Verdun-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

A l’endroit où le Doubs vient se jeter dans la Saône se développe sans aucun doute une petite agglomération antique tournée vers l’activité commerciale et portuaire. Le site de Verdun-sur-le-Doubs se trouve alors sur la frontière entre les peuples Eduens et Séquanes à un endroit privilégié. L’agglomération antique en elle-même n’est que très peu connue, seulement grâce à quelques découvertes fortuites ici et là sous le bourg actuel. Toutefois, non loin de là se trouve un deuxième site d’habitat groupé qui lui se développe sur la rive gauche de la Saône au lieu-dit Petit Chauvort. La spécificité de ce site est qu’il prend naissance dès La Tène C2, au milieu du IIe siècle av. J.-C. Verdun-sur-le-Doubs est ainsi un très bon exemple de la trajectoire des agglomérations illustrée par un déplacement de population entre les périodes laténienne et antique. Il existe néanmoins à l’heure actuelle un écart de documentation conséquent entre les deux pôles de peuplement. Non seulement situé à une zone de confluence de plusieurs rivières, Verdun se retrouve également à un petit carrefour routier régional où se croisent des routes provenant de Beaune, Dijon ou encore Châlon-sur-Saône.

Les plaines de la zone de confluence Saône-Doubs-Dheune ont révélé une occupation protohistorique relativement dense. Le Bronze final, le premier Age du Fer et la fin du deuxième Age du Fer sont illustrés par de nombreux sites, dont quelques-uns seulement ont fait l’objet de fouilles, généralement limitées (Guillot 1976 ; Barral 1989, p. 5-9). Pour la fin de l’époque laténienne, quatre sites d’habitat ayant livré un matériel similaire à celui du Petit-Chauvort peuvent être retenus : Verdun « le Vieux Verdun », Verjux « Es-Chézeaux », Verjux « La Mare-Grillot », Damerey « le Haut-du Seuil ». Ces sites, ajoutés à celui du Petit-Chauvort, occupent des situations comparables, sur de légères éminences proches de la rive gauche de la rivière et, régulièrement espacés, ils jalonnent semble-t-il une voie protohistorique qui épouse le tracé de la Saône.

 

 

2. Cadre naturel

 

2.1. Topographie, Géologie, Hydrographie

Le site antique de Verdun-sur-le-Doubs possède un emplacement stratégique indéniable, à la confluence des rivières du Doubs et de la Saône ; mais non loin de là, se jette également la rivière de la Dheune. Le territoire de Verdun est par conséquent appelé le pays des Trois Rivières. Le site du Petit Chauvort est quant à lui davantage éloigné, se trouvant alors au sommet d’une petite éminence (178 m d’altitude) à 1,5 km en aval de la confluence. Le hameau aujourd’hui implanté sur le site et distant de 200 m de la rive gauche actuelle de la Saône, se trouve à l’intérieur d’un large méandre de cette rivière. Par ce fait, le site contrôle la rivière ainsi que son passage à gué se faisant entre le Petit Chauvort (rive gauche) et le Grand Chauvort (rive droite, sur la commune d’Allerey-sur-Saône).

 

 

3. Etat des connaissances

 

3.1. Sources

L’agglomération antique nous est exclusivement connue d’après quelques découvertes fortuites sous le bourg actuel de Verdun, réalisées depuis le XVIIème siècle environ. Le site de Verdun/Le Petit Chauvort est, quant à lui, essentiellement connu grâce aux recherches archéologiques qui y sont menées depuis les années 1960 (fouilles de sauvetage, fouille programmée, prospections pédestre et magnétique). L’ensemble de ces investigations, menées entre 1969 et 1999, nous a permis de mieux circonscrire l’occupation de ce site tout en affinant les divers faciès chronologiques de son occupation.

