1. Localisation et emprise connue de l’occupation
Au nord d’une boucle de la Loue, sur les territoires communaux de Liesle et de Fourg (Doubs), au passage de la voie romaine Lyon-Besançon, par Lons-le-Saunier, se développe un ensemble de fours de potiers associé à des structures d’habitat difficilement caractérisables en l’état. Ces occupations, réparties sur une longueur d’environ 1,5 km, sont exclusivement connues par le biais de prospection pédestre thématique, par F. Charlier au début des années 1990. Il est donc mal aisé de définir, dans l’état actuel des recherches, l’existence d’un habitat groupé à vocation artisanale en lien avec les structures de production déjà repérées. Mais cet ensemble s’insère dans un groupe plus vaste d’ateliers de production de terre cuite avec les centres de Villers-Farlay, 12 km plus au sud. De ce fait, il est très difficile de déterminer avec exactitude l’emprise d’occupation de ces divers sites.
2. Cadre naturel
Les sites d’ateliers de potier de Liesle et Fourg sont installés le long de la voie romaine Lyon-Besançon, reprise par la limite communale des territoires de Liesle, Fourg et Arc-et-Senans. Cette voie contourne à l’ouest le mont le Signal qui culmine à 467 m d’altitude, alors que le fond de vallée se trouve à une moyenne de 265 m d’altitude. Ces sites se trouvent alors sur la partie orientale de la forêt de Chaux, vaste forêt de 20 493 hectares située à l’est de la ville de Dole, à cheval sur les départements du Doubs et du Jura. La géologie de cette région, et tout particulièrement de la forêt de Chaux, hérite en grande partie de l’ancien cours de l’Aar-Doubs, modifié notamment par les mouvements alpins. Entre le Pliocène et le Villafranchien, les rivières alpines Aar et Doubs, par une circonvolution empruntant le cours du Doubs, venaient se jeter dans la plaine bressane. La forêt occupe les restes du vaste delta Pliocène de l’ancien Aar-Doubs qui se jetait dans le lac bressan sous forme d’un glacis faiblement incliné nord-est/sud-ouest. Le sous-sol est principalement constitué d’un puissant ensemble de cailloutis, communs à la forêt de Chaux et au Sundgau (Alsace), cimentés dans une pâte argileuse à fortes variations locales et très généralement surmontés de limons. Ces cailloutis n’affleurent que sur les pentes ou en fond de vallons. La région constitue ainsi un environnement propice à la mise en place d’atelier de production de terre cuite dès l’Antiquité. En outre, le plateau central est caractérisé par une nappe phréatique perchée intermittente alimentée par les pluies. La Clauge et son affluent, la Tanche, qui prennent naissance à proximité de la voie romaine et des ateliers de potiers, traversent la forêt d’est en ouest, et constituent les principaux ruisseaux permanents de la forêt. En plus de ces deux ruisseaux, la forêt est drainée et irriguée par un réseau dense de rus (ruisseaux) temporaires et souvent intermittents.
3. Etat des connaissances
Le projet de liaison autoroutière entre Besançon (A 36) et Poligny (A 39) au début des années 1990, a entraîné la réalisation de prospections-inventaires d’envergure dans les communes traversées, dans le secteur de la forêt de Chaux et d’Arc-et-Senans. En 1995, les prospections concernent les territoires de Liesle et de Fourg, permettant ainsi de faire le point sur la documentation et la conservation des sites archéologiques de cette région. Outre les occupations antiques déjà repérées par A. Rousset en 1858, de nouveaux sites sont mis au jour et notamment le long de la voie romaine Lyon-Besançon. Toutes les parcelles prospectées ont été cartographiées sur fond IGN dans un rapport, et le mobilier déposé au musée de Besançon (Watts, Leng 1995). En 1991, le secteur avait déjà fait l’objet de repérage dans le cadre du mémoire de maîtrise de F. Charlier concernant les ateliers de production céramique en Franche-Comté et dans le Centre-Est de la Gaule. Ces diverses recherches au sol ont ainsi permis d’observer tous les champs labourés de ces deux communes, établissant alors une carte archéologique assez complète. Néanmoins, la nature trop résiduelle du mobilier collecté ne permet pas d’envisager une chronologie de la fréquentation de ces sites. Le dossier documentaire reste alors peu étoffé puisque notre connaissance repose exclusivement sur des données de prospection au sol, non confirmée par l’apparition de structures bâties, grâce aux survols aériens, aux prospections géophysiques ou aux fouilles archéologiques.
4. Organisation spatiale
L’installation des ateliers de potiers et des occupations antiques de Liesle et Fourg est avant tout guidée par le passage de la voie romaine Lyon-Besançon (UD n° 1), servant aujourd’hui de limite communale entre Fourg, Liesle et Arc-et-Senans. Cette voie également en partie reprise par le chemin GR 59a est encore dénommée Levée de Jules César.
