Annoire (Jura)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Au sud-ouest du Finage dolois, dans la basse vallée du Doubs, se développe un sanctuaire sur la commune d’Annoire, au lieu-dit Le Châtelet. Sa proximité avec le tronçon de la voie d’Agrippa reliant Chalon-sur-Saône à Besançon amène à penser qu’un habitat groupé aurait pu se développer non loin. Les diverses prospections-inventaires réalisées dans la région du Finage et tout particulièrement près d’Annoire tout au long des années 1990 n’ont apporté aucun élément sur une telle occupation. Le secteur connaît davantage une intense occupation rurale, à l’image d’ailleurs de tout le Finage, jusqu’à l’agglomération doloise.

 

 

2. Cadre naturel

 

Situé entre la Saône et le Doubs, à la limite de la Bourgogne et de la Franche-Comté, le Finage présente de nombreuses particularités qui en font un terroir comtois original. Entre Saône et Doubs, la géologie du Finage, qui se prolonge en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire, est très liée aux deux grandes rivières qui la bordent. Le Doubs, puissant et capricieux, a, par ses alluvions, façonné le paysage et le sous-sol. À l’ouest, la Sablonne, affluent de la Saône, draine les terrains en traversant la commune de Saint-Aubin. La répartition des sols se fonde sur leur comportement à l’égard de l’eau, à l’ouest les sols sont donc légers. Sous l’effet de la pluie et de la sécheresse, ils se transforment en poudre blanchâtre que pousse le vent : c’est le Finage à sol blanc, qui n’est pas le plus riche. À l’est et au nord-est, en direction du Doubs les sols sont argileux, limoneux et légèrement sablonneux. Lourdes, profondes, sombres, difficiles à travailler ce sont les meilleures terres. Depuis les communes les plus hautes, Tavaux, Molay, Choisey et Gevry, la vaste plaine nue s’étale vers le sud uniformément : paysage ouvert sans clôture, sans haie, sans talus, sans chemin creux, au climat semi-continental, humide, exposé aux vents d’ouest. L’altitude moyenne de cette micro-région s’élève alors à 200 m.

Le territoire d’Annoire, quant à lui, se trouve plus particulièrement sur la rive droite du Doubs, délimitée à l’est par la Sablonne. La commune est limitrophe avec le département de Saône-et-Loire.

 

 

3. Etat des connaissances

 

L’existence d’un potentiel habitat groupé dans ce secteur n’est relayée par aucun texte. La région du Finage et de la basse vallée du Doubs a connu de nombreuses prospections-inventaires réalisées par A. Daubigney depuis les années 1990. Elles reprennent les travaux déjà effectués par N. Jeannin dans les années 1970 (Jeannin et alii. 1978). L’élément le mieux connu est le sanctuaire du Châtelet/Buchot grâce à quelques prospections aériennes de G. Chouquer en 1976, 1978 ou 1992 (UI n° 1 ; 2 et 3). Malgré un plan bien appréhendé, sa chronologie et son étendue réelle restent au cœur des problématiques. Les prospections pédestres et aériennes réalisées dans le cadre des prospections-inventaires ont révélé un environnement assez riche pour la période gallo-romaine, et essentiellement sur la partie sud du territoire communal, non loin du Doubs. Les sites ruraux repérés correspondent néanmoins la plus part du temps à des épandages de petite superficie avec quelques tessons et terres cuites architecturales. Les clichés aériens n’ont en revanche révélé aucun plan de bâtiment. Sous le village actuel d’Annoire, seules plusieurs sépultures à inhumation d’époque mérovingienne ont été retrouvées (UI n° 29). L’origine exacte de ces tombes reste incertaine. En tout état de cause, aucun vestige antique n’a encore été mis au jour sous le bourg d’Annoire. La réalisation d’un diagnostic en 2010, rue de la Motte, n’a apporté aucun élément allant dans ce sens (UI n° 27 ; Gaston 2010).

 

4. Organisation spatiale

 

            4.1. Voirie

La commune d’Annoire est traversée d’est en ouest par la voie romaine Chalon-sur-Saône/Besançon depuis Pontoux, mentionnée sur la Table de Peutinger (UD n° 1). L’actuelle RN 73 en emprunte le tracé (Feuvrier, Brune 1920, p. 109, 136).

