Boncourt-le-Bois (Côte-d’Or)

1. Localisation et emprise connue de l’occupation

 

La petite agglomération antique de Boncourt-le-Bois se trouve au nord-est du village, au lieu-dit Le Clos Saint-Pierre. Elle est également à cheval sur la commune de Saint-Bernard. Elle se développe le long de la voie d’Agrippa reliant Châlon-sur-Saône à Langres, à mi-distance entre la station de Palleau et l’agglomération de Dijon. La station routière se retrouve à un carrefour entre la voie d’Agrippa et une petite voie secondaire traversière reliant Autun à Besançon. Nous nous trouvons ici aux marges nord-ouest du territoire Eduen, à 5 km de l’agglomération de Nuits-Saint-Georges/Les Bolards. Durant l’Antiquité tardive, la Vouge limitait les diocèses d’Autun et de Langres, et il est possible qu’elle dût faire de même entre les cités des Eduens et des Lingons. Les vestiges de l’agglomération se développent du nord au sud sous la forme d’un « village-rue », sur une longueur connue de 250 mètres. Elle doit cependant très certainement se développer un peu plus au sud, sous la forêt (Le Bois de Souzières). Une importante villa se trouve à l’ouest de l’agglomération, au lieu-dit La Toppe, le long de la voie secondaire.

 

 

2. Cadre naturel

 

2.1. Topographie, Géologie

Située en plein cœur du Val de Saône, dans le département de Côte-d’Or, l’agglomération antique de Boncourt-le-Bois est implantée à une altitude moyenne de 203 m.  Le site est implanté dans une petite vallée alluvionnaire dans laquelle coule la Vouge.

2.2. Hydrographie

Le site de Boncourt se développe d’ailleurs à l’emplacement d’un gué, là où la voie d’Agrippa traverse la rivière de la Vouge, petit affluent de la Saône. Le territoire de la commune est traversé par plusieurs petits cours d’eau prenant leur source au pied de la Côte de Beaune. Ceux-ci traversent également en partie l’agglomération antique.

 

 

3. Etat des connaissances

 

3.1. Sources

L’agglomération antique présente au lieu-dit Pièce Saint-Pierre correspond sans aucun doute possible à Vidubia, station antique indiquée sur la carte de Peutinger sur l’itinéraire de la voie d’Agrippa Châlon-Langres. La voie traverse en effet à cet endroit la rivière Vouge (=Vidubia), et la distance de 20 lieues de Cabilonnum à Vidubia correspond à quelques centaines de mètres près aux 45,5 km relevables sur le terrain.

Actuellement, l’agglomération nous est connue grâce aux nombreuses découvertes au XIXe siècle. Celles-ci sont confirmées par des sondages financés par la Commission de Topographie des Gaules, sous la direction de Ch. Aubertin. C’est à ces diverses occasions que les chercheurs se sont aperçus qu’une villa de taille importante se trouvait à l’ouest de l’agglomération antique. Son plan ne nous est connu que depuis 2011 grâce aux photographies aériennes de R. Goguey et A. Cordier.

 

3.2. Historique des recherches

Les premières recherches menées sur l’agglomération antique de Boncourt-le-Bois/Saint-Bernard remontent au milieu du XIXe siècle après quelques découvertes de mobilier, tuiles, moellons, fragments d’architecture… Ainsi, dans les années 1860 fut trouvé un fût de colonne cannelée dans des substructions romaines, le soubassement d’un monument probablement lié au culte avec des ossements d’animaux. M. Friandet, instituteur, détaille les différentes découvertes faites en cet endroit et à proximité, en Pré Paillot et la Grande Perrière, comme les fondations de murs, les fragments de marbre, les monnaies et ustensiles divers (lettre du 04.09.1861 conservée aux arch. des Bolards). L’instituteur Friandet a remis à la C.A.C.O. deux monnaies gauloises (une leuque et une Séquane) et 43 monnaies romaines : des sesterces d’Hadrien, d’Antonin, de Marc-Aurèle, de Lucille, d’Alexandre Sévère ; des as de la colonie de Nîmes, d’Auguste, de Trajan et de Marc-Aurèle ; des antoniniens dont 4 Gallien, Tétricus II, Claude II et Quintille ; des petits bronzes dont 3 Constance-Chlore, 9 Constantin I, Constantin II, Gratien et 12 monnaies frustes (UI n° 1 ; Arbaumont 1874-1877, p. LXX-LXXI). Suite à cela, en 1867, après avoir repéré la voie d’Agrippa, Ch. Aubertin décide de mener une série de sondages dans cette parcelle (UI n° 4). Il découvre deux murs qu’il suivra sur 10 et 12 mètres de longueur. Ensuite mandaté par la Commission de la topographie des Gaules, en 1897, Ch. Aubertin a retrouvé « à 500 m du village », la voie d’Agrippa « bien conservée » avec son embranchement vers les Bolards (UI n° 5).