 

3.2. Historique des recherches

 

Malgré la découverte de tegulae, d’une patère et d’une monnaie de Tibère au Petit Chauvort en 1870 (UI n° 1 ; Armand-Calliat 1937, p. 279), l’habitat gaulois fut quant à lui mis au jour par Antonin Guillot, archéologue bénévole, à l’occasion de la construction d’un pavillon en 1969 (UI n° 2). Une opération de sauvetage conduite par A. Guillot, s’est alors déroulée pendant l’hiver 1969-1970. Elle a porté sur plusieurs fosses mises au jour dans les tranchées de fondation de la maison (Guillot 1970). Par la suite, une fouille programmée a été réalisée en 1971 et 1972 sur un secteur limité dans une parcelle contiguë à la précédente (UI n° 3). Elle a également mis au jour une série de fosses-dépotoir (Léger 1972). Enfin, en 1974, une dernière opération de sauvetage, occasionnée là encore par la construction d’un pavillon, a révélé une autre série de fosses, située à quelque 200 m au sud de la parcelle précédemment explorée (UI n° 23). Les fouilles effectuées entre 1969 et 1974 par A. Guillot ne dépassent donc pas au total une superficie de 70 m², réparties sur deux secteurs distincts. Les sondages et prospections alors réalisés par A. Guillot au Petit Chauvort révèlent l’existence d’un habitat gaulois certainement lié à un passage à gué connu de longue date (gué de Chauvort). D’après les données réunies jusqu’alors, le site se développerait sur une bande de 50 m de large et de 200 m de long environ, dont l’axe serait une voie orientée sud-est/nord-ouest aboutissant au gué sur la Saône. Mais ces données ne reposaient que sur des données partielles, puisque les trouvailles de matériel en dehors de cette zone démontrent une extension relativement plus étendue du site.

Suite à ces nombreuses constations et au potentiel certain du site archéologique, une équipe dirigée par Philippe Barral a décidé de mener entre 1996 et 1999 une nouvelle campagne de fouille programmée sur diverses parcelles afin d’avoir une meilleure connaissance de la topographie et de l’évolution de l’habitat dans la partie orientale du site (UI n°13 – 16). En parallèle a été menée une prospection géophysique (UI n° 17) sur un secteur en 1998 afin d’observer l’extension des vestiges (Benech 1998). Suite à ces quatre campagnes de fouille, la connaissance de l’habitat du Petit Chauvort a progressé très sensiblement. L’histoire du site peut désormais être retracée dans ses grandes lignes, les caractères principaux du gisement ayant été largement précisés (extension, types d’implantation, chronologie d’occupation…). Les lacunes les plus sensibles portent sans aucun doute sur la connaissance de l’habitat, tant en ce qui concerne les structures proprement dites que leur organisation précise. On ne dispose ainsi que de deux plans de fonds de cabanes (Barral 1997), qui illustrent un type de construction bien connu en contexte d’habitat groupé de plaine en Europe centrale. Les données disponibles avant la reprise des fouilles en 1996 laissaient supposer l’existence d’un habitat d’assez faible envergure bordant une voie nord-sud, à un passage à gué. On peut désormais tabler sur un gisement d’au moins 20 ha (dans l’état actuel des choses), dont la partie centrale correspond assez précisément à une éminence en grande partie occupée par le hameau actuel du Petit Chauvort. La densité de l’occupation ne peut être approchée que dans la partie orientale du site, où les sondages effectués ont révélé systématiquement des structures excavées. Un seul secteur, situé dans la partie haute du Petit Chauvort, a livré des indices d’occupation à La Tène ancienne (La Tène B2-C1 : IVe-IIIe siècle av. J.-C.). Une phase de développement de l’habitat est identifiable dans la première moitié du IIe siècle av. J.-C. (La Tène C2). L’occupation du site explose littéralement dans les dernières décennies du IIe siècle (La Tène D1), moment où toutes les zones basses sont colonisées. L’abandon du site au tournant des IIe-Ier siècles avant notre ère est systématiquement vérifié, là où des fouilles ont été réalisées, même si quelques traces d’occupation réapparaissent au début de l’époque augustéenne.

