquet 1995 : MANIQUET (C.) – Surveillance de travaux du gazoduc à Mellecey, SRA de Bourgogne, Dijon, 1995, n. p.
Menez 1989 : MENEZ (Y.) – Les céramiques fumigées (« Terra Nigra) » du Bourbonnais, Revue Archéologique du Centre de la France, t. 28, fasc. 2, 1989, p. 117-178.
Monthel 1987 : MONTHEL (G.) – Mellecey, Le Villard, SRA de Bourgogne, Dijon, 1987, n. p.
Saint-Jean-Vitus, Pascal 2008 : SAINT-JEAN-VITUS (B.), PASCAL (M.-N.) – Mellecey (Bourgogne – Saône-et-Loire) Germolles, route d’Autun, « La Chapelle de Marloux ». Opération de diagnostic archéologique, SRA de Bourgogne, Dijon, 2008, 64 p.
Loïc Gaëtan