Tout au long du XXe siècle, quelques découvertes sont notées sur le site antique, mais c’est en 1988 que l’on va en quelque sorte redécouvrir le site grâce aux grands travaux engendrés par l’installation de la fibre optique (UI n° 01). La tranchée traverse ainsi le site du nord au sud permettant alors plusieurs observations sur la conservation des structures et leur étendue (Mazingue 1988). Outre le mobilier collecté, B. Mazingue a pu observer sur la quasi-totalité de la tranchée la présence de la voie d’Agrippa très érodée par les labours. Dans les années 1980 sont également notées quelques découvertes dans une parcelle au sud-ouest, de l’autre côté du Bois de Souzières, au lieu-dit la Toppe : colonne cannelée, tuiles, moellons, mobilier divers et 2 monnaies en or (UI n° 9 et 10). Au départ ce site était interprété commune une extension de l’agglomération. Il apparut toutefois rapidement que nous étions là en présence d’un important établissement rural de type villa. Celle-ci fut enfin confirmée par des prospections aériennes de R. Goguey dans les années 2000, et notamment grâce à la campagne de 2011 (UI n° 11 ; Cordier 2012).

Cette même période fut marquée par une prospection pédestre en 2004 sur l’agglomération routière par M. Kasprzyk (UI n° 3). Cette dernière a livré de la céramique sigillée, de la métallescente et de la commune du Haut-Empire. Il semble donc que cette partie de l’agglomération n’est plus occupée au-delà du IVe siècle. Les dernières orthophotographies publiées par l’IGN nous montrent maintenant pour la première fois l’étendue réelle de l’agglomération ainsi qu’une partie de son organisation spatiale (UI n° 12).

 

 

4. Organisation spatiale

 

            4.1. Structures bâties (voirie, habitat privé, bâtiments publics…)

L’organisation spatiale de l’agglomération antique de Boncourt-le-Bois est très peu connue dans l’état actuel des recherches. Comme nous venons de le dire, seules les dernières photographies aériennes de l’IGN nous fournissent aujourd’hui quelques éléments pour réfléchir sur la répartition spatiale des structures bâties au sein de cette petite agglomération. Celle-ci est alors composée de deux rangées d’habitations de part et d’autre de la voie d’Agrippa (UD n° 1 à 4). Cette disposition indique à l’évidence qu’il s’agit là d’une agglomération de type routier. D’après ces photos, l’habitat apparaît laniéré, sous forme d’îlots d’habitation d’une longueur maximum de 30 mètres pour une largeur moyenne de 14 m. L’habitat le plus dense se trouve sur le côté ouest de la voie avec certainement des traces de remaniements dans la partie sud. Nous pouvons en effet noter des structures se recoupant et une densité plus importante des vestiges.

Le côté est de la voie d’Agrippa, lui, possède moins de structures bâties. Nous pouvons ainsi distinguer au minimum trois grands bâtiments possédant les mêmes caractéristiques que les bâtiments ouest. La façade de ces ensembles est également bordée d’une longue galerie nettement visible sur les clichés. Pour terminer, au nord de cette rangée d’habitations se trouve un grand enclos carré de 45 m de côté. Sur sa partie ouest sont visibles des aménagements avec notamment peut-être une abside. Nous sommes certainement là en présence d’un grand édifice public.

 

L’agglomération est accompagnée à l’ouest d’une importante villa avec divisée entre une pars urbana et une pars rustica. Cet établissement possède deux petits fana sur sa bordure sud-est, non loin de la voie secondaire venant se connecter à la voie d’Agrippa (UD n° 5 à 7).

 

4.2. Nécropole

Aucune nécropole antique n’a été découverte en marge de l’habitat jusqu’alors.