 

Les recherches sur l’agglomération antique, située sous le vieux bourg de Verdun, ne se résument qu’à quelques découvertes réalisées depuis le XIXe siècle. Ainsi, seul du mobilier fut découvert jusqu’alors et aucune trace de structures d’habitat ou d’édifice public ou cultuel n’est à noter. Il est toutefois intéressant d’observer qu’à chaque découverte du mobilier datant de La Tène D2 est présent. Lors de la construction du groupe scolaire (UI n° 4) en 1962, une couche antique est apparue à 1,80 m de profondeur. Plusieurs amphores à vin furent extraites par M. Rabohan, dont l’une avec la marque HER(MES). A 2 m environ de profondeur, de la céramique de La Tène III ou gallo-romaine précoce fut recueilli par M. Bonnamour (Bruhl 1964, p. 422). Toujours dans le même secteur, lors de travaux d’extension de l’Hôpital (UI n° 5), en 1978, P.-Y. Thomas a recueilli dans les déblais quelques vestiges antiques sans toutefois pouvoir observer la stratigraphie, bouleversée par toutes les constructions postérieures. Selon les renseignements d’A. Guillot, on peut restituer ici les périodes d’occupation sur une profondeur de 1,50 à 2 m : des pieds, lèvres, anses et autres fragments d’amphores italiques et un tesson de vase carénée de la Tène III indiquent un habitat de la fin de l’Indépendance gauloise ou d’époque augustéenne précoce (Bonnamour 1977, p. 59). Il semble donc que l’occupation laténienne de Verdun-sur-le-Doubs/Vieux Bourg se soit limitée le long du Doubs, à sa confluence avec la Saône, avant de prendre plus d’importance au Haut-Empire (UI n° 6 – 10). Les vestiges sont à chaque reprise enfouis sous au moins 2 m de sédiments, naturels ou anthropiques (?).

Les découvertes d’amphores sont également très nombreuses sur le site. Depuis le XVIIe siècle, on a ainsi signalé la mise au jour à différentes reprises de très grandes quantités d’amphores sans avoir plus de précision sur leur localisation (UD n° 8). Les découvertes se font également dans le cours de la Saône et du Doubs montrant là sans aucun doute l’importance du site pour l’activité portuaire durant l’Antiquité.

 

 

4. Organisation spatiale

 

            4.1. Voirie

L’organisation spatiale de l’agglomération antique de Verdun nous échappe totalement du fait du manque de données sur le site. En ce qui concerne celle du Petit-Chauvort, malgré les quatre années de campagne de fouille successive, les fenêtres investiguées étaient trop réduites et trop éloignées les unes des autres pour pouvoir connaître la morphologie exacte du site. Nous pouvons toutefois supposer que l’occupation, dès La Tène C, se cristallise autour de deux axes de communications, l’un longeant la rive gauche de la Saône (UD n° 29) et l’autre, nord-ouest/sud-est, traversant la rivière au gué du Petit Chauvort (UD n° 27-28). Ce dernier axe perdure à l’époque gallo-romaine et se prolonge jusqu’à la confluence de la Saône et du Doubs. Une voie va ensuite se diriger une nouvelle fois sur l’autre rive de la Saône, du côté de Bragny-sur-Saône, et un autre tronçon prend la direction de la voie d’Agrippa Châlon-Besançon, passant non loin de là, au sud-est.

 

4.2. Le bâti

Même s’il est difficile de tirer des conclusions suite aux campagnes de fouilles,  les données de la prospection magnétique, corrélées aux données de fouilles, permettent tout de même de discerner l’existence de zones à forte densité de structures, occupées à La Tène C2 et à La Tène D1, et de zones à trame d’occupation plus lâche, occupées uniquement à La Tène D1. Cette répartition chrono-spatiale semble compliquée par une relative spécialisation des secteurs, certains dévolus à l’habitat, d’autres plus nettement tournés vers des activités d’artisanat et de stockage. Par ailleurs, les cartes géophysiques soulignent des orientations préférentielles (alignement d’anomalies magnétiques, orientation de structures excavées) qui semblent organiser la trame de l’habitat.

 

            4.3. Nécropole.

Aucune nécropole n’a été repérée dans l’environnement des sites de Verdun-sur-le-Doubs. Quelques découvertes réalisées au XIXe siècle dans le bourg de Verdun montrent toutefois la présence d’inhumations sans toutefois pouvoir davantage les caractériser ni les dater (UD n° 7, 9 et 10).

