Chaumergy (Jura)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

Au cœur de la Bresse comtoise, à moins de 2 km de la Saône-et-Loire, le village de Chaumergy est situé entre Poligny (Jura) et Pierre-de-Bresse (Saône-et-Loire), à égale distance entre ces deux villes. L’atelier de potier repéré se situe à 1,5 km au sud du village actuel, au milieu de la forêt du Bois du Beulet. Découvert en 1992 par A. Daubigney et ensuite étudié par F. Charlier, le site n’a fait l’objet que de ramassages au sol permettant de circonscrire l’occupation. Dans l’état actuel des recherches, aucune structure d’habitat n’est associée à cet ensemble artisanal qui apparaît assez isolé au sein de la région. Mais des exemples proches de site de potiers, tel que Mantry (Jura), où artisanat et habitat sont liés, laissent penser que nous pouvons être ici dans une configuration similaire. En tout état de cause, l’emprise du site de Chaumergy est encore très peu connue, à l’exception de son unité artisanale, même si toutes les structures n’ont certainement pas été mises au jour.

 

 

2. Cadre naturel

 

Chaumergy, au cœur de la Bresse, est aujourd’hui situé dans la région des étangs, au pied de l’arc jurassien. Cette micro-région fait partie de la zone nord des bassins d’effondrement du Rhône et de la Saône, occupée par un lac à la fin de l’ère tertiaire. Cette zone formait alors un vaste delta servant d’embouchure au fleuve qui regroupait les eaux du Rhin et du Doubs actuel. Le retrait progressif du lac bressan a laissé place à de vastes marécages. L’apparition des étangs actuels de la Bresse est beaucoup plus récente puisqu’ils servaient à la pisciculture et de réserve d’eau pour le bétail dès le XIIIe siècle. Dans cette région peu perméable, on réalisait des plans d’eau de faible étendue et de faible profondeur alimentés en eau par les précipitations, les sources ou le ruissellement voisin. La création des étangs de l’Huissier et de Malvernois, sur la rivière de la Chaux, se fait sans doute dans ce contexte. Dès le XVIIe siècle, les campagnes d’assèchement ont entraîné la réduction du nombre d’étangs, qui est passé de 1 300 à 600 aujourd’hui.

 

 

3. Etat des connaissances

 

L’atelier de potier du Bois du Beulet est repéré pour la première fois en 1992 par A. Daubigney (UI n° 3). Depuis, le site n’a fait l’objet que d’observations et de ramassages au sol dans le cadre d’une prospection thématique sur les ateliers céramiques antiques en Franche-Comté (Charlier 1993). Les résultats sont publiés dans le congrès de la SFECAG de 1996 (Charlier 1996, p. 491-499). Ces recherches constituent les seules données aujourd’hui disponibles pour une étude du site.

 

 

4. Organisation spatiale

 

Les vestiges les plus proches de l’atelier de potier du Bois du Beulet se trouvent à environ 1 km au nord, à proximité de l’actuel  village de Chaumergy à Champ de Mars (UD n° 2) et Bourgeot (UD n° 3). Ces sites se manifestent par la présence de mobilier et de tuiles au sol, découvert au XIXe siècle. L’atelier de potier se trouve à 500 m au nord d’une voie romaine est-ouest reliant les agglomérations de Grozon et de Pierre-de-Bresse (UD n° 1). Le site du Bois du Beulet se manifeste par la présence de poteries et de quelques matériaux de construction en terre cuite sous le tapis de feuilles mortes (UD n° 5). Le mobilier archéologique s’étend sur une surface de moins d’1 ha avec une concentration beaucoup plus forte du côté est, sur une zone de 65 m sur 30 m. Au nord de l’atelier se remarque une vaste dépression de 50 m de diamètre pour une profondeur maximale de 3 m ; elle est traversée par un chemin forestier construit en levée. Il est possible, à titre d’hypothèse, d’y voir une carrière d’argile exploitée par les potiers gallo-romains. Le mobilier visible à la surface du site se compose de poteries, de matériaux de construction de fours en terre cuite et de tubulures. Les matériaux de construction se composent de tegulae, de fragments de parois de fours et de liant. Les structures d’habitat sont totalement absentes dans l’état actuel des recherches. Elles peuvent avoir été détruites par le creusement des deux étangs situés au sud du site.

 

5. Nature et caractérisation de l’occupation

 

De nombreux tessons de céramiques présentent un aspect caractéristique d’une surcuisson (noir, parfois boursouflé et vitrifié). La fragmentation des tubulures est également importante. Tournées, elles sont toutes de formes cylindriques (ou demi-cylindrique ?). Leur diamètre externe varie entre 6 et 12 cm, pour une épaisseur de parois comprise entre 0,6 et 1,4 cm. Aucun fragment ne possède de dispositif d’emboîtement : l’extrémité des tubulures est plate ou avec un léger bourrelet.

Grâce à la quantité de mobilier collecté au sol, une étude de la production a été réalisée par F. Charlier (1996). Celle-ci se répartit en deux grands types : les céramiques communes et les céramiques à revêtement argileux, pour une proportion respectivement de 20 et 80 % environ.