 

4.4. Etendue supposée et remarques

Les limites de l’agglomération antique de Boncourt/Saint-Bernard ne semblent pas aujourd’hui très bien déterminées, à l’exception peut-être des marges nord. Le prolongement au sud reste malgré cela incertain à cause de la présence de la forêt. À part les quelques découvertes non localisées réalisées au XIXe siècle autour de l’embranchement de la voie d’Agrippa et de la voie secondaire Autun-Besançon, cette partie de l’agglomération nous est inconnue. À l’heure actuelle, nous sommes donc en présence d’une agglomération routière d’une superficie d’environ 3 hectares.

 

 

5. Nature de l’occupation et pertinence des éléments de caractérisation

 

La caractérisation de l’occupation reste assez difficile dans l’état actuel des choses. Seule l’analyse du plan des structures découvertes en photo aérienne peut nous aider à avancer sur ce point. Nous sommes ainsi en présence d’un habitat tout à fait classique accompagné de boutiques en façade, donnant sur un portique le long de la rue. Dans ces habitats se mêlent très certainement à la fois artisanat et résidence privée. Pour le moment aucun indice de quelconque artisanat n’a pu être attesté. Au nord de l’agglomération, la grande structure quadrangulaire n’est pas pour l’instant caractérisée faute de connaissance sur ce secteur. Il s’agit toutefois visiblement d’un bâtiment public, voire cultuel au vu de sa configuration. Mais aucune autre structure n’est visible à l’intérieur pour savoir s’il s’agit réellement d’un sanctuaire ou d’un autre type de bâtiment.

Quant à la villa, à l’ouest de la station routière, elle apparaît tout à fait importante au vu de ses dimensions (230 m de longueur)  et de sa proximité avec l’habitat groupé. Celle-ci se trouve également le long de la voie secondaire rejoignant la voie d’Agrippa. Cet établissement rural possède un plan caractéristique des grandes villae à pavillon multiple. La lecture des bâtiments formant la pars urbana est très difficile du fait de la présence de la route, des arbres et des remaniements qu’elle a dû subir au cours de son occupation; celle-ci se trouve au  nord. Au sud de cet ensemble se développe la pars rustica avec de longs murs d’enceinte sur lesquels sont accolés divers bâtiments simples. Tout au sud se développe ensuite de grands bâtiments venant barrer la cour. Cette villa fait partie d’un ensemble plus grand comprenant deux petits fana situés à proximité de la voie romaine.

La région de Boncourt-le-Bois est riche en villa et celle de la Toppe s’insère dans un paysage agricole antique maîtrisé. Nous allons ainsi retrouver des villae similaires sur la commune de Flagey-Echezeaux ou encore à Argilly, un peu plus au sud, mais toujours le long de la voie romaine d’Agrippa. S’agit-il alors de simples établissements ruraux ou servent-ils également de relais routiers pour les voyageurs ? En tout état de cause, la présence d’un sanctuaire au sein de la villa de Boncourt lui confère un certain statut.

 

 

6. Chronologie et critères de datation

 

En l’absence de fouilles récentes, seules les données issues des prospections pédestres et des fouilles anciennes peuvent nous permettre d’avancer certains arguments quant à la chronologie d’occupation de l’agglomération de Boncourt-le-Bois. Les données restent toutefois extrêmement succinctes et nous permettent d’avancer des arguments généraux.

 

6.1. La Tène D

                        6.1.1. Monnaies

Seulement quelques monnaies gauloises ont été découvertes sur le site mais sans plus de précision puisqu’il s’agit de découvertes anciennes : une monnaie leuque et une séquane (lettre du 04.09.1861 conservée aux arch. des Bolards). Ces deux monnaies ne peuvent nous permettre d’attester d’une occupation laténienne sur le site de Boncourt.

 

6.2. Haut-Empire

            Aucun lot de mobilier spécifique n’a été mis au jour sur le site de l’agglomération. Les prospections pédestres réalisées en 2004 par M. Kasprzyk nous permettent cependant d’affirmer que l’agglomération voit le jour au tout début du Ier siècle de notre ère et se développe jusqu’au début du IVe. Elle est ainsi intimement liée l’installation et à l’utilisation de la voie d’Agrippa. La prospection a livré de la céramique sigillée de Gaule centrale et de la céramique métallescente et commune du Haut-Empire.