 

4.4. Etendue supposée et remarques

Les limites de l’agglomération antique de Verdun-sur-le-Doubs ne nous sont absolument pas connues du fait du recouvrement urbain d’une part, et du manque de données d’autre part. Celle-ci devait toutefois s’étendre essentiellement le long du Doubs, sous la partie de la ville que l’on dénomme le Vieux Verdun.

Pour ce qui est de l’agglomération du Petit-Chauvort, celle-ci est mieux cernée même si nous n’en connaissons pas les limites. On peut cependant estimer que sa superficie approche les 20 ha. Le cœur de l’habitat groupé, caractérisé par une plus forte concentration de structures, semble se concentrer sur une éminence correspondant au sommet du Petit-Chauvort, là où se développe le hameau actuel.

 

 

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

 

La caractérisation de l’occupation du site du Petit-Chauvort repose sur des données issues de fouilles effectuées sur de petites fenêtres. Il est donc mal aisé d’interpréter les structures dans leur ensemble même si quelques traces d’artisanat notamment ont pu être mises au jour.

 

5.1. Artisanat

Certaines structures repérées dans l’UD n° 18 lors des sondages réalisés en 1998 se rapprochent des structures artisanales de par leurs caractéristiques. Ainsi, plusieurs fosses assez importantes ont été mises au jour. À côté de ces structures excavées, une petite zone rubéfiée et deux soles de foyers en terre cuite ont été découvertes dans la partie est du sondage. L’absence de niveau d’occupation conservé suggère que ces soles appartiennent à des foyers en partie excavés, dont ne serait conservée que la base, initialement enterrée. Enfin on notera la présence dans tout le sondage, aussi bien dans la couche recouvrant le sol naturel que dans la plupart des fosses fouillées, de scories de fer qui pourrait témoigner de la proximité d’une zone d’activité métallurgique. Il s’agit alors là des seuls éléments plaidant en faveur de la présence d’un artisanat du fer sur l’oppidum du Petit-Chauvort.

 

5.2. Habitat domestique

L’essentiel des vestiges mis au jour sur le site du Petit-Chauvort appartient à des structures domestiques dont il est difficile d’établir un plan exact dans leur totalité. Seule la campagne de 1997 a pu mettre en évidence deux structures excavées de plan régulier, de même orientation, identifiables comme des soubassements de bâtiments. Ces unités bâties paraissent relativement isolées, autant qu’on puisse en juger à partir des sondages réalisés, ce qui pourrait indiquer une organisation de l’habitat relativement lâche, du moins dans cette zone.

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de nouvelles données sur l’agglomération antique, il est difficile à l’heure actuelle de tirer des informations concrètes notamment sur son organisation spatiale et les faciès chronologiques de son occupation. Les données concernant l’habitat gaulois du Petit-Chauvort sont quant à elles beaucoup plus fournies et nous permettent ainsi d’avoir une bonne vision sur sa trajectoire d’occupation. En croisant l’ensemble des données de ces deux pôles de peuplement, nous pouvons appréhender l’évolution de l’occupation de la région de la confluence des rivières Saône, Doubs et Dheune. Il est bon de préciser que les cartes des Unités de Découvertes présentées ci-joint rendent compte de l’évolution du site selon les grandes périodes, mais dans les faits, cette évolution est beaucoup plus précise selon les phasages de l’époque laténienne.

 