Au sud, le premier centre de production repéré se trouve sur la commune de Liesle (UD n° 2). Connu grâce aux prospections de F. Charlier en 1990, et de S. Leng et D. Watts en 1995, ce site s’étend sur une superficie d’environ 1,5 ha. Situé en forêt, il se caractérise surtout par la présence de céramique commune claire et de fragments de tuiles vitrifiées au sol. Ce dernier indice amène le prospecteur à situer ici un atelier de tuilier.
Plus au nord, sur la commune de Fourg se développent d’autres traces d’occupation, en bordure de la voie romaine, dont la nature reste difficilement caractérisable (UD n° 10, 11 et 12). Les structures composant cette occupation s’identifient grâce aux concentrations de mobilier au sol (tuiles, céramiques communes, sigillées…). L’extension du site reste toutefois assez limitée du fait de la présence de prairies aux alentours. Là aussi, les traces d’un artisanat de terre cuite sont présentes (cf infra). Dans ce secteur, les trois sites repérés n’ont pu être reliés faute de prospection d’ensemble, mais la surface totale du gisement s’élève à une dizaine d’hectares.
5. Nature et caractérisation de l’occupation
La caractérisation de l’occupation des sites de Fourg et Liesle repose exclusivement sur des données de prospection pédestre. La présence de tuiles vitrifiées à Liesle (UD n° 2) laisse alors supposer l’existence d’un artisanat tuilier dans ce secteur, à l’image du site de Villers-Farlay, 12 km plus au sud. De même, la mise au jour de fragments de parois de four (terre-cuite vitrifiée) sur le site de Fourg (UD n° 10) amène F. Charlier à situer ici plusieurs fours de potier.
6. Chronologie et critères de datation
Le manque de mobilier céramique mis au jour sur les sites de Fourg et de Liesle limite la connaissance du faciès chronologique des ateliers de terre cuite de cette région. La situation géographique de ces sites (sous-bois et prairie) empêche également toute récupération de mobilier au sol. Le matériel mis au jour lors des précédentes prospections se caractérise par une prédominance de la céramique commune claire, et quelques tessons de sigillée. Mais le caractère trop fragmentaire du mobilier empêche toute reconnaissance de typologie.
7. Synthèse sur la dynamique d’occupation
Les prospections-inventaires réalisées au début des années 1990 au nord de la Loue ont permis de repérer un environnement archéologique assez dense sur les territoires communaux de Liesle et de Fourg. Le passage de la voie romaine Lyon-Besançon sur ces territoires a entraîné un rapprochement des sites sur cet axe de circulation régional important. Ainsi, la présence d’ateliers de production de terre cuite à Liesle et à Fourg démontre cette polarisation de l’occupation dès le début de notre ère. L’environnement naturel, la proximité de gisements d’argile, de la forêt et de l’eau sont des atouts mis en avant dans l’implantation de ces ateliers. Mais les relations avec les axes de communication et les groupements humains apparaissent également très déterminantes dans ces choix. Les sites étudiés illustrent alors très bien ces choix stratégiques. Néanmoins, la pauvreté de la documentation les concernant empêche, pour l’instant, toute conclusion sur ces occupations. Même si la fonction artisanale peut être évoquée, son ampleur, sa chronologie et sa diffusion ne sont en aucun point connues. Le caractère domestique de ces ensembles est également discutable, faute de données concrètes dans ce domaine. L’implantation géographique de cette occupation et son rapprochement avec les ateliers de Villers-Farlay, laissent à penser que nous sommes ici dans un schéma d’occupation similaire.
8. Perspectives de recherche
Une étude du mobilier serait nécessaire afin de mieux appréhender la chronologie d’occupation du site. De même, la réalisation de prospection géophysique, ou aérienne, permettrait de cerner l’extension et la nature réelle de cette occupation artisanale.
9. Bibliographie
Charlier 1991 : CHARLIER (F.) – Les ateliers céramiques antiques en Franche-Comté. Rapport de prospection thématique, SRA Franche-Comté, Besançon, 1991, 76 p.
Charlier 1992 : CHARLIER (F.) – Tuiles et tuileries dans le Jura à l’époque gallo-romaine. In : Collectif 1992 – Dans le Jura gallo-romain, Centre Jurassien du Patrimoine, Besançon, 1992, p. 21-26.
Charlier 1995 : CHARLIER (F.) – Rapport final de prospection thématique. Les ateliers céramiques antiques en Franche-Comté, SRA Franche-Comté, Besançon, 1995, 44 p.
Rousset 1853-1858 : ROUSSET (A.) – Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de Franche-Comté et des hameaux qui en dépendent classés par département ; département du Jura, Bintot impr., Besançon, 1853-1858, 6 vol.
Rothé 2001 : ROTHE (M.-P.) – Liesle, Carte Archéologique de la Gaule : Le Jura 39, Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, 2001, p. 323.
Watts, Leng 1995 : WATTS (D.), LENG (S.) – Prospections dans l’environnement de la liaison autoroutière A36 – A39, communes de Boussières, Byans-sur-Doubs, Fourg, Liesle et de Villars-Saint-Georges (Doubs, 25), SRA Franche-Comté, Besançon, 1995, 54 p.
Loïc Gaëtan