6.3. Bas-Empire

Comme précisé précédemment, le Bas-Empire est très peu représenté à travers les prospections récemment réalisées. Le site doit ainsi peu à peu péricliter dès le début du IVe siècle de notre ère.

 

 

7. Synthèse sur la dynamique d’occupation

 

L’agglomération routière de Boncourt-le-Bois semble avoir une durée de vie assez courte, correspondant finalement assez bien avec la mise en place et  le fonctionnement du tronçon de la voie d’Agrippa reliant Châlon-sur-Saône à Langres. Aucune trace d’occupation antérieure ou postérieure n’a pu être mise au jour dans l’état actuel des recherches. Il s’agit là également d’une petite station routière dont la superficie ne pourrait excéder les 4 hectares. L’artisanat développé au sein du site nous est inconnu. On doit toutefois y retrouver les fonctions vitales d’un relais routier : artisanat du fer et culinaire. Ceux-ci sont très certainement accompagnés par la présence d’un petit lieu de culte qui doit correspondre à la structure découverte au nord de l’agglomération.

La grande villa de la Toppe, située à l’ouest doit jouer un rôle non négligeable dans l’organisation du territoire de cette micro-région. Nous pourrions alors peut-être imaginer que la station routière soit en quelque sorte une « dépendance » de l’établissement rural (?). En tout état de cause, celui-ci a un statut d’importance (monnaies en or, architecture luxueuse, présence d’un sanctuaire, dimension…).

 

 

8. Perspectives de recherche

 

Même si nous possédons un certain nombre d’indices quant à l’organisation spatiale et à la chronologie de l’agglomération, il serait tout à fait intéressant d’approfondir ces connaissances à son sujet.  L’objectif serait alors de mieux caractériser le grand édifice situé au nord et de connaître les limites sud de l’habitat. Il faudrait également mener une vaste campagne de prospection pédestre sur la villa afin d’en connaître son origine et son développement. À travers ces recherches, le but serait également d’approfondir nos connaissances sur le lien qui existe entre ces deux entités.

 

 

9. Bibliographie

 

Arbaumont 1874-1877 : ARBAUMONT d’ (J) – Compte-Rendu des travaux de la Commission départementale des Antiquités de la Côte-d’Or du 1er juillet 1874 au 1er juillet 1875, Mémoire de la Commission des Antiquités de la Côte-d’Or, t. 9, 1874-1877, p. XLVIILXXIV

 

Aubertin 1870-1873 : AUBERTIN (C.) – Compte-Rendu des travaux de la Commission départementale des Antiquités de la Côte-d’Or du 1er juillet 1870 au 1er juillet 1872, Mémoire de la Commission des Antiquités de la Côte-d’Or, t. 8, 1870-1873, p. XXXIX-LXII

 

Cordier 2012 : CORDIER (A.) – Archéologie aérienne en Côte-d’Or en 2011 : les aléas d’une sécheresse précoce, Revue Archéologique de l’Est, t. 61, 2012, p. 371-383

 

Kasprzyk 2005 : KASPRZYK (M.) – Les cités des éduens et de Châlon durant l’Antiquité tardive (vers 260-530 env.), contribution à l’étude de l’Antiquité tardive en Gaule centrale. Thèse de Doctorat, Université de Bourgogne, Dijon, 2005, 3 vol., 400 p., 486 p. et 478 pl.

 

Mazingue 1988 : MAZINGUE (B.) – Rapport de surveillance de travaux de la fibre optique sur la commune de Boncourt-le-Bois (21). Dijon, SRA Bourgogne, 1988, n. p.

 

Provost et alii 2009 : PROVOST (M.) – Boncourt-le-Bois, Carte Archéologique de la Gaule : La Côte d’Or 21/2, Académie des Inscriptions et des Belles Lettres, Paris, 2009, p. 99-100.

 

Simonnet, Foisset 1872 : SIMONNET (J.), FOISSET (P.) – Voies romaines du département de la Côte d’Or et répertoire archéologique des arrondissements de Dijon et de Beaune. Dijon, Lamarche, 1872, 272 p.

 

Thévenot 1969 : THEVENOT (E.) – Les voies romaines de la cité des éduens. Bruxelles, Latomus, 1969, 338 p.

Loïc Gaëtan

Illustrations Boncourt