6.1. La Tène C

            Au tournant des IVe-IIIe siècles avant notre ère (La Tène B2-C1) un premier habitat voit le jour sur la partie la plus haute du Petit-Chauvort. Situé dans un coude la Saône, sur sa rive gauche, cet habitat semble s’orienter sur une voie axiale fréquentée depuis le Hallstatt D et aboutit à un passage à gué. Mais c’est réellement à La Tène C2 que l’on peut observer un développement du site tout en restant limité à quelques secteurs. Cette période est notamment illustrée par deux ensembles fouillés par A. Guillot (Barral 1989). La phase d’occupation précoce du site n’est représentée que par un petit nombre d’éléments. Les objets chronologiquement significatifs (objets de parure, céramique importée) s’inscrivent tous dans la période IVe-IIIe siècle (La Tène B-C1), si l’on excepte une perle en verre attribuable à la phase initiale de La Tène (La Tène 1, 2ème moitié Vème siècle). Pour la phase d’occupation principale du site, c’est-à-dire La Tène C2, le nombre d’objets en cause permet une analyse plus fine. La céramique italique à vernis noir se caractérise par la prédominance de la campanienne A, qui comprend plusieurs vases de belle qualité, à décor de palmettes, attribuables au IIe siècle avant notre ère. Sur quinze individus, on recense un seul vase en campanienne B, et peut-être un autre en campanienne C. J.-P. Morel évoquant le faciès de la Campanienne du Petit-Chauvort (Morel 1985, p. 183) avance que l’occupation du site peut débuter dès la première moitié du IIe siècle av. J.-C. Les amphores vinaires présentent également un faciès ancien ? La courbe des hauteurs de lèvres et en évidence la fréquence des lèvres courtes (entre 30 et 40 mm) et l’absence de lèvres dépassant 55 mm, sur un échantillon il est vrai assez limité (53 individus). L’examen des formes de lèvres permet d’identifier sûrement cinq gréco-italiques récentes, une dizaine de Dr 1A et une Dr 1C. Les autres lèvres sont atypiques (hauteur moyenne, inclinaison variable), mais se rapportent sans doute en majorité, sinon totalement, à la variante DR 1A. Il n’existe aucune lèvre de Dr 1B « classique » (en bandeau haut). La présence des gréco-italiques fournit un terminus ante quem intéressant pour le début de l’occupation, ce type d’amphores n’étant plus produit  ni diffusé après les années 140-130 av. J.-C. La Tène C2 marque par conséquent le début du développement du site qui atteindra son apogée à la fin du IIe – début Ier siècle av. J.-C., à La Tène D1.

 

6.2. La Tène D

Ainsi, l’occupation du site explose littéralement dans les dernières décennies du IIe siècle, à La Tène D1. Toutes les zones basses sont colonisées et chaque sondage pratiqué dans le hameau révèle des traces d’occupation de cette période. Au total, si l’on excepte quelques objets isolés de La Tène ancienne, les séries de matériel du Petit-Chauvort (dont quelque 130 fibules, autant de monnaies, une centaine de fragments de perles et bracelets en verre) documentent la presque totalité du IIe siècle. Pendant cette période clé de l’Age du fer, les rythmes d’évolution de la culture matérielle, reflets de mutations économiques importantes, peuvent être cernés avec précision (arrivée massive et soudaine des amphores Dr1, modification graduelle des équilibres dans la représentation des formes et des catégories techniques de la céramique indigène, apparition et développement du monnayage en bronze coulé, évolution des techniques et morphologique de la parure annulaire en verre et des fibules…). L’intérêt de ces données dépasse le cadre strictement régional. L’habitat du Petit-Chauvort, situé dans un secteur stratégique pour la compréhension des mécanismes économiques et territoriaux à la fin de l’Age du Fer, vient en effet combler un vide important au sein du Grand-Est.

Cette période d’expansion s’arrête néanmoins dès le début du Ier siècle au profit d’une autre zone plus proche de la rivière, à la confluence de la Saône et du Doubs. Ce nouveau pôle de peuplement prend alors peu à peu le relais pour ensuite se pérenniser durant l’époque romaine.

 

6.3. Le Haut-Empire

La période antique est de manière générale la période la moins bien connue dans le verdunois et encore moins pour ce qui concerne l’agglomération antique qui prend naissance sous le Vieux-Bourg, dès La Tène D2. Les indices d’occupation sont alors disséminés aux quatre coins du bourg actuel de Verdun, occupant en majeure partie les berges sud du Doubs. Après avoir contrôlé le gué de Chauvort et de la Dheune, cette nouvelle agglomération va ici dominer la confluence et les passages à gué de Bragny et des Bordes. Ce nouveau carrefour cristallise alors un nouvel habitat groupé qui ne semble pas prendre de grande ampleur ou du moins elle nous échappe totalement. Mais en tout état de cause, cette agglomération semble tournée vers le commerce et l’activité portuaire. Les quantités importantes d’amphores découvertes sur le site depuis le XVIIe siècle en témoignent.