 

4.2. Bâti (sanctuaire)

Le sanctuaire est la structure bâtie la mieux connue sur la commune, même si le plan complet de l’édifice n’a pas été reconnu (UD n° 7). Seulement quelques clichés nous permettent d’en connaître l’organisation. Situé à un coude de la voie romaine Chalon-Besançon, dans l’axe des deux tronçons, l’emplacement du temple avait déjà été reconnu au début du XXe siècle par J. Feuvrier. Il avait alors remarqué à l’angle formé par la route nationale et le chemin rural qui se rend à Annoire des « débris de poteries gallo-romaines » (Feuvrier, Brune 1920, p. 110). Les clichés aériens de G. Chouquer depuis 1976 révèlent un temple situé au centre d’un péribole quadrangulaire agrémenté d’exèdres semi-circulaires ou carrées. La cella possède une forme semi-circulaire semblant renforcée par des contreforts (Chouquer 1976 ; Jeannin et alii. 1978, p. 269).

 

 

5. Nature et caractérisation de l’occupation

 

La caractérisation de l’occupation reste impossible dans l’état actuel des recherches. Aucun indice d’artisanat quelconque n’est également apparu dans le lot de mobilier collecté. Ce dernier permet seulement d’attester de la présence d’un habitat rural dispersé.

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

Le plan du sanctuaire démontre une occupation durant l’époque romaine, sans doute possible dès le Haut-Empire. Néanmoins l’origine de cet édifice reste totalement inconnue faute de données de terrain plus précises. L’habitat dispersé environnant est également occupé durant cette époque, mais la faiblesse quantitative du mobilier céramique ne permet pas non plus ici plus de précision chronologique. De manière générale, l’habitat du Finage reste mal daté puisque l’information ne provient exclusivement que de prospections pédestres sur des sites ayant subi de profonds labours à répétition. Ces phénomènes détruisent irrémédiablement les niveaux d’occupation les plus récents de ces sites, qui ne doivent livrer, le plus souvent, que du matériel de haute époque (Jeannin et alii. 1978, p. 272).

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

La présence d’un habitat groupé sur la commune d’Annoire reste, dans l’état actuel des recherches, purement hypothétique. Seule la présence d’un sanctuaire au lieu-dit Le Châtelet/Buchot pourrait permettre de situer une agglomération antique dans la région. Les différentes découvertes fortuites et prospections archéologiques sous le village et le long de la voie d’Agrippa n’ont livré aucun vestige. À proximité immédiate de cet axe majeur, reliant Chalon-sur-Saône à la capitale de cité Séquane, Besançon, deux sanctuaires seulement sont connus. Des fouilles faites au début du XXe siècle sur le site du fanum des Perrons à Dole, nous ne savons malheureusement que peu de choses. Le deuxième sanctuaire se situe donc à Annoire. Ces deux sanctuaires se distinguent par leur localisation remarquable. En effet, celui de Dole est situé sur un point élevé du tracé de la voie antique, tandis que celui d’Annoire se trouve à un coude de la voie, dans l’axe des tronçons rectiligne de celle-ci. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce sanctuaire se situe non loin (6 km) de l’important lieu de culte connu sur la commune de Pierre-de-Bresse (Saône-et-Loire), au sud du Doubs. Ces deux sanctuaires possèdent d’ailleurs le même toponyme, Le Châtelet. Tous les deux sont situés sur le territoire Séquane, non loin de la frontière éduenne. Ainsi, ils doivent sans doute faire partie d’un ensemble de sanctuaires de frontière.

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Il serait intéressant d’étudier le mobilier issu des diverses prospections afin de tirer des conclusions chronologiques sur l’occupation du Finage. Il faudra également continuer de suivre les divers travaux afin que l’habitat groupé antique ne nous échappe pas, s’il existe réellement.

 

 

9. Bibliographie

 

Chouquer 1976 : CHOUQUER (G.) – Archéologie aérienne en Franche-Comté, Campagne de 1976, SRA Franche-Comté, Besançon, 1976, 8 p.

 

Chouquer 1992 : CHOUQUER (G.) – Rapport de prospection aérienne en 1992 – Jura, SRA Franche-Comté, Besançon, 1992, n. p.

 

Feuvrier, Brune 1920 : FEUVRIER (J.), BRUNE (P.) – Les voies romaines de la région de Dole, Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques et scientifiques, t. 38, 1902, p. 105-154.

 

Jeannin et alii. 1978 : JEANNIN (N.), CHOUQUER (G.), JEANNIN (Y.), FAVORI (F.), BAURES (P.-Y.) – Eléments pour une géographie historique du finage (Jura) à l’époque gallo-romaine, Revue Archéologique de l’Est, t. 29, 1978, 267-302.

Loïc Gaëtan

Illustrations Annoire