– La céramique commune est constituée d’une pâte claire de couleur orange-rose ; quelques exemplaires présentent aussi une pâte grise plus ou moins clair. Le répertoire typologique comprend : des cruches à lèvre en bourrelet ou à embouchure en cupule, ou encore à bec tréflé ; des pots de taille variable à lèvre éversée arrondie ou en bourrelet ; des plats ou des écuelles à paroi incurvée et à lèvre arrondie, avec une cannelure sur la paroi ; des faisselles.

– Les céramiques à revêtement argileux se divisent en deux ensembles ; l’un, à paroi fine, se compose de divers types de gobelets et l’autre comprend une série de céramiques de formes ouvertes. Ces céramiques sont constituées d’une pâte claire, de couleur beige-rose ; quelques exemplaires possèdent aussi une pâte de couleur grise. L’engobe, de bonne qualité, est de couleur noire, grise ou rouge.

En l’état actuel des connaissances (issu des prospections pédestres), l’atelier de Chaumergy présente une production très peu diversifiée mais d’excellente qualité. Compte tenu de la faiblesse quantitative du lot céramique disponible et de sa fragmentation, il est évident que le répertoire des productions s’enrichira de nouvelles formes et éventuellement de nouveaux types de céramiques. La diffusion de l’atelier de Chaumergy reste à déterminer. Les premières recherches ont mis en évidence la présence de bols à bandeau décoré à pâte claire autour de Salins-les-Bains et de Champagnole en contexte malheureusement non daté ou très mal daté.

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

La chronologie de l’atelier n’est pas encore fixée en l’absence de références sur des sites de consommation. Au vu du répertoire, on peut seulement avancer une période d’activité comprise entre le milieu du IIe siècle et la fin du IIIe siècle. Mais l’absence de mobilier d’importation sur le site ne permet pas de cerner davantage le faciès chronologique d’occupation.

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

L’atelier de potier repéré sur la commune de Chaumergy se trouve à l’écart des axes de circulation important de la région, même si une voie secondaire passe à environ 500 m au sud, reliant Grozon à Pierre-de-Bresse. Cette situation géographique peut rappeler celle de l’atelier de production de Mantry, situé à 5 km au sud-est. L’atelier de Chaumergy s’étend sur une surface d’à peine 1 ha, mais l’absence de structure d’habitat, dans l’état actuel des recherches, ne permet pas d’associer à ce centre une occupation domestique, comme cela peut être le cas à Mantry, ou Villers-Farlay. Cet atelier s’ajoute à la série d’ateliers de tuiliers et de potiers déjà connus sur la frange ouest du Jura, qui exploitaient les argiles bressanes. Il se démarque toutefois des autres par le type et la qualité de sa production principale. Si la qualité et les formes des céramiques à revêtement argileux produites sont comparables à celle de Gueugnon, la ressemblance s’arrête là car, contrairement à cette dernière, l’atelier de Chaumergy semble être de petite taille avec une production très peu diversifiée. Cette production soulève la question de l’existence éventuelle de petits ateliers qui, installés à la limite de diffusion de grandes officines, en copieraient les formes les plus en vogue sur le marché. Mais notre connaissance du site et de sa production est encore trop sommaire pour répondre à ce genre de questionnements. Seule une meilleure détermination de son répertoire typologique, de sa chronologie et de son aire de diffusion, à l’aide d’études céramologiques réalisées sur des sites de consommation du Jura et de la Bresse bourguignonne permettra de mieux définir cet atelier. En ce qui concerne sa période d’occupation, les quelques tessons recueillis permettent de situer une fréquentation des lieux autour des IIe et IIIe siècles. Sur la commune, les vestiges du Bois Beulet s’insèrent dans une occupation du territoire communal dont la nature et la chronologie ne sont en aucun point connues du fait de l’ancienneté des découvertes.

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Une nouvelle étude du mobilier provenant du site serait nécessaire afin de mieux appréhender sa chronologie d’occupation. Un nouveau ramassage de surface permettrait alors la collecte de nouveaux éléments et, peut-être, de mieux circonscrire l’extension de l’occupation.

 

 

9. Bibliographie

 

Charlier 1993 : CHARLIER (F.) – Les ateliers céramiques antiques en Franche-Comté. Rapport de prospection thématique, SRA Franche-Comté, Besançon, 1993, 76 p.

 

Charlier 1995 : CHARLIER (F.) – Rapport final de prospection thématique. Les ateliers céramiques antiques en Franche-Comté, SRA Franche-Comté, Besançon, 1995, 44 p.

 

Charlier 1996 : CHARLIER (F.) – L’atelier de potiers gallo-romain de Chaumergy (Jura). In : RIVET (L.) dir. – Actes S.F.E.C.A.G., Congrès de Dijon, 1996. Marseille, 1996, p. 491-499.

 

Rousset 1853-1858 : ROUSSET (A.) – Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de Franche-Comté et des hameaux qui en dépendent classés par département ; département du Jura, Bintot impr., Besançon, 1853-1858, 6 vol.

 

Rothé 2001 : ROTHE (M.-P.) – Chaumergy, Carte Archéologique de la Gaule : Le Jura 39, Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, 2001, p. 280.

Loïc Gaëtan

Illustrations Chaumergy