 

6.4. Le Bas-Empire

Il est difficile de dire dans l’état actuel des choses si l’agglomération antique de Verdun perdure durant le Bas-Empire.

 

6.5. Le Haut Moyen-Age

Il en est de même avec l’occupation du haut Moyen-Age.

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

Le site du Petit-Chauvort s’étend sur une superficie de l’ordre de 20 ha dans son plein développement, à l’intérieur d’un coude de la Saône, en rive gauche. Il est structuré par une voie axiale, utilisée dès le Hallstatt D, qui aboutit à un passage à gué (Chauvort). Cette pérennité de certains axes de communication et de passages à gué serait alors un facteur favorable entrant dans la construction d’un pôle d’occupation stable à la confluence Saône-Doubs-Dheune. Les affinités existant entre les villages de Bragny-sur-Saône/Sous Moussière et Verdun-sur-le-Doubs/Petit-Chauvort constituent une autre indication d’une certaine stabilité morphologique et fonctionnelle de l’habitat du secteur aggloméré de ce secteur. Dans la partie orientale du gisement du Petit-Chauvort, où les données sont les plus conséquentes, les traces d’occupation les plus anciennes, datables de La Tène B, sont localisées dans un seul secteur, implanté sur un relief naturel allongé constitué de limons de débordement de la Saône. Il faut attendre ensuite la première moitié et le milieu du IIe siècle av. J.-C. (La Tène C2 et transition LT C2/D1) pour que de nouveaux noyaux d’occupation se développent, répartis sur de faibles reliefs. Dans une troisième étape, qui appartient pleinement à La Tène D1, l’occupation connaît un développement brutal et important, qui se manifeste en particulier dans une trame dense de structures excavées. Toutes les zones basses, potentiellement inondables, sont alors colonisées. Différents arguments plaident pour un abandon du site dès 110 av. J.-C. Quelques éléments mobiliers suggèrent toutefois une faible perduration jusque dans les années 100/90 av. J.-C. Mais cette désaffection du village des IIIe-IIe siècles s’effectue au profit d’un lieu plus proche, distant d’à peine un kilomètre, répondant peut-être mieux aux exigences d’implantation et de développement d’une agglomération de bord de rivière. C’est également à cet endroit que se développera la bourgade gallo-romaine, qui ne semble pas avoir eu une extension et un statut particulièrement important. Il est intéressant de noter qu’alors que le site principal de la confluence connaît un cycle de déplacement entre La Tène 1 et La Tène D, les sites secondaires de la zone verdunoise repérés à Verjux/Es-Chezeaux, Mare Grillot, installés sur des buttes sédimentaires en bord de Saône, se caractérisent par une remarquable pérennité d’occupation entre le Bronze final et l’époque romaine.

L’abandon de l’habitat du Petit-Chauvort serait-il alors lié à l’émergence de l’oppidum de Châlon-sur-Saône, distant de seulement 30 km, ou bien correspond-il à une logique territoriale plus locale, telle que la nécessité de trouver dans le secteur de la confluence une implantation plus appropriée au concept d’agglomération ? La continuité existant entre l’occupation de La Tène D2 et l’occupation du Haut-Empire, sous le bourg actuel de Verdun, pourrait aller dans ce sens. La pérennisation d’un habitat groupé, dont on ignore l’ampleur et le statut, à Verdun, n’est d’ailleurs pas incompatible avec un déplacement du pôle territorial, Cabillonum prenant au Ier siècle av. J.-C. la position dominante qu’avait occupée Verdun précédemment. Dans cette discussion sur les mutations des centres de peuplement, l’influence des troubles qui affectent les zones de contact entre les territoires éduen et séquane à La Tène D est difficile à estimer précisément, mais a pu jouer un rôle, dans la mesure où de larges portions de territoire sont passées d’un peuple à l’autre (Barral, Nouvel 2012, p. 142-144).

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Même si le site du Petit-Chauvort est maintenant bien connu et notamment sur ses faciès chronologiques d’occupation, l’étendue réelle du site reste une question incertaine. Les estimations en font un oppidum d’une vingtaine d’hectares, mais quelles sont les limites réelles de l’habitat ? La question se pose également sur le séquençage de l’occupation au sein même du site. Est-ce que les modèles d’évolution actuellement valables le sont pour l’ensemble du groupement ? Ces questions pourraient trouver réponse en ouvrant de nouvelles fenêtres de fouilles à l’ouest, plus étendues que la campagne de fouille 1996-1999. L’objectif serait alors d’obtenir un plan de l’habitat et de son organisation spatiale, ainsi que son étendue exacte dans ce secteur de l’agglomération. Des prospections géophysiques permettraient également de répondre à ces questions d’ampleur de l’habitat groupé, dans un plus court terme.

 

 

9. Bibliographie

 

 

Armand-Calliat 1937 : ARMAND-CALLIAT (L.) – Chalonnais gallo-romain. Répertoire des découvertes archéologiques faites dans l’arrondissement de Chalon, Société d’Histoire et d’Archéologie, Châlon-sur-Saône, 1937, 293 p.

 

Barral 1989 : BARRAL (P.) – Approche d’une étude de la céramique gauloise dans la moyenne vallée de la Saône : le matériel du Petit-Chauvort (Verdun-sur-le-Doubs), Mémoire de DEA, Université de Franche-Comté, Besançon, 1989.

 

Barral 1996 : BARRAL (P.) – Le Petit-Chauvort, SRA Bourgogne, Dijon, 1996, 17 p.

 

Barral 1997 : BARRAL (P.) – Le Petit-Chauvort, SRA Bourgogne, Dijon, 1996, 37 p.

 

Barral 1998 : BARRAL (P.) – Le Petit-Chauvort, SRA Bourgogne, Dijon, 1996, 23 p.

 

Barral 1999 : BARRAL (P.) – Le Petit-Chauvort, SRA Bourgogne, Dijon, 1996, 23 p.

 

Barral, Nouvel 2012 : BARRAL (P.), NOUVEL (P.) – La dynamique d’urbanisation à la fin de l’âge du fer dans le centre-est de la France. In : SIEVERS (S.), SCHONFELDER (M.) – La question de la proto-urbanisation à l’âge du fer. Actes du colloque d’Aschaffenburg, 13-16 mai 2010. Bonn, 2012, p. 139-164.

 

Benech 1998 : BENECH (C.) – Prospection magnétique sur le site du Petit-Chauvort, SRA Bourgogne, Dijon, 1998, 2 vol., n. p.

 

Bonnamour 1977 : BONNAMOUR (L.) – Chronique archéologique, Mémoire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Châlon-sur-Saône, t. 46, 1977, p. 15-50.

 

Bruhl 1964 : BRUHL (A.) – Informations archéologiques, Gallia, t. 22, 1964, p. 421-422.

 

Guillot 1970 : GUILLOT (A.) – Site de la Tène III, Site gaulois du Petit-Chauvort, SRA Bourgogne, Dijon, 2013, 9 p.

 

Guillot 1976 : GUILLOT (A.) – Le confluent de la Saône et du Doubs au premier âge du fer, Revue Archéologique de l’Est, t. 27, 1976, p. 109-133.

 

Léger 1972 : LEGER (P.) – Site de la Tène III, Site gaulois du Petit-Chauvort, SRA Bourgogne, Dijon, 1972, 15 p.

 

Morel 1985 : MOREL (J.-P.) – La céramique campanienne en Gaule interne. In : BONNAMOUR (L.), DUVAL (A.), GUILLAUMET (J.-P.) – Les âges du fer dans la vallée de la Saône (VIIe – Ier siècles avant notre ère. Actes du 7ème colloque de l’A.F.E.A.F., 12-15 mai 1983. Paris : Revue Archéologique de l’Est, 6ème supplément, 1985, p. 181-187.

 

Rebourg 1994 : REBOURG (A.) – Verdun-sur-le-Doubs, Carte Archéologique de la Gaule : La Saône-et-Loire : 71/4, Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, 1994, p.488-490.

Loïc Gaëtan

Illustrations Verdun sur